Alors que la période est plutôt dédiée aux réjouissances, à la fête et à la célébration de la famille, une attaque terroriste dans ce tableau peut être extrêmement perturbant pour les enfants et les adolescents. Psycho-somatothérapeute strasbourgeoise et spécialiste du comportement des enfants et des adolescents, Florence Monami détaille les attitudes à adopter pour évoquer l’attaque du Marché de Noël en famille.
Rue89 Strasbourg : comment les Strasbourgeois peuvent-ils protéger leurs enfants du stress de l’attaque ?
Florence Monami : La première règle est que les parents doivent en parler avec leurs enfants. Il faut choisir un vocabulaire adapté à l’âge de l’enfant, il ne faut pas dramatiser mais il est important d’évoquer l’attaque afin de rassurer les enfants et les adolescents. Il ne faut pas penser qu’en taisant les faits, l’enfant ne sera pas affecté car ils détectent le stress chez leurs parents, ils entendent les sirènes, ils surprennent les discussions, etc. Il faut donc les associer à ce qu’il se passe, en choisissant ses mots et en optant pour une posture rassurante.
Comment parler de l’attaque aux plus petits ?
Les enfants scolarisés en maternelle ou en élémentaire sont souvent débordés par leurs émotions. Plus ils sont petits et plus c’est difficile pour eux de les exprimer avec des mots. Donc il faut prendre du temps avec eux et attendre que les mots sortent, écouter. Poser des questions sur ce qu’ils ont compris de la situation, parce que les enfants ont un imaginaire débordant. Ensuite, il faut employer des mots simples, parler par exemple de « méchants » pour les terroristes mais il faut éviter les termes violents. Si possible, on peut proposer aux enfants de dessiner ce qu’ils ressentent, c’est parfois plus simple pour eux que de l’exprimer.
« Les parents doivent être eux-mêmes rassurés »
Il est important aussi que les parents soient rassurants, ce qui présuppose qu’ils soient eux-mêmes rassurés ! Toute démarche à destination d’un enfant démarre donc par un temps de recentrage entre adultes. Il faut garder à l’esprit que le stress, même non exprimé verbalement, se communique aux enfants.
Il faut décrypter ce qu’il s’est passé, à l’aide des informations publiées dans la presse. Mais il faut retirer les enfants des écrans de télévision. Puis expliquer aux enfants la situation sans cacher les choses mais le plus simplement possible. Les enfants peuvent se sentir responsables, il faut les rassurer en parlant de la police, rappeler la loi, les grands principes et les grands interdits dans une vie en société. Ces cadres sont sécurisants pour les enfants. Il peut être utile aussi de rappeler que les émotions ressenties comme la peur ou la tristesse sont normales, il ne faut pas chercher à les cacher.
Strasbourg, c’est souvent le monde entier pour un petit enfant qui peut donc prendre très mal cette intrusion dans son univers. Il faut donc aussi mentionner l’école, le lieu de travail des parents et préciser que tout va bien, qu’ils sont en sécurité et leurs parents aussi.
Faut-il évoquer l’attaque avec les adolescents ?
Oui bien sûr. C’est plus compliqué parce que les adolescents sont déjà connectés les uns avec les autres et à Internet. En outre, ces attaques touchent à leur univers : Bataclan, matchs de football, marché de Noël… Ils y sont très sensibles. Des informations circulent bien avant tout échange avec les parents. Donc là encore, les parents doivent prendre les devants, en discuter avec leurs enfants et rappeler que sur Internet et sur les réseaux sociaux, tout n’est pas exact ni fiable loin de là.
« Expliquer les raisons derrière l’attaque »
Il faut expliquer les raisons qui ont mené à une action terroriste, il y a un cadre politique qui peut être décrypté avec les adolescents, rappeler en l’occurrence que le principal suspect était suivi par la police, qui s’apprêtait à l’appréhender et qu’il semble avoir rejoint une forme de radicalisation islamiste. Il faut leur donner le plus d’informations fiables et vérifiées possible pour leur permettre d’affronter Internet !
Comment détecter si un enfant est traumatisé ?
C’est assez compliqué et les signes peuvent mettre du temps à se manifester, jusqu’à six mois après les événements ! Être anxieux pendant quelques jours, faire des cauchemars pendant quelques nuits est un comportement normal. En revanche, si ça perdure, il faut s’inquiéter et consulter un professionnel. Les symptômes peuvent être une irritabilité exceptionnelle qui persiste, un enfant à fleur de peau, dont les résultats scolaires plongent ou qui ne s’habille plus tout seul, etc. Ce sont des petits signes qui peuvent être dus à un stress post-traumatique. Et comme toujours, pour les détecter, il faut être présent et à l’écoute. Laisser venir la parole, par exemple au moment du coucher.
« Reprendre assez vite une vie normale »
Une bonne manière d’éviter un traumatisme est de reprendre assez vite une vie normale, retrouver les habitudes. Si des enfants vont seuls à l’école par exemple, les parents peuvent les accompagner à nouveau un jour ou deux, mais il faut assez vite reprendre confiance. Les habitudes sécurisent et rassurent les enfants. Dans le cas de cette attaque, il faut retourner assez vite au Marché de Noël.
Si des dessins ont été réalisés, il peut être utile d’aller les déposer sur les lieux dédiés à la mémoire des victimes. Déposer un dessin ou une bougie place Kléber permet aussi aux enfants de se rendre compte qu’ils ne sont pas seuls à ressentir ces émotions. Être entouré de personnes qui partagent le même ressenti peut être d’une grande aide.
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