Les cinémas Star invitent à discuter de programmation, d’indépendance et d’argent

Le concept est inauguré ce soir, lundi 19 mars (au Star St-Exupéry à 19h45), en amont d’une avant-première (Bellflower de l’Américain Evan Glodell) et sera réitéré mensuellement. Son intitulé annonce la couleur : « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Star (sans jamais oser le demander) ! ». La programmation y sera commentée, choix et refus justifiés, et toute question relative à la gestion d’un cinéma indépendant et son cortège de joies et de tourments, y trouvera une réponse circonstanciée. Questions au directeur d’exploitation et propriétaire des cinémas, Stéphane Libs.

A quoi va ressembler ce nouveau rendez-vous ?

« Nous-mêmes ne savons pas encore ce que cela peut donner. Notre équipe de programmation-communication, soit 3-4 personnes, souhaite rencontrer notre public, de façon active, dans une grande salle, car on s’est rendu compte au fur et à mesure des débats autour des films, dans le hall du cinéma, comme sur le net, qu’il y avait toujours beaucoup de questions posées autour du fonctionnement de nos cinémas. Qui sommes-nous ? Comment programmons-nous ? Quelle est notre part de liberté ? Pourquoi le logo Pathé apparaît-il sur nos cartes d’abonnement ? Il y a beaucoup d’imaginaire qui se crée autour du cinéma. L’idée nous est donc venue d’organiser ces rencontres pour répondre à ces questions. »

Quel a été le déclencheur de cette proposition ?

« Suite à nos problèmes de loyers, une pétition a circulé. Il y a eu près de 15 000 signatures. Ça a été déclencheur de subventions, mais aussi d’un rapport direct entre des gens et nous, d’une envie de se rapprocher, outre la nécessité de répondre aux questions de nos spectateurs. Et puis aujourd’hui, l’équipe est plus cohérente, elle s’est soudée. On a gagné en maturité. On essaye de réfléchir ensemble et de prendre du recul pour faire exister nos salles. On s’aperçoit que plus on est tranchants, décisifs, plus ça paye aussi, à tous les points de vue. Nous nous rendons compte qu’avec nos choix de programmation, nous avons un pouvoir d’inflexion sur ceux des spectateurs. Sans être manipulateurs et sans se faire les garants d’une cinéphilie unique à Strasbourg, ça nous intéresse de pousser ça, pour transmettre nos envies. »

Est-ce aussi une façon de vous différencier de vos concurrents strasbourgeois ?

« Oui, même si d’autres cinémas présentent aussi leurs films et échangent avec leurs spectateurs. Nous, nous essayons d’être clairvoyants et transparents sur nos choix. Le cinéma est sous le joug de l’aspect commercial tout le temps. Comment peut-on échapper à ça en tant qu’indépendants aujourd’hui à Strasbourg ? Comment affirmer nos choix sans être pédants, mais tout simplement parce qu’on est militants ? Oui, il faut revendiquer notre identité. Nous sommes une salle de proximité. Quand on fait dans l’Art et Essai, qu’on soutient des auteurs, quand on organise des rencontres régulières, c’est un prolongement naturel de notre travail. Et puis cette discussion se fera avant la présentation d’un film coup de cœur et on avait envie de le justifier. »

Avez-vous le sentiment de vous radicaliser aujourd’hui ?

« Non, on est radical à partir du moment où l’on a trois salles. Nous avons dix écrans, nous pouvons donc sortir pas mal de choses, entre les rétrospectives et les films d’envergure, comme ceux de Clint Eastwood ou Pedro Almodovar. L’éventail de programmation est large. Mais c’est vrai qu’à l’intérieur de ça, il y a aussi des films qui sortent sur peu de copies en France. Une programmation est faite autant par les films qu’on choisit que par ceux qu’on refuse. Et ça, il est important de l’expliquer. »