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À la Meinau, la désertion des commerces de proximité

Sur la place de l’Île-de-France et dans le quartier de la Meinau à Strasbourg, les habitants observent un déclin de l’offre commerciale. La rénovation du quartier se fait attendre, alors que de nombreux baux commerciaux ont été annulés.

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En juillet, place de l’Île-de-France et alentours, une dizaine de commerces de proximité proposent leurs services aux habitants de la Meinau. Parmi eux : deux pharmacies, deux boulangeries, un bureau de tabac, un café, un opticien, un garage automobile, un restaurant et un coiffeur.

D’après une habitante octogénaire, installée dans le quartier depuis son enfance, la place de l’Île-de-France comptait toutes sortes de commerces autrefois : coiffeurs, boulangeries, boucheries, épiceries, magasin de chaussures, de vêtements, etc. « C’était un quartier bien garni, avec beaucoup de commerces, qui ont fermé les uns après les autres. Maintenant, on s’ennuie. À part le parc, on ne sait pas où aller. »

D’après elle, « les habitants de la Meinau n’ont pas les moyens d’acheter dans ces boutiques. La boucherie, par exemple, c’était trop cher. Alors, on va à Auchan. C’est de moins bonne qualité, ça se conserve moins, mais c’est moins cher », explique-t-elle.

La boucherie Frick-Lutz, 3 place de l’Île de France, fermée depuis 2020 Photo : AT / Rue89 Strasbourg / cc

Sept rideaux fermés

La boucherie « Frick Lutz », qui se situait au 3 place de l’Île-de-France, a fermé ses portes définitivement en 2020. Une auto-école était également présente au numéro 5 de la place, sa fermeture a permis à la boulangerie Banette située juste à côté de s’agrandir, selon la patronne, Diana Leblond.

La boulangerie Banette, située au 5 place de l’Île de France Photo : AT / Rue89 Strasbourg / cc

Le salon de thé « La Canastel », installé autrefois au 31 avenue de Normandie, a lui aussi fermé définitivement ses portes entre 2018 et 2020, sans trouver de repreneur.

La Canastel, ancien salon de thé située au 31 avenue de Picardie Photo : AT / Rue89 Strasbourg / cc

Ces fermetures s’ajoutent à celles du bloc de la rue de Champagne, qui doit être entièrement reconstruit dans le cadre du Nouveau plan de renouvellement urbain (NPRU), une vaste opération de rénovation prévue dans le quartier depuis 2015… Mais en attendant, ces rideaux fermés s’ajoutent aux précédents, ajoutant au sentiment de désertion des commerçants.

Ainsi, Christiane, une quinquagénaire habitante du quartier « depuis toujours » se souvient que lorsqu’elle était petite, elle allait faire réparer son vélo dans un magasin de la rue. « La Cantine », un restaurant qui avait ouvert en octobre 2009 a cessé son activité le 16 mai 2023.

Ancien magasin de vélo situé dans la Rue de Champagne Photo : AT / Rue89 Strasbourg / cc

Le salon de coiffure SO’Hair, situé au 4 Rue de Champagne, fermé depuis 2017 (Photo Adélie Trimbour / Rue89 Strasbourg / cc)

La Cantine, restaurant « rapide » situé rue de Champagne, fermé depuis mai 2023. Photo : Adélie Trimbour / Rue89 Strasbourg / cc
L’épicerie et boucherie Aslan Market, aujourd’hui située au 3 rue de Picardie Photo : Adélie Trimbour / Rue89 Strasbourg / cc

L’épicerie et boucherie « Aslan Market », qui existait dans ce bloc depuis 2012, a déménagé pour aller s’installer 600 mètres plus loin, rue de Picardie près du parc Schulmeister. M. Aslan, le propriétaire des lieux, a abandonné ce local pour quelque chose de « plus moderne et de plus spacieux » dit-il. Un salon de coiffure, « SO’Hair » qui existait à quelques pas a fermé en 2017.

Le dernier salon de coiffure « Studio M’Tiffs », rue de la Canardière depuis plus de vingt ans, pourrait fermer ses portes « d’ici deux ans maximum » selon la propriétaire des lieux, Martine Fleurival qui évoque une forme de lassitude professionnelle.

Une rénovation urbaine qui se fait attendre

Selon Mathieu Cahn, ancien adjoint au maire (PS) du quartier de la Meinau, la question du commerce à la Meinau a toujours été « un enjeu identifié, avec ses difficultés ». Le principal problème, d’après lui, c’est que la zone de chalandise n’est pas assez développée pour que les commerces puissent subsister.

Selon l’ancien élu, le Nouveau plan de rénovation urbaine (NPRU) a pâti de la crise sanitaire et du changement de municipalité en 2020. Un retard dans les livraisons de nouveaux logements qui aurait « amené beaucoup de gens qui avaient acheté et investi dans le quartier à revendre à qui ils peuvent » :

« Il y a trois raisons à la baisse d’attractivité du quartier. La clientèle alentour reste précaire, les loyers des locaux commerciaux sont trop élevés, et les politiques publiques tardent à répondre. À ça viennent s’ajouter les conjonctures, l’inflation et la perte de pouvoir d’achat. Vous mettez tout ça dans un shaker et dans un quartier comme la Meinau, le commerce est très difficile. »

Les atermoiements d’Alsace Habitat

Abdelkarim Ramdane, référent du quartier de la Meinau depuis 2020, répond que la rénovation « n’a jamais été à l’arrêt malgré le changement de majorité municipale ». Le problème, selon lui, viendrait surtout des négociations avec Alsace Habitat, le bailleur social de la Collectivité d’Alsace, qui détient la plupart des locaux commerciaux du quartier :

« Sur la place de l’Île-de-France, on a beaucoup de locaux commerciaux inutilisés depuis des années. Avec les équipes de la direction du territoire, on avait trouvé des psychologues pour s’installer dans l’un d’eux. Tout était ok mais au dernier moment, un jour avant la visite, Alsace Habitat a tout annulé car ils avaient finalement d’autres projets ».

Abdelkarim Ramdane, qui tente de faire le lien entre des repreneurs et Alsace Habitat, avoue que les relations avec le bailleur social du Département rendent son travail « compliqué » :

« La question de la collaboration avec ce bailleur est primordiale. On attend une nouvelle direction et une stabilité pour continuer le travail avec eux. »

Des travaux de mises aux normes, notamment pour l’accès des personnes à mobilité réduite, ont tardé à être réalisés par le bailleur social. Contactée, la direction d’Alsace Habitat était injoignable.

Pour Dileck Yildiz, gérante du PMU de la Canardière, installée depuis 2015, les incivilités et l’insécurité du quartier font partie du problème :

« D’abord les habitants partent et, comme il y a moins de clients, les commerces suivent. Il n’y a pas assez d’entretien des espaces verts non plus, donc, de ce côté là aussi il faut se battre. C’est un quartier sensible, avec beaucoup de dégradations. Même moi j’irais m’installer ailleurs si je le pouvais. »


#commerces

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