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Comment des Strasbourgeois tentent de faire carrière à Bruxelles

Pour les Strasbourgeois qui étudient les affaires européennes, le stage dans les institutions, à Bruxelles, est vu comme la panacée, le créneau à ne pas rater. Mais les postesrestent conditionnés à la réussite des concours de la fonction publique européenne (EPSO). Les jeunes diplômés qui ne souhaitent pas s’y soumettre doivent faire preuve de flexibilité.

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Elles sont grises, laides et accusées de tous les maux, et pourtant les institutions communautaires restent prisées des étudiants en affaires européennes. Les stages dits « blue-book », proposés par la Commission européenne ou les stages « Robert Schuman », au sein du Parlement, donnent un aperçu du travail institutionnel aux jeunes qui désirent faire carrière à Bruxelles.

Mais en fin de stage, « rester » – comme cela peut être le cas dans des entreprises privées par exemple, en CDD voire en CDI – est presque impossible. Pour accéder aux postes de permanents dans les institutions européennes, la voie quasi-unique est celle du concours de l’EPSO (comprendre : Office européen de sélection du personnel). Et celui-là fait frémir tous ceux qui s’y essayent, car il est connu pour être particulièrement ardu.

Un grand entraînement

Pauline F., ex-étudiante strasbourgeoise, peu convaincue par son expérience à la Commission européenne – cinq mois de stage durant lesquels elle a eu l’impression que trop peu de responsabilités lui ont été confiées – expose sa stratégie :

« EPSO, je vais le passer cette année, mais honnêtement, je n’envisage pas sérieusement de le réussir du premier coup. Je connais des tas de gens qui vont tenter leur chance en même temps que moi, mais plus pour voir à quoi le concours ressemble. On voit cela comme un grand entraînement. Car je pense qu’avoir une expérience professionnelle au préalable aide à être sélectionné… »

Ex-participante au programme “blue-book” de la Commission, Pauline F. l’admet : “Ce n’était pas mon meilleur stage.” (DR / Rue89 Strasbourg / cc)

Pourtant, Pauline F. a mis toutes les chances de son côté en jouant une carte de choix : celle du Collège d’Europe, souvent surnommé « la fabrique des élites européennes ». Fin 2016, elle a intégré le prestigieux établissement dont l’un des campus est situé à Bruges, au nord de la Belgique. Il accueille pour dix mois des étudiants de toutes nationalités, qu’il forme au travail dans les institutions, loge et nourrit pour quelque 24 000 euros.

1% de réussite

Pour Stéphane Chopin, étudiant à l’institut d’études politiques (IEP) de Strasbourg qui intégrera la prochaine promotion du Collège d’Europe, il s’agit là du « prix à payer pour avoir la vie rêvée après ». En attendant la rentrée, il effectue son stage de fin d’études au sein du bureau de Bruxelles de l’Ecole nationale d’administration (ENA). Il aurait aimé, comme Pauline F. avant lui, décrocher un stage « blue-book » à la Commission. Mais problème : pour intégrer ce programme très sélectif, il faut être diplômé. En France, les IEP ne délivrent pas de licence après la troisième année. Celui de Strasbourg ne fait pas exception. Le dernier diplôme valide de Stéphane Chopin, c’est donc son baccalauréat… obtenu il y a cinq ans.

Sur une terrasse du quartier européen à Bruxelles, Stéphane Chopin songe déjà à la rentrée : il intégrera le master “Etudes politiques et administratives européennes” au Collège d’Europe, sur le campus de Bruges. (photo CS / Rue 89 Strasbourg / cc)

Mais l’étudiant ne désespère pas : ces institutions, s’il les veut vraiment, il les aura. A Bruges, il sera dans un environnement optimal pour préparer les concours qui pourront lui ouvrir les portes des institutions. Ceux-là consistent en une série de tests – d’abord sur ordinateurs, puis dans un centre d’évaluation. Les candidats sélectionnés sont alors inscrits sur une « liste de réserve », dans laquelle puisent les institutions européennes. Mais le taux de réussite peine à atteindre la barre des 1% ; mieux vaut donc avoir un plan B.

Avec ses stages Robert Schuman, le Parlement européen offre aux étudiants sélectionnés la possibilité de découvrir l’institution pendant plusieurs mois. (photo CS / Rue 89 Strasbourg / cc)

Il y a deux ans, Hélène Sibileau, originaire de Wissembourg, a tenté sa chance au concours, sans succès. Depuis mai 2015, elle a rejoint le groupe d’influence EuroACE (European Alliance of Companies for Energy Efficiency in Buildings), après un stage à la représentation permanente de la région Rhône-Alpes, un an au Collège de Bruges et un stage « blue-book ». Elle explique :

« Forte de mon expérience de deux ans dans le privé, je me rends compte que ce qui est le plus important pour moi, ce n’est pas d’être ou pas fonctionnaire européen. Au contraire, c’est de passer huit heures par jour à faire quelque chose qui me passionne. Si c’est pour finir par m’occuper des quotas de poissons à la Commission, ça ne m’intéresse pas. »

Lobbyisme éthique

Rater EPSO ? « C’est problématique, mais pas rédhibitoire », avance encore Stéphane Chopin. Son « job de rêve » à lui ? A la Commission, qui emploie environ 30 000 fonctionnaires. Mais il n’a pas encore décidé au sein de quelle direction générale. Convaincu de l’importance des concours de l’EPSO, il nuance néanmoins :

« Réussir EPSO est indispensable si on veut être aux manettes. Si on veut influencer, on peut s’en passer. Et vu mon caractère, travailler hors de ces institutions très hiérarchiques m’irait bien. »

Flexibilité et créativité

Quelques stagiaires au Parlement européen réussissent néanmoins à tirer leur épingle du jeu et à rester dans l’enceinte de l’institution – souvent en tant qu’assistant parlementaire. Au contraire, exception faite des agents intérimaires, l’accès à la Commission ou au Service d’action extérieur (SEAE) reste quasiment totalement cadenassé par les concours. Alors, Hélène Sibileau propose d’autres pistes :

« Quand tu as 22 ou 23 ans, tu ne sais même pas ce que ça veut dire, être lobbyiste. Tu vois cela d’un mauvais oeil, alors que tu peux faire ton travail de manière éthique et être en accord avec tes convictions. Il faut en finir avec cette idée qu’en Europe, on ne peut servir l’intérêt général qu’en travaillant dans les institutions. »

Aux stagiaires, donc, de faire preuve d’autant de flexibilité que de créativité, d’élargir leur horizon et de ne pas cantonner leurs ambitions aux seules institutions, s’ils désirent s’implanter à Bruxelles en se dispensant de l’épineuse case « concours ».


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