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« C’est difficile de mobiliser les gens, à notre âge », les premiers pas engagés d’adolescentes féministes

Dimanche après-midi à Strasbourg, doit avoir lieu une marche de lutte pour le droit des femmes. Parmi les structures organisatrices, une petite nouvelle : la Main violette. Récemment débarquée à Strasbourg, cette association d’adolescentes vise à sensibiliser les collégiens et lycéens aux violences sexistes.

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Peinture violette, cartons et t-shirts disposés autour d’elles, cinq membres de la Main violette se sont réunies pour la première fois le week-end du 26 au 27 février. La plupart ne se connaissent pas, mais elles ont un but en commun : implanter une antenne de la jeune association à Strasbourg pour dénoncer les violences sexistes chez les adolescents. 

« La Main violette est faite par et pour les jeunes. C’est un mouvement horizontal dans lequel on se reconnaît, car il est porté par des personnes de notre âge qui vivent aussi souvent leur premier engagement politique », résume Louane (prénom modifié à sa demande), 15 ans. 

À ses côtés, Émilie embraye :

« J’ai découvert la Main violette sur TikTok. Les membres ont commencé à multiplier leurs vidéos dans lesquelles elles témoignent de comportements sexistes pendant le confinement. J’ai trouvé le mouvement intéressant, car on ne parle pas forcément des violences faites aux femmes chez les plus jeunes et ceux là ne sont pas forcément informés. J’ai ensuite suivi leur compte Instagram et j’ai commencé à assister à des réunions en visio. On s’est rendu compte qu’on était plusieurs de Strasbourg et on a décidé d’ouvrir une antenne. »

Émilie, 15 ans
Les premières membres de la Main violette viennent de lycées différents : Kléber, Jean Sturm ou encore Marie Curie. Photo : ACC / Rue89 Strasbourg / cc

Émilie et Louane sont élèves en seconde dans des lycées différents. Avec l’aide de militantes d’autres villes, elles ont créé un compte Instagram et organisé un premier direct de présentation en février.

En ce dimanche après-midi de fin février, elles ont pour la première fois donné rendez-vous à leurs premières recrues au parc des Contades. L’objectif : faire connaissance, signer les adhésions et préparer leur première participation à une manifestation en tant que collectif, dimanche 6 mars.

« On en a assez d’être insultées et humiliées »

Cette manifestation sera une première pour la plupart d’entre elles. Un carton sur les genoux, un pinceau enduit de peinture violette à la main, Louane explique: « C’est important pour nous de participer, de pouvoir dire qu’on est exposées très jeunes à des gestes sexistes du quotidien, qui peuvent aller jusqu’à la violence conjugale ».

Pendant l’atelier, Sue, 17 ans, aborde avec les autres participantes plusieurs sujets: la mixité choisie, la place des hommes dans le féminisme ou encore la représentation des femmes dans le rap. Photo : ACC / Rue89 Strasbourg / cc

Tout en cherchant des slogans à inscrire sur leurs pancartes, les participantes partagent les expériences qui les ont poussées à s’investir dans la cause féministe. Elles mentionnent des remarques, des gestes déplacés qu’elles subissent à l’école, dans la rue et parfois même dans leurs familles et qui peuvent venir aussi bien des autres élèves que des adultes.

Émilie détaille :

« J’en ai marre que ma CPE me dise que je m’habille comme une pute, et que du coup, c’est “normal” que je me fasse harceler dans la rue ou au lycée. C’est compliqué de voir que même certaines femmes ne sont pas solidaires. Heureusement, j’ai le soutien de ma mère. Savoir que ses filles se font embêter dans la rue, ça l’énerve. »

Sue, 17 ans, est plus âgée et regrette le paradoxe dans lequel la force à vivre la « société patriarcale » :

« Quand mes amies et moi, on rentre alors qu’il fait nuit, on se sent parfois obligées de demander à des garçons de nous raccompagner. Aujourd’hui, l’homme est soit l’agresseur, soit le sauveur, alors qu’il ne devrait être ni l’un ni l’autre. »

« On est obligé de s’éduquer sur les réseaux sociaux, car on aborde pas assez les sujet du genre et des discriminations à l’école », résume Émilie. Photo : ACC / Rue89 Strasbourg / cc

Une association, 12 antennes

Le mouvement de la Main violette est né à Orthez dans les Pyrénées Atlantiques, en 2019. Manon Coste, une lycéenne de 18 ans, décide alors de sensibiliser les jeunes aux violences sexistes et commence à porter un t-shirt blanc avec une main violette positionnée au niveau du cœur. La main symbolise la violence, notamment celle des coups. Le violet est la couleur du féminisme.

À ce geste symbolique s’ajoute des rencontres et des interventions dans des classes de collège ou de lycée, des stands d’information et l’organisation de manifestations. En 2021, des antennes ont ouvert dans toute la France. Elles sont à ce jour au nombre de 12 : à Dijon, Lyon, La Réunion, Narbonne, Nantes, Orthez/Pau, Strasbourg, Toulouse, Tarbes et en Corse.

Les nouvelles participantes peuvent emmener un t-shirt blanc ou l’acheter aux organisatrices pour ensuite y peindre une main violette au niveau du coeur. Photo : ACC / Rue89 Strasbourg / cc

À Strasbourg, Louane, Émilie et une dizaine de leurs amies ont porté une première fois le t-shirt le 3 février, dans deux lycées. « Les autres élèves venaient me voir pour me demander ce que ça signifiait, ils écoutaient mon explication puis repartaient », raconte Émilie, un peu déçue que ça n’ai pas provoqué plus de réaction. 

Militer à 15 ans

Louane a eu un peu plus de retours et a vendu plusieurs t-shirts, dont un à un garçon de sa classe. « C’est plutôt fort, symboliquement », se réjouit-elle. Mais elle se heurte tout de même à la difficulté de lancer un mouvement auprès des plus jeunes :

« C’est difficile de mobiliser les gens à notre âge. Ils sont rarement politisés, ne voient pas forcément à quoi nos actions peuvent servir et disent qu’ils ont autre chose à faire. Mais on reste positives ! Un groupe de dix collégiennes nous a contactées et on sait qu’on sera déjà plus nombreuses bientôt. »

Les différentes antennes de la Main violette échangent régulièrement entre elles et font une réunion, tous les dimanches qui suivent l’action du premier jeudi du mois pour faire un « debrief ». (Photo ACC / Rue89 Strasbourg / cc)

Louane souhaiterait également commencer les interventions dans les classes, mais appréhende la rencontre avec son proviseur : « Moi aussi, je suis encore jeune et j’avoue être un peu intimidée par les démarches plus officielles. Je pense prendre contact avec la direction quand on sera plus nombreuses à porter le projet dans mon lycée. » 

Plusieurs associations féministes strasbourgeoises leur ont proposé de participer à l’organisation de la marche du 6 mars et de signer l’appel à manifestation. Une première marque de reconnaissance.



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