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Le chat sauvage, félin discret encore présent en Alsace

Discret et redoutable, à l’insu de la plupart des humains, le chat sauvage rôde encore dans les campagnes et montagnes alsaciennes. Ce félin est un prédateur extrêmement performant, qui chasse surtout les rongeurs dans les prairies. Il peut encore se reproduire avec le chat domestique dont il est l’ancêtre.

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Dans tout le massif vosgien, ainsi que dans l’ensemble des massifs de plaine d’Alsace comme la forêt de Haguenau ou celle du Grittwald à Vendenheim, des populations de chats sauvages sont recensées. En France, cette espèce est devenue très rare, mais son aire de répartition la plus importante se trouve dans le quart Nord-Est du pays, mais aussi en Allemagne, Belgique selon le Museum national d’histoire naturelle.

Le chat sauvage a besoin de son habitat forestier pour survivre. (Photo Wikimedia Commons / cc)

Les chats sauvages, aussi appelés chats forestiers, sont plus grands et plus lourds que leurs cousins domestiques. Techniquement, malgré cette différence, ils peuvent encore se croiser, et cela se produit souvent. Il y a débat, mais si on croit l’illustre biologiste allemand Ernst Mayr, deux individus sont de la même espèce s’il est possible pour eux de se reproduire. Les chats domestiques et les chats sauvages appartiennent donc à la même espèce mais à des sous-espèces différentes.

Concrètement, si l’on se promène dans la nature et que l’on croise le chemin d’un chat, comment savoir s’il s’agit d’un chat domestique ou sauvage ? S’il est de grande taille, que sa queue est annelée (avec des anneaux de deux couleurs), en massue, que son pelage est gris et peu rayé, que vous distinguez une tache blanche sur son cou et que vous apercevez ses prunelles vertes émeraudes, il s’agit à coup sûr d’un véritable chat sauvage.

Difficile à observer

Les naturalistes les plus téméraires tentent de le pister grâce à ses empreintes rondes, et ses crottes en forme de balles, semblables mais plus volumineuses que lorsqu’elles sont causées par un chat domestique. Sur les arbres, on peut observer des marques de lacération sur une hauteur de 30 à 40 cm avec des bouts de griffes à leurs pieds. Il s’agit d’un marquage pour délimiter leur territoire. Toutefois, il est exceptionnel d’apercevoir l’un de ces félins. Très prudent, ils détectent les humains de loin et restent à distance.

D’après Christian Braun, membre du comité d’administration du GEPMA (Groupe d’Étude et de Protection des Mammifères d’Alsace), l’étude du chat forestier est difficile :

« Il est impossible de donner une évaluation des populations pour la région, aucune étude de densité de l’espèce n’a été réalisée récemment, notamment en raison de la difficulté à mener de telles investigations pour ce type d’espèce. »

Les naturalistes croisent plus souvent le chemin du chat forestier pendant la période de rut en janvier-février, ou alors en juin, lorsque les paysans fauchent les prairies. Ils sortent alors dès l’après-midi, à la recherche de petits mammifères morts ou vivants, qui ne peuvent plus se cacher dans les hautes herbes. « Après les fauches des prés en lisière de forêt, on peut avoir la chance de faire de belles observations », ajoute Christian Braun.

Le chat sauvage chasse les rongeurs. En hiver, il sort souvent dés l’après-midi. (Photo Aconcagua / Wikimedia Commons / cc)

Opportunistes, ces félins élisent domicile dans de nombreux types d’abris naturels, pourvus qu’ils soient en sécurité selon Christian Braun :

« Le chat forestier peut aussi bien « loger » dans un ancien nid de rapaces ou dans un terrier de renard ou de blaireau inoccupé. Il peut également passer la journée dans un massif de lierre ou un roncier impénétrable. En tout cas, il ne fréquente pas les dépendances humaines. »

Menacé autrefois par la chasse, aujourd’hui par l’agriculture intensive

D’après les recherches d’Antoine Waechter, spécialiste des mammifères d’Alsace, le chat forestier a pratiquement disparu du territoire français au XXe siècle à cause de la chasse et du piégeage, avant que ses populations ne réaugmentent lentement, grâce à un arrêté ministériel qui lui offre une protection dans toute la France depuis 1981.

Aujourd’hui, les menaces que rencontre cette espèce sont les collisions routières et surtout la disparition de son habitat à cause de l’urbanisation et de l’expansion des zones dédiées à la pratique de l’agriculture intensive. Habitué aux forêts dans lesquelles il trouve toutes les ressources pour survivre, il ne s’établit pas dans les déserts biologiques que sont les champs de maïs ou de colza. L’hybridation avec les chats domestiques peut aussi causer des pertes de populations dans certains cas.

Il est très rare de croiser le regard du chat forestier. Ici à Hanovre (Photo Michael Gäbler / Wikimédia / cc)

Une espèce peu sociable

Certes, les chats de salons peuvent apprécier les caresses des humains et côtoyer d’autres chats ou même parfois des chiens, mais leurs homologues sauvages sont particulièrement peu sociables. Un individu se déplace sur un territoire de 9 à 1 300 hectares d’après Matthieu Durey « reporter naturaliste » pour l’association Alsace Nature. Mais cet espace, qui constitue son garde-manger, il ne le partage guère.

Les chats sauvages sont solitaires. Les mâles ne fréquentent les femelles que de janvier à mars, lors de la période de reproduction. Les femelles élèvent leurs petits qui naissent par portée de 2 à 3, mais ceux-ci sont indépendants dès l’âge de 5 mois.

La présence de cet habile félin régule les populations de rongeurs. Il arrive que, sans le savoir, des agriculteurs bénéficient de l’aide du chat sauvage qui leur évite les dégâts sur les cultures causées par les campagnols par exemple. Souvent, l’équilibre des écosystèmes nécessite des prédateurs, mais la chasse et les modifications de l’habitat ont éradiqué de nombreuses espèces du haut de la chaîne alimentaire.


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