Nouvelle Neustadt. C’est en ces termes que certains élus, architectes ou historiens évoquent ce nouveau centre névralgique strasbourgeois, qui s’étend de l’ancien port de plaisance du Heyritz au quartier Deux-Rives, qui s’étendra de Starlette aux bords du Rhin, en passant par les anciens terrains de la Coop, sur l’Île-aux-Epis. Nouvelle Neustadt, cette épine dorsale, autrefois industrialo-portuaire, sur laquelle s’adossent depuis quatre décennies de nombreux équipements importants dans la vie des Strasbourgeois.
La mairie, ou « centre administratif », première à quitter le centre-ville
Au cœur de cet ensemble, le centre administratif, place de l’Etoile, en est le précurseur et l’ancien emblème, avant que ne se lotisse la presqu’île Malraux. Là, des centaines de citoyens se pressent chaque jour au rez-de-chaussée pour effectuer leurs démarches, tandis qu’au premier étage le conseil municipal se réunit un lundi par mois, là encore où le maire a ses bureaux, au 9ème et dernier étage, avec vue imprenable sur la métamorphose du secteur, en accéléré depuis 20 ans. L’Hôtel de ville, place Broglie, reste la mairie d’apparat, pour les cérémonies, mariages ou accueils de délégations étrangères, mais c’est désormais place de l’Etoile que les décisions sont prises.
Plus loin, à l’ouest, sur le même axe, ont été dressés le Zénith et sa « peau » orange, ou la Grande mosquée de Strasbourg, qui suscita tant de débats au début des années 2000. Plus proche, là où la ville se densifie et où l’on s’approche des centres de pouvoir, sont disposés, à raisonnable distance autour de l’ancien bassin de jonction de la Porte de l’Hôpital, aujourd’hui bassin du Heyritz, quelques immeubles cubiques et colorés, résidences d’habitations ou estudiantines, un hôtel et deux administrations imposantes : le Pôle de l’habitat social donc (CUS Habitat et Habitation moderne) et la Caisse d’allocations familiales (CAF).
La migration des « organes vitaux » de Strasbourg
Ces dernières ont emménagé au Heyritz ces toutes dernières années, leurs sièges se situant auparavant à la Krutenau, dans le quartier Suisse. Elles sont désormais toutes proches de l’hôtel de police, déménagé lui aussi de la rue de la Nuée-Bleue, au centre-ville, vers le Heyritz en 2002, sous Catherine Trautmann (maire de 1989 à 2001), et du centre administratif, qui rassemble, sous son gigantesque toit, environ un tiers des quelque 8 000 agents de Strasbourg et de l’Eurométropole depuis 1976.
À cette date, quand les bureaux municipaux sont déplacés de la place Broglie vers le Marksgarten, c’est le maire Pierre Pflimlin (1959 à 1983) qui est à la manœuvre. C’est lui qui, le premier, entame cette migration des « organes vitaux » de Strasbourg vers le sud du centre historique, là où se sont succédés durant les siècles précédents marécages et jardins, couvents et religieux, fortifications Vauban, gare de marchandises, industries portuaires et friches polluées…
Pierre Pflimlin, qui aurait eu bien du mal à imaginer qu’en face de sa mairie flambant neuve, tomberait bientôt un pan de mur du vieil hôpital civil, hospices millénaires réaménagés au XIXème siècle par les Allemands selon les principes hygiénistes de l’époque. Disparition d’un pan d’histoire, afin que soit rendu plus accessible le Nouvel hôpital civil (NHC), inauguré en 2008 par Nicolas Sarkozy.
Du mal à imaginer aussi que sa mairie, les bailleurs sociaux, la CAF, les forces de police ou le NHC, autant de mastodontes du service public, entoureraient finalement un nouveau parc, celui du Heyritz, inauguré en 2014, à l’extrême fin du premier mandat de Roland Ries. C’est là que débute notre visite commentée, devant le bâtiment en bois du club d’aviron (voir ci-contre).
Axe ouest-est structurant : une vision partagée par tous les maires de Strasbourg
Cette vision d’un axe ouest-est structurant, reliant les champs d’Eckbolsheim aux douanes du pont de l’Europe, cette Viaropa strasbourgeoise qui attirerait de nouveaux habitants et des entreprises dynamiques autour d’équipements d’importance, irrigue la politique d’aménagement de tous les maires ou presque depuis Pflimlin. Transformant complètement le quartier et ses paysages en quelques décennies, mais également, déplaçant hors du centre historique des pans entiers des secteurs administratif, social, de loisirs ou de santé locaux.
Si l’on ne peut créditer l’éphémère édile Marcel Rudloff (1983-1989) d’aucun acte marquant sur cet axe, sinon peut-être la planification de la contournante sud qui débouche place de l’Etoile inaugurée en 1991, les maires qui lui ont succédé s’y sont attelé avec application : Catherine Trautmann y fait passer le tramway en 1994 (ligne A, station Etoile-Bourse) et y autorise la construction de l’UGC Ciné-Cité, inauguré en 2000.
Zénith, conservatoire, médiathèque, MUI, Rhéna, etc.
À sa suite, Fabienne Keller conserve le dossier sur le haut de la pile, avec l’installation de nombreux équipements dans le secteur : la Cité de la musique et de la danse place de l’Etoile, la médiathèque Malraux (le « bébé » de son maire délégué et président d’agglomération, Robert Grossmann), le complexe Rivétoile et l’abaissement du pont Churchill, les projets de « Fronts de Neudorf », du Bruckhof, ou du Jardin des Deux-Rives à l’extrême est.
Depuis 10 ans, Roland Ries et son équipe terminent le grand œuvre, déclenchant au passage nombre de polémiques autour de la densification / bétonisation de la ville. C’est ce que nous découvrirons au fil de la balade, du Heyritz à Danube : remaniement du parc de l’Etoile et ZAC du même nom, Maison universitaire internationale (MUI) et entrepôt Seegmuller, transformé pour sa partie supérieure en logements luxueux, les trois « tourettes » (50 mètres de haut chacune) des Black Swans, la tour Elithis ou l’éco-quartier Danube, dont on ignore encore ce qui justifie son préfixe très green.
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