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Le collectif C’est Très Important fait son talk-show au Syndicat Potentiel

Jusqu’au samedi 3 novembre, le collectif d’artistes « C’est Très Important » présente une exposition talk-show en direct tous les soirs de la semaine au Syndicat Potentiel.

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« Une mutinerie à Strasbourg, quittons l’école, sautons la rigole et vivons l’amour ». Tels sont les mots d’ordre de cette première édition de « C’est Très Important », une exposition talk-show que présente le collectif d’artistes du même nom, créé sous l’impulsion d’étudiants et étudiantes de la Hear (Haute école des arts du Rhin) de Strasbourg. Le projet a démarré par une semaine de résidence collective au Syndicat Potentiel, afin d’aboutir à une exposition évolutive dont les différentes parties se révélent au public au fil de la semaine.

Chaque soir à 18h, sauf le dimanche, le plateau s’illumine au cœur du Syndicat Potentiel, laboratoire de jeunes création artistiques contemporaines, qui a déménagé de la Krutenau à Neudorf. La caméra est mise en marche et la conversation s’engage sous le feu des projecteurs. Ces soirées réuniront en leur sein performances artistiques et musicales, interviews, lectures. La semaine est structurée par le programme thématique défini par les artistes, qui s’ouvrent d’ailleurs aux propositions de leur public, mettant l’accent sur une volonté de le faire participer. Un rendez-vous quotidien, pour se rencontrer dans une atmosphère bon enfant et, pour un temps, faire « face, contre, avec ».

Photographie : Lino Pourquié

La “mutinerie” du collectif consiste à se libérer de la mainmise de leur école sur leur travail pour faire se rencontrer les différents publics et les étudiants en arts. Derrière des airs d’utopie, un propos qui se veut politique ? D’après Lola-Ly, étudiante à la Hear, sans que cela soit l’intention principale, il y a du politique dès lors que l’on crée un point de rencontre entre les personnes.

Lors de l’épisode pilote présenté lors du vernissage, le samedi 27 octobre au soir, la volonté d’expérimenter se fait sentir : d’ailleurs, les présentateurs et présentatrices de l’émission parlent de « crash test ». Je me rends alors à ce vernissage-pilote de l’émission avec grande curiosité, et l’intuition que quelque chose d’inattendu peut arriver à tout moment. L’excitation est palpable tandis qu’on s’affaire à la régie pour faire fonctionner le dispositif télévisuel.

« Jouer à faire semblant »

Caméra analogique, régie, jingle, plateau aux éclairages spectaculaires, micros, retranscription live : tout l’attirail de l’émission de télé est bien présent au cœur du Syndicat Potentiel. Les présentateurs et présentatrices enfilent perruques et costumes pour interviewer tour à tour celles et ceux qui prennent part à l’aventure, des artistes aux cuisiniers aux fourneaux chaque soir. Une atmosphère au charme contagieux s’installe, entre rigolade, spontanéité et maladresse.

Un fort décalage avec les médias traditionnels, où toute imperfection est gommée, lissant la parole et les comportements.Versant dans l’art performatif, à la frontière du théâtre, les artistes tentent de combattre les appréhensions et les timidités, multipliant les stratégies pour libérer la parole de l’auditoire, dans ce dispositif pouvant potentiellement impressionner. Le but n’est pas de réaliser l’émission parfaite. C’est le modèle du jeu d’enfant qui est privilégié : Ksenia, étudiante à la Hear, utilise d’ailleurs l’expression « Jouer à faire semblant ».

La question qui se pose est celle de la légitimité : qui peut faire une émission de télé ? Ne suffit-il finalement pas d’une caméra, de micros, d’une régie et de quelques bavards ? Dans le brouhaha de paroles, une formule me marque particulièrement : « n’importe qui peut passer à la télé ». Andy Warhol n’avait-il pas déjà prédit en 1968 : « Dans le futur, chacun aura droit à quinze minutes de célébrité mondiale » ?

Intime, mais universel

Les espaces d’exposition ne sont pas en reste, bien qu’au moment du vernissage seules trois pièces soient ouvertes au public. Dans l’une d’elles, les artistes Hikari Nishida, Albane Durand-Viel et Thibaud Des Mergers constituent une chambre d’ado imaginaire, à l’ambiance cosy et réconfortante. Une pièce sonore, dans laquelle des voix amateures chantent les tubes de nos jeunesses, accompagne la visite d’un trait d’humour et de nostalgie.

Le soir du vernissage, le lieu est bondé et je peine à circuler dans un lieu qui paraît pourtant si intime. Je saisis alors toute l’ambiguïté de l’œuvre : si la chambre est meublée de manière personnelle, elle renvoie pourtant à une communauté de souvenirs. Les photos d’amis accrochées aux murs, l’usage d’autocollants et le journal intime, revisité en poème, connotent un moment de l’adolescence où les émotions se ressentent encore à tâtons. Cette ambiguïté entre l’intime et le partagé trace un fil rouge qui relie l’émission et l’exposition, en juste parallèle à l’univers internet où prolifèrent les témoignages quotidiens les plus personnels. Quelle portion de soi est-on prêt à montrer au monde ou à partager à voix haute ?

L’exposition propose une expérience alternative de l’art en se positionnant à l’endroit des expérimentations qui ratent, de ces tentatives avortées qui font progresser et avancer. D’autres pièces dans le parcours seront ainsi dévoilées au cours de la semaine. Cette manifestation « in progress », en chantier, révèle toutes les potentialités de l’envers du décor. La dimension « DIY » (Do It Yourself) de l’événement remet au goût du jour l’expérimentation et l’improvisation comme des moyens légitimes, et même nécessaires à la diversité de la création contemporaine.


#Syndicat potentiel

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