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« Clowns & Queens » au Maillon : le jonglage au service de la poésie

La compagnie Gandini Juggling présente son spectacle Clowns & Queens au Maillon jusqu’au samedi 28 mai. Accueilli avec la participation des Migrateurs, Clowns & Queens aborde, à travers le langage spécifique du jonglage, les questions du pouvoir et de l’humiliation. Du jonglage pour adultes, plus burlesque et maladroit qu’érotique, en quête de sa propre langue.

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Le spectacle Clowns & Queens a été créé en 2013 à Cherbourg-Octeville par le britannique Sean Gandini et sa compagnie Gandini Juggling, co-fondée avec la danseuse, gymnaste et jongleuse Kati Ylä-Hokkala en 1992. Selon un article de Edouard Launat pour Libération en 2013, Sean Gandini veut faire « du jonglage comme une extension de la vie. C’est un langage qui l’habite, la grammaire à travers laquelle il a choisi de s’exprimer. »

Pas simple pour autant de construire un spectacle total à partir de cette grammaire, si inventive et variée soit-elle. Les tableaux se succèdent, et si certains brillent par des trésors de poésie et d’inventivité, l’absence de fil narratif se fait parfois sentir. Un spectacle d’un grand intérêt pour les amateurs de jonglage, qui y verront des figures originales et frappantes.

Les costumes de « Clowns and Queens », baroques et barrés (Photo Jacques Langlois)

Cirque or not cirque ?

Malgré son classement en « cirque » par le Maillon, il semble que la compagnie Gandini Juggling développe une « volonté farouche de s’éloigner de l’image du cirque traditionnel ». C’est pourtant autour des figures du cirque, et particulièrement de celle du clown, que le spectacle tourne. Le clown est maltraité, humilié, torturé par une reine assez proche de celle des cartes d’Alice au Pays des Merveilles – à la fois très autoritaire et un peu ridicule. Le clown est celui que l’on désire humilier, celui qui, par sa mise au banc, est au centre de l’attention.

Le cirque, que l’on veut éloigner à toute force, reste un point de mire central. Par la figure du clown, par les costumes flamboyants, par la virtuosité des acrobates, par la série des numéros sans fil narratif, le cirque n’en finit plus de s’inviter dans Clowns & Queens.

L’on se surprend donc à penser que, peut-être, c’est le cirque lui-même que l’on cherche à humilier, à éradiquer, à abattre, – et qui ne se laisse pas faire. Et que la quête d’amour maladroite que l’on retrouve d’un numéro à l’autre est peut-être la déclaration, délicate et fragile, d’un jongleur d’aujourd’hui à un cirque révolu. Sean Gandini l’affirme :

Ce spectacle, c’est peut-être le côté sombre du cirque.

Une esthétique soignée

Sean Gandini lui-même dit qu’avec le recul, on retrouve dans Clowns & Queens des influences esthétique de « Peter Greenaway, de Kubrick ou de Romeo Castellucci« . L’image, sa lumière, son atmosphère travaillée sont au cœur de l’esthétique de Clowns & Queens. Les numéros se succèdent comme des tableaux vivants, et Sean Gandini – travaillant aussi à partir des idées du finlandais Sakari Männistö, prouve comme personne que le jonglage apporte un charme inédit à la composition. Les lumières de Jean-Ba Laude ne sont pas en reste, et apportent aux tableaux de Clowns & Queens une précision diabolique, tout en finesse et en discrétion – sauf lorsque les stroboscopes prennent la scène d’assaut.

La musique, créée à partir de Cantates de Bach, de musique baroque, d’électro et de musique concrète, est elle aussi un ingrédient essentiel de ces tableaux sensibles. La bande originale du spectacle va plus loin que le fait de rythmer les effets de balles, elle pose le décor au même titre que la lumière. Elle amène au spectacle une profondeur et une amplitude fondatrices.

Jonglage sur tables d’autopsie pour « Clowns and Queens » (Photo Ludovic des Cognet)

Sur le fil, entre virtuosité et maladresse

Difficile, lorsque l’on voit le spectacle Clowns & Queens, de faire la part des choses entre les maladresses intentionnelles et celles qui le sont moins. Les balles tombent, car le spectacle, c’est aussi cela, surtout lorsque le jonglage prends une forme burlesque. Le regard s’y attache. Il capte les balles qui tombent presque autant que les prouesses virtuoses, qui sont pourtant nombreuses. Une scène de cerceau de hula-hoop, utilisé comme l’extension magique d’un corps contorsionné, prends une force poétique inouïe, « un art préraphaélite » selon Sean Gandini. Mais la balle qui tombe et que l’on ramasse, plus ou moins discrètement, juste après, donne à l’ensemble un goût étrange.

D’autres moments de jonglage sont sublimes de poésie, comme les couples qui jonglent dans le dos de l’autre à quatre mains et une danse à trois, – donc à six mains pour jongler-, qui s’accorde à merveille avec la musique baroque. L’aspect décousu de ces numéros qui se succèdent empêche le maintien du climax poétique d’un bout à l’autre du spectacle. Ainsi la promenade au pays du jonglage à laquelle nous convie la compagnie Gandini Juggling est-elle faite de creux et de bosses, de vallées et de sommets. Nulle doute cependant que certaines images vont imprimer notre rétine pour un moment encore.

Pour aller plus loin autour du jonglage

La représentation de Clowns & Queens du mercredi 25 mai sera bordée, en amont, de « préliminaires » gratuits et ouverts à tous sur réservation conçus et animés par les stagiaires  du BPJEPS des CEMEA (Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport), et en aval d’une rencontre avec Sean Gandini à l’issue de la représentation. Pour les jongleurs de niveau confirmé, un atelier de pratique avec Sean Gandini se tiendra samedi 28 mai dans l’après-midi au Maillon-Wacken. Tous les renseignements pour s’inscrire à ces différentes activités sont sur le site du Maillon.


#cirque

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