Du théâtre alsacien dans une ancienne choucrouterie au cœur de Strasbourg, quoi de plus local ? La revue satirique de la Choucrouterie est devenue, avec les années, un morceau incontournable du patrimoine comique local. Dans une pure tradition du cabaret alsacien, les numéros s’enchaînent en alternant les saynètes, moments solo et chansons truculentes.
Au menu : l’humour typique du cru
L’humour classique se modernise et s’adapte à son époque. Par exemple, le trio de vaudeville de la femme, le mari et l’amant, est adapté avec un supporter du Racing qui découvre l’intrus grâce / à cause d’un assistant vocal connecté.
Comme la revue en a coutume, elle ne se prive pas de brocarder le maire historique et un brin mégalo de Colmar, Gilbert Meyer (LR), mais il n’est pas la seule cible. À l’approche des élections municipales, les élus strasbourgeois en prennent pour leur grade, grimés en apprentis sorciers. Le titre du spectacle, « En Marche Attacks / Ihr kenne uns En Marche », se retrouve dans un sketch où des extraterrestres proposent aux maires alsaciens de rejoindre leur mouvement.
Derrière une écriture potache et souvent graveleuse, le spectacle n’est pas toujours des plus tendre. Les sketchs ne se refusent apparemment aucun sujet, quitte a venir titiller des zones sensibles. Une chanson d’humour noir sur le manque de moyens de l’hôpital et ses conséquences dramatiques, fait rire autant qu’elle dérange.
Mais le tout reste cordial. Dans l’intimité de la petite salle d’une petite centaine de sièges, une vraie complicité se noue avec les spectateurs néophytes comme habitués. Malgré ses quelques 300 représentations annuelles de la revue, c’est un privilège de vivre cette proximité.
Cela est aussi dû à l’aspect pas toujours lisse du spectacle sur la scène exiguë. Les changements de décors se déroulent sous les yeux du spectateur, quitte à ce que les transitions patinent parfois. On nous montre les coulisses, et donc le savoir faire artisanal des choucrouteux.
Jongler entre les salles et entre les langues
Vers le dernier tiers du spectacle, un comédien interpelle l’un de ses collègues et les deux s’arrêtent pour chuchoter. Cela ne fait pas vraiment partie du spectacle : c’est l’annonce d’un retard. En profitant de cette pause, le comédien explique à son public le fonctionnement de la Choucrouterie. Il y a deux salles, où se joue, presque en simultané, deux fois le spectacle : la version française et la version alsacienne.
Les comédiens alternent entre les salles avec quinze minutes d’écart durant plus de deux heures. Ce soir-là, il nous explique que la présence de dames alsaciennes commentant à haute voix tous les numéros a quelque peu ralenti le rythme de l’autre salle, d’où le retard se répercutant ici. Une tirade habituelle.
Prendre conscience de cette mécanique rend le spectacle doublement impressionnant. D’abord parce que faire vivre la langue alsacienne dans les arts de la scène est un engagement pour le patrimoine local. Ensuite parce que la densité du spectacle rend ce jeu d’allers et retours épuisant pour les comédiens, qui récolent cependant double ration d’applaudissements, bien mérités.
Malgré le dépouillement de la scène, le spectacle déploie des moyens conséquents. Les lumière sont pensées pour chaque numéro, et les costumes très nombreux. Le spectacle mise tout sur ses acteurs et actrices aux trognes marquantes et sur son écriture succulente. Et pour satisfaire la gourmandise du public, la revue se joue encore jusqu’en avril, avant de partir en tournée vers d’autres salles alsaciennes.
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