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Ce qu’attendent les homosexuels du projet de mariage pour tous

Le projet de loi sur le mariage homosexuel sera présenté en conseil des ministres le 31 octobre prochain. Qu’en pensent les principaux concernés ? Des couples strasbourgeois donnent leur avis et font part de leurs attentes.

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Nicolas (à gauche) et Alex, en couple depuis 4 ans (Photo S.B.)

Le mariage entre deux personnes de même sexe devrait bientôt être une réalité. La loi sera votée à l’Assemblée nationale au courant du premier semestre 2013. D’ici là, d’autres thématiques entrent dans le débat. A l’inverse de l’adoption qui est prévue dans le projet de loi, la procréation médicale assistée (PMA) sera aux abonnés absents. Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre l’a confirmé. A Strasbourg, comme partout ailleurs, les avis divergent mais les homosexuels sont au moins d’accord sur un principe : faire accepter le mariage par l’Etat et par la société civile.

Nicolas et Alex sont en couple depuis quatre ans. Ils vivent ensemble mais ne sont pas pacsés. Les débats qu’ils voient à la télévision ou qu’ils écoutent à la radio, ils les considèrent comme « pseudo-savants », pas en phase avec la réalité. Ce qui leur importe, c’est une vieille valeur bien française qui devrait être une évidence pour tous : l’Egalité. Si le projet passe, ils feront partie de ceux qui iront prêter serment devant le maire. Comme dans un couple hétéro, leurs projets concernent l’achat d’un appartement, voire d’une maison… et hormis ces aspects financiers et administratifs, ils ne s’attendent pas à de grands changements. Alex, barman, confie :

« Le mariage, c’est surtout un avantage fiscal, il ne faut pas se voiler la face. C’est assez aberrant qu’on en soit encore au stade de se demander si un couple homo peut avoir le droit de se marier. Ce projet ne va pas sans la question de l’adoption. Dans la rue, rien ne va changer. Les homophobes garderont leurs préjugés et nous on continuera de vivre notre vie comme on l’entend. »

Car si l’homophobie est punie par la loi, au quotidien c’est encore une autre histoire. Le couple s’est déjà fait violemment agresser alors qu’ils se promenaient main dans la main, à Strasbourg. Depuis, et bien que les mentalités évoluent, ils préfèrent rester discrets. Nicolas s’estime réaliste :

« Il y a encore des tas d’idées préconçues, l’amalgame entre homosexualité et pédophilie par exemple, mais ça disparaîtra au fil des générations. Le fait qu’un gay ne puisse pas donner son sang par exemple, c’est assez révoltant. Tout ça, ça concerne l’imaginaire, les clichés… Si on est homosexuel, on couche forcément à gauche et à droite. On est donc plus susceptibles d’être malades du sida. Et là ça n’a plus rien à voir avec l’Etat. C’est ancré dans les mentalités, le projet de loi sur le mariage n’y changera rien. »

En réaction contre l’image donnée par la Gaypride

Le milieu associatif gay ne fait pas partie de leurs préoccupations non plus. Les deux Strasbourgeois respectent certains de leurs combats mais expliquent :

« Être gay, ça ne veut pas dire montrer son cul à tout le monde. Quand je vois l’image malsaine qu’on donne à la Gaypride par exemple, je n’ai plus envie d’y aller. D’un côté, ils réclament l’égalité, de l’autre ils font les guignols et se représentent avec des costumes en latex. Ils véhiculent les clichés qu’ils dénoncent sans s’en rendre compte. »

Un participant à la Gaypride, à Nantes, en 2008 (Photo FlickR)

La question de la procréation, toujours en suspens

Pour Anaïs, psychologue dans un établissement pour adultes handicapés, c’est le contraire :

« A la Gaypride, on voit bien que les clichés sur les homosexuels ne reposent sur rien de réel. La première fois que j’y suis allée, j’étais vraiment impressionnée de voir tant de gens qui s’assument. Il y avait des chars de militaires, de policiers avec leur uniforme. J’ai trouvé ça presque rassurant, des tas d’hétéros étaient aussi de passage pour soutenir la manifestation. »

Anaïs a préféré ne pas être prise en photo. Non qu’elle se cache, bien au contraire, mais la jeune femme n’aime pas mélanger sa vie personnelle et sa vie professionnelle :

« Quand on est hétéro, on ne se présente pas en tant que tel, ça devrait être pareil pour les homos, ça fait partie de moi mais ça ne doit pas être ce qui me caractérise aux yeux des gens. »

Le mariage ne lui a jamais effleuré l’esprit, les enfants si. C’est là le vrai sujet selon elle. Le droit à la procréation devrait aussi être dans ce texte.

« Si je dois aller en Belgique pour avoir un enfant, alors j’irai, ce n’est qu’une question de quelques centaines de kilomètres. Ces choses existent. Ce n’est pas logique qu’un gouvernement s’entête à ne pas les reconnaître, d’autant plus que les enfants concernés seront Français. »

La façon dont les médias traitent le mariage pour tous l’agace par moment :

« Ça m’énerve mais qu’est-ce que je peux y faire ? Les bourdes et les maladresses qu’on entend prouvent que les hommes politiques n’y connaissent pas grand-chose. Il y a beaucoup trop de clichés autour de l’homosexualité. Les lesbiennes ne sont pas toutes des camionneuses. »

Look girly, cheveux longs, elle aime rappeler qu’elle est lesbienne et que ce n’est pas écrit sur son front. Elle avoue tout de même que les homosexuels sont dotés de « gaydar », autrement dit un radar gay et ont tendance à se reconnaître entre eux :

« Je suis une vraie fille. La seule chose qui me différencie est que je tombe amoureuse d’un caractère, d’une identité, pas d’un sexe ! »

Même célibataire, elle a hâte que ce projet de loi se concrétise, que le gouvernement reconnaisse sa particularité et lui permette à elle aussi d’un jour officialiser son amour dans une jolie robe blanche… ou pas.

« Pourquoi est-ce si compliqué ? »

Sophie et Catherine ont 25 et 23 ans. Elles sont toutes deux passionnées par le théâtre. L’une est comédienne et serveuse, la seconde étudie l’administration théâtrale. Elles ne sont « ni tout à fait célibataires, ni tout à fait en couple », vivent toutes les deux dans un appartement près de la place d’Austerlitz. Catherine admet être « un peu larguée » sur le sujet mais ne comprend pas pourquoi cela semble si compliqué :

« Mes parents sont d’origine portugaise. Leur pays est réputé comme étant conservateur sur ces thèmes et pourtant ils ont une longueur d’avance sur nous depuis mai 2011. Je n’envisage pas de me marier mais je respecte ceux qui n’attendent que ça. A cette heure-ci, j’avoue que je n’y crois pas trop, ça fait tellement de temps qu’on en parle sans qu’il n’y ait jamais de concret. »

Sophie se dit quant à elle très heureuse et a un peu de mal à réaliser que « cette-fois on y est presque ». Pour elle, le mariage pour tous est un pas de plus vers le respect de la diversité. La jeune femme a déjà eu l’occasion de se pacser avec une précédente compagne :

« C’était des tout petits bureaux, on avait invité une dizaine de potes. Il y avait rien de solennel mais quand on a signé on s’est regardé et là… C’était super fort. »

Sophie s’est pacsée d’abord pour les avantages administratifs, ensuite par affection. Le mythe de la longue robe blanche ne l’attire pas plus que ça.

« J’attends quand même de ce bout de papier qu’il nous rende plus visibles aux yeux de la société. On s’en tirera peut-être avec un peu moins d’hypocrisie et dans le même temps on se sentira plus protégés par la loi. Je ne pense pas que ça nous rendra plus heureux. La vraie révolution, ce sera quand même l’homoparentalité. Qu’on puisse cocher deux cases « mère » dans un formulaire, ce serait magnifique. »

Pour Sophie, entendre quotidiennement que son orientation sexuelle n’est pas « logique » est pesant. Le fait que la loi rendra une éventuelle union aussi légitime que celle d’un couple hétérosexuel lui offrira un argument de poids :

« J’aurais peut-être plus besoin de me déclarer en colocation pour espérer obtenir un appartement. »

Être rassurés sur les questions de successions

Raphaël a 38 ans. Agent immobilier, le Strasbourgeois est en couple depuis dix ans et pacsé depuis 5 ans. Là encore, c’est un petit arrangement fiscal à défaut d’avoir une meilleure solution.

« Les médias ont tendance à montrer qu’on n’attend que ça, c’est faux ! C’est plus un coup médiatique qu’autre chose. Dans mon entourage, pas un seul couple ne m’a dit « Chouette, on va se marier ! » On a besoin d’un équilibre au niveau des droits de succession en cas de décès et, comme les autres, d’être rassurés. »

S’il se prononce en faveur de l’adoption par des couples homosexuels, il entend les deux points de vue et y trouve des choses justes des deux côtés, mais ajoute tout de même :

« Dès lors qu’un couple homosexuel a un enfant, il est passé par un tas de démarches ou au minimum une très longue réflexion. L’enfant a plus de chances de vivre avec beaucoup plus d’amour que dans un couple hétérosexuel. »

Même chose pour Mathieu Clavon, directeur artistique, impatient que le mariage gay devienne une réalité.

« C’est important pour la transmission. Je paye mes impôts comme tout le monde, à ce titre je devrais avoir les mêmes droits que les autres. Le Pacs c’est une chose, mais il y a des limites. La pension de reversion (indemnité reversée aux veufs après décès de leur conjoint) par exemple, on ne l’obtient qu’en payant une taxe. »

Il envisage parfaitement que ce débat soit plus hypocrite qu’autre chose et qu’il soit dans les médias pour que « les gens se concentrent sur d’autres problèmes », mais selon lui, le fond reste intéressant. A propos de la parentalité, Mathieu Clavon regrette que les couples modestes fassent le plus les frais de cette discrimination :

« Avec la législation actuelle, il faut aller à l’étranger pour faire un enfant. Tout ça engendre un coût parfois énorme. J’ai des amis qui, pour faire un enfant, se sont rendus aux États-Unis et ont déboursé en tout près de 100 000 dollars. Ne pas assumer cette question centrale, c’est laisser les couples modestes dans le déni. »

Une question d’égalité des droits et le droit à l’indifférence

Karen a 33 ans, elle est comédienne. Dans un de ses spectacles, elle évoque son homosexualité dans un de ses sketchs :

« Quand les gens sortent du théâtre, ils ont pour la plupart oublié que je suis lesbienne. Le message que je cherche à faire passer, c’est que la seule chose qu’on réclame, c’est le droit à l’indifférence. On est des êtres humains avant d’être homosexuels ou que sais-je ! »

Sa compagne, Nathalie a 23 ans et est étudiante en sociologie. Elle prend ce projet de loi comme une assurance :

« Quand on entend des propos qui mettent l’homosexualité en rapport avec la polygamie et l’inceste, on n’y comprend plus rien. Je n’envisage pas forcément de me marier, mais je prends ça comme une sécurité. A cette heure-ci, on n’est pas protégées. S’il arrive quelque chose à l’une de nous et qu’on a un enfant, l’autre n’aura aucun droit, c’est injuste. »

Pour ce couple de femmes, comme pour les autres qui se sont exprimés, le mariage est un pas de plus dans la longue marche vers l’égalité. Le principe de l’homoparentalité oscille quant à lui entre espoirs et illusions.


#homosexualité

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