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Concert : Jazz à trip(es) avec Yaron Herman

Il aurait pu bondir sur les parquets et intercepter les rebonds sous le panier. Il aurait pu succomber au charme atypique des mathématiques et devenir un nerd reconnu de la planète geek, tant ses lunettes et son allure tendent à l’étiqueter « petit génie de l’informatique ». Mais si Yaron Herman est aujourd’hui greffé à un clavier, c’est sur celui d’un piano que ses doigts réalisent des exploits. A écouter, en trio, le 9 mai au Cheval Blanc de Schiltigheim.

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Yaron Herman (Photo DR)

Le trentenaire israélien – il est né le 12 juillet 1981 à Tel Aviv – évolue dans une dimension ancrée dans le surnaturel. En à peine une dizaine d’années et cinq albums oscillant entre la promesse rayonnante et la réalisation magistrale, Yaron Herman a su s’imposer au monde et même repousser les frontières de la galaxie jazz. Son jeu fougueux, énergique et détendu à la fois n’a pas d’égal, reposant sur une improvisation capable de tout sublimer et de mener instantanément au ciel. En solo, en duo, en trio, Yaron Herman reste mû par l’antienne du « Now’s the time » – « Maintenant ou jamais » – si chère à Charlie « Bird » Parker. Il n’est certes pas le seul à s’appliquer cette philosophie mais pour lui, l’essence profonde du jazz, et par extension de la musique, consiste à pousser toujours plus loin dans la découverte et l’exploration. Expérimenter sans filet mais au feeling, pour développer un son, fabriquer une ambiance, ériger un univers singulier.

Yaron Herman (au centre) avec Tommy Crane et Chris Tordini (Photo DR)

Et c’est justement ce que Yaron Herman est parvenu à faire tant avec Tommy Crane (à la batterie) et Chris Tordini (à la contrebasse) sur le dernier album en date du trio Follow the White Rabbit (2010) que lors des deux précédents opus, A Time for Everything (2007) et Muse (2009), toujours en trio, avec Matt Brewer (à la contrebasse) et Gerald Cleaver (à la batterie). C’est d’ailleurs avec cette dernière formation que Yaron Herman tourne en ce moment sur les scènes du monde entier et que le Cheval Blanc l’avait déjà accueilli en novembre 2007. Le dernier passage du prodige israélien à Schiltigheim remonte par ailleurs à février 2009, en duo avec l’immense clarinettiste-saxophoniste Michel Portal : les deux complices, portés par l’urgence de la transmission, avaient alors marié bop, pop, hip hop et rock dans un ensemble pluriel et métissé, fiévreux et éruptif.

Dans chacune de ces configurations, Yaron Herman s’amuse avec son instrument et met la musique en liesse. Lauréat de la Victoire du Jazz de la Révélation instrumentale en 2008, ce basketteur prometteur à l’élan brisé – comme l’un de ses genoux – mise alors tout sur le piano. Avec un professeur illustre à la méthode d’enseignement basée sur la philosophie, les mathématiques et la psychologie : Opher Brayer. Et cette méthode s’attache plus précisément à lier les maths à l’improvisation sans forcément emprunter les voies quelquefois fastidieuses du solfège. En clair, ces « mathémusiques » théorisées par le jeune Yaron lors d’un cycle de conférences données à la Sorbonne reprennent le rapport sacré qu’entretenaient les Grecs anciens avec les sonorités via la vision pythagoricienne dite de « l’harmonie des sphères » : les intervalles entre les sept notes (do-ré-mi-fa-sol-la-si) correspondent aux distances entre les sept « planètes » de l’univers dans sa représentation géocentrique de l’époque (Lune-Mercure-Vénus-Soleil-Mars-Jupiter-Saturne), c’est-à-dire que ces distances sont en fait des intervalles musicaux puisque cette « harmonie » est synonyme de « musique du monde ».

Vue ainsi, la musique apparaît absolument rationnelle, sans plus aucune fausse note, faite d’une succession de sonorités développées géométriquement. Fort heureusement, l’acte de création spontanée existe encore bel et bien et la logique implacable des chiffres laisse place au ressenti instinctif de la fabrication. Et Yaron Herman parvient à associer ces deux aspects constitutifs de son art et de son talent : algorithmes secs et équations arides s’effacent pour permettre au créateur de prendre la tangente et manipuler ainsi toute la matière qui s’offre à lui. Ce qui donne lieu à des compositions très personnelles conduisant à le suivre dans son propre monde, son « Wonderland », en référence au lapin blanc de Lewis Carroll, à l’image du titre de son dernier album Follow the White Rabbit.

Yaron Herman aime aussi s’approprier des standards actuels de la pop et du rock, comme en attestent les quelques extraits suivants : Toxic de Britney Spears, No Surprises de Radiohead, Heart Shaped Box de Nirvana.

Ce sont donc là autant de preuves de l’envie constante de mouvement de Yaron Herman, d’un besoin permanent d’avancer pour explorer, en s’affranchissant du quotidien pour se laisser le temps de l’éternité, à l’image de cette citation fort appropriée du philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein, souvent reprise par Yaron Herman : « Si l’on entend par éternité non la durée infinie mais l’intemporalité, alors il a la vie éternelle celui qui vit dans le présent ».

Y aller

Yaron Herman Trio, le 9 mai à 20h30 au Cheval Blanc, rue Principale à Schiltigheim.

Ecouter les derniers titres de Yaron Herman Trio sur notre playlist Spotify.


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