Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Ces lieux alternatifs dont vous ignoriez l’existence

Oui, il existe une vie culturelle en pleine effervescence à Strasbourg, à condition d’être au bon endroit au bon moment et avec les bonnes personnes. Ça fait beaucoup de critères à réunir, on vous l’accorde. Du coup, on vous a mâché un peu le travail.

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Fin de concert éprouvante quelque part à Strasbourg… (Photo Polaroïd Corp)

Existe-t-il des lieux alternatifs à la Laiterie et au Molodoï à Strasbourg ? La réponse est oui, une scène locale vibre sous le radar, cultivant même un certain goût du secret.

La Mine

Située juste en face de l’École des Arts Décoratifs de Strasbourg, la Mine des Arts déco a pris le parti de ne pas faire trop de vagues : totalement absent d’Internet,  aucune communication sur les événements musicaux. Tout fonctionne par le bouche à oreille, littéralement. Simon Jerez, nouveau président depuis septembre de l’association qui gère le lieu, confie :

« On pourrait penser que notre absence de communication est minutieusement calculée pour conserver une identité un peu underground, ce qui n’est pas foncièrement faux, mais c’est surtout parce qu’on s’y prend souvent au dernier moment. »

Une soirée tout à fait banale à la Mine… (Photo Tony Trichanh)

Et pourquoi ce nom ? Pour Simon,  le nom s’imposait puisqu’il résume parfaitement l’atmosphère de l’endroit : on peut y trouver une référence à la mine graphite du crayon, instrument indispensable à l’étudiant des Arts Déco, mais aussi à la cave, la planque, le repaire secret. Enfin, moins reluisant peut-être, mais plus évident pour un étudiant qui se respecte : la tristement célèbre mine (post-fièvre) du samedi soir.

Bagarre, SIDA et Le Chômage…

La Mine dispose d’une petite scène et organise régulièrement des soirées concerts avec deux ou trois groupes, souvent locaux ou issus d’autres régions françaises. Niveau programmation, ils sont assez éclectiques : punk, expérimental-noise et tous les « post- » possibles : post-punk, post-rock… On y a souvent vu la noise bricolée de Bagarre, un habitué de la scène strasbourgeoise, plusieurs groupes du collectif Grande Triple Alliance Internationale de l’Est aux noms très engageant comme SIDA ou Le chômage entre autres.

Il est possible d’obtenir une carte d’adhérent (6€) qui vous permettra de bénéficier de tarifs préférentiels sur… la bière (2,5€ les 50cl au lieu de 4,5€). Mais n’en demandez pas trop, l’adhésion ne vous permettra pas d’être tenu au courant des soirées pour autant, il n’existe aucune newsletter. Alors, un conseil : rôdez dans le coin et prêtez l’oreille, ça joue assez fort de toute façon.

Au-delà de ces soirées qui demandent un minimum d’organisation, des DJ posent régulièrement leur son le week-end et le bar est souvent ouvert les soirs de semaine. À noter que l’entrée est toujours gratuite. Et que chaque bière achetée est une bonne action : la plupart des soirées organisées servent à financer le projet artistique d’un ou plusieurs élèves qui toucheront une partie des bénéfices générés.

Pour leur prochaine soirée du 2 mai, ils feront venir deux groupes venus tout droit des US : Nerve City et Medication.

Ambiance friche indus désaffectée à la berlinoise

Relativement récent à Strasbourg, le Club Icôn a moins d’un an et moins de cinq soirées à son actif. Alexandre Lesmes (gérant par ailleurs du salon de coiffure Avila) et Vincent Petit, les fondateurs du Club, ont investi les anciennes usines Junkers, qui construisaient des avions pendant la seconde guerre mondiale, à la plaine des Bouchers. Les briques rouges apparentes à l’extérieur comme à l’intérieur confèrent au lieu un style industriel dans la lignée des clubs berlinois en vue. Avec leur salle d’une capacité de 300 personnes (chiffre qui devrait augmenter prochainement), ils concurrencent déjà le club de la Laiterie.

Le Club Icôn (Photo French Riton)

« Strasbourg est une énorme coloc’ »

A Strasbourg depuis longtemps, Alexandre Lesmes se sent à l’aise dans la ville :

« Je vois Strasbourg comme une énorme coloc’ et j’avais envie d’y poser mes meubles. Beaucoup de gens se plaignent du fait que la vie nocturne strasbourgeoise se trouve dans un état de léthargie, mais peu de personnes se bougent. Plutôt que d’aller voir ailleurs, nous avons décidé d’honorer notre ville de coeur et de s’investir sur le plan culturel. »

Si la fréquence des soirées était irrégulière à l’origine, le Club prévoit désormais d’en assurer une par mois. Ce qui est déjà un pari audacieux, pour une équipe d’une vingtaine de bénévoles. Pourtant, on est loin de la charmante nonchalance de la Mine, caractéristique des lieux garages. Au Club Icôn, tout est minutieusement organisé. La soirée est divisée en deux temps : une partie concert suivie d’une partie clubbing.

Mais même pour les groupes live, on reste dans une esthétique électro. La dernière soirée « Abysse Idéal » a fait venir les parisiens de Zombie Zombie avec leur electro-rock magnétique et les strasbourgeois Bang Bang Cock Cock. Le parti pris est de faire découvrir des nouveaux artistes, en particulier locaux. On a vu les Kings love Jacks et Posterboy Machine, mais le Club Icôn se tourne aussi vers des artistes venus d’ailleurs.

Zombie Zombie au Club Icôn (Photo French Riton)

Pour se prendre une bonne claque

Chaque soirée est pensée en fonction d’un thème. La salle est intégralement transformée, meublée par diverses installations artistiques originales, la lumière est travaillée et une attention particulière est portée sur la qualité du son, bien sûr. C’est le genre de soirée qui « vous marque à vie », littéralement. Lors de la dernière session, un tatoueur proposait ses services pendant toute la nuit. Le service après-vente n’est pas garanti par contre…

Alexandre Lesmes résume :

« On s’adresse aux strasbourgeois curieux, qui cherchent des expériences et sensations nouvelles, qui veulent être étonnés, surpris. Ceux qui veulent se prendre une bonne claque dans la gueule, en somme. »

La situation géographique du Club Icôn, situé hors du centre, permet aux soirées de durer jusqu’à l’aube, ce qui est rare et précieux à Strasbourg. La prochaine soirée du samedi 12 avril promet d’être délurée à souhait : rien de moins que l’autoproclamé(e?) « plus grosse disco queen du XXIe siècle » Hard Ton, et la techno cheap des strasbourgeois Fumer Tue, entre autres.

Une soirée Éphémère (Photo Tony Trichanh)

Soirées privées pour les amateurs de House à l’ancienne

Pour s’aventurer davantage, il faut suivre le collectif Éphémère. Le collectif est composé de passionnés d’électro à l’ancienne qui cherchent à recréer l’ambiance des années 80, époque faste de la house de Chicago et de l’électro de Détroit. Leurs soirées s’adressent aux puristes et aux connaisseurs, mais ils tendent à s’ouvrir progressivement à un public plus large. Le concept fondamental des Éphémère est qu’aucun artiste n’utilise d’ordinateur ni ne travaille à partir de supports numériques du style CD ou clef USB. Seuls les vinyls sont utilisés. Un point d’honneur est également mis sur la qualité du son : le collectif utilise toujours son propre sound system, un « Funktion One » fabriqué main en Angleterre, la Rolls Royce de la sono.

Leur ligne musicale est assez restrictive et précise, ils font dans la micro, deep et minimal house. Ils font venir des pointures résidents dans le plus grands clubs de Berlin come Vera ou Melchior et une rumeur dit qu’ils s’apprêteraient à faire venir une légende de la house de Chicago.

Le collectif organise deux types de soirées : les premières, accessibles au commun des mortels, sont organisées une fois par mois à La Passerelle, où les DJ mixent sur des tables à l’ancienne, dites « rotary », pour leur son au grain particulier. Ça sonne un peu mieux qu’un tourne-disque, quand même.

Invitations individuelles par Facebook

Mais si ces soirées sont fort sympathiques, elles constituent surtout une porte d’entrée aux soirées privées organisées par le collectif dans des lieux atypiques qui sont tenus secrets jusqu’au jour même de l’événement. Ces soirées, éphémères, ne se déroulent jamais deux fois au même endroit. Pour pouvoir y aller, une seule solution : être individuellement invité via Facebook, et pour ce faire, il faut se faire connaître du collectif lors des soirées Rotary !

Toujours en recherche de nouveautés dans le milieu alternatif, les membres du collectif s’intéressent en ce moment à la Roumanie, berceau de la dernière mouvance de la techno underground, selon David E-tronik, son président.

La prochaine soirée Rotary aura également lieu le 12 avril en même temps que celle du Club Icôn, malheureusement. Eh oui, le monde est mal fait. Seront présents des DJ berlinois du label Smallville. Quant à la prochaine soirée privée, elle se tiendra fin avril.

Au fin fond d’un souterrain strasbourgeois. (Photo Polaroïd Corp.)

Enfin, longtemps resté dans l’ombre, la Socopof est un lieu hybride permettant à des groupes excentriques (Ventre de Biche, Geraniüm) très actifs sur la scène alternative locale de répéter, mais aussi à d’autres artistes (peintres, sculpteurs…) d’y installer leurs ateliers. Il est possible de rencontrer cette frange méconnue de la population strasbourgeoise ce samedi : ils ouvrent pour la première fois leurs ateliers au public pendant tout le week-end à partir de 15h (à la Plaine des Bouchers). Les artistes organisent des concerts dans de petits lieux tenus secrets et ne souhaitent pas attirer un nouveau public. Mais si ce genre de soirées vous intéresse, ce week-end sera l’occasion de leur soutirer des informations.

Pour les amateurs de transe, le Tunnel organisait régulièrement des soirées psy ou goa dans un entrepôt près de la Route des Romains. La dernière soirée a eu lieu en décembre, car le propriétaire du hangar a d’autres projets pour son bien. Mais l’organisateur, « Mustapha Mousse » a d’autres soirées en tête, notamment en plein air avec les beaux jours.

Et vous, quels sont vos plans pour sortir hors des circuits balisés ? Partagez les en commentaires.

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