Le FIFDH a pris de l’ampleur depuis 2009. Cette année, il investit l’Odyssée, les centres socioculturels de la CUS, et même Le Cheval Blanc à Schiltigheim et le cinéma Adalric à Obernai. Mais l’expression « sortir du confidentiel », le programmateur, Jonathan Vaudey, ne veut pas en entendre parler :
« C’est vrai que le festival est jeune, mais il est aussi très ambitieux. On a envie de passer à la vitesse supérieure. C’est pourquoi nous projetons dans plus de salles, et notre équipe est plus nombreuse. »
Il espère aussi toucher un public plus large et dépasser le millier de visiteurs de l’an dernier, grâce au Forum mondial de la démocratie, qui aura lieu à Strasbourg du 5 au 11 octobre.
La programmation, elle, reste stable, avec 18 films, dont cinq produits en Alsace. Jonathan Vaudey affirme avoir appliqué une sélection serrée :
« Nous recevons 400-500 films et nous allons en plus en chercher dans des festivals. Nous choisissons des films qui parlent de sujets peu traités par les médias français, ou des sujets connus mais abordés différemment. Parmi les critères de sélection, les documentaires doivent défendre une idée et un style. Par exemple, pour le Festival de Metz, la mairie de Saint-Avold a déprogrammé la projection d’Une population négligée, un film qui raconte l’histoire peu connue des Roms. Cela montre qu’on est dans notre rôle, puisqu’on est capable de mettre mal à l’aise. »
Nos coups de coeur: des histoires bien racontées
D’après Jonathan Vaudey, les membres du conseil municipal n’ont pas vu ce film. Et c’est bien dommage car « Une population négligée », réalisé par le jeune cinéaste canadien Aaron Yeger, est une sacrée claque. Mais une claque à gros moyens, esthétique et virtuose. Il donne la voix qui semble manquer aux Roms pour raconter leur persécution centenaire, qui n’a pas cessé après les camps de concentration nazis.
Autre coup de cœur : Sans issue, des jeunes réalisatrices allemandes Julie Kreuzer et Mareille Klein. Dans un petit village près d’Aix-La-Chapelle, Karl D., violeur multirécidiviste, est accueilli par son frère à sa sortie de prison. Le village tremble. Les voisins apeurés manifestent tous les jours devant sa maison. Des alliances se font… et se défont. Une plongée cruelle dans la nature humaine, sans commentaire ni musique, mais avec un sens narratif puissant.
C’est que, finalement, un bon documentaire sait raconter une histoire. Et un excellent documentaire ne vous dit pas forcément ce que vous devez penser. Le style presque blanc de celui-ci laisse un sentiment délicieusement ambigu et pousse à la réflexion.
L’éternelle histoire de David contre Goliath
Une autre perle au programme du festival s’aventure sur le terrain de la complexité : La guerre de Wiebo, du canadien David York. Wiebo Ludwig s’est installé dans une contrée isolée avec sa (très) grande famille pour vivre au plus près de leurs valeurs. Ce qui pourrait ressembler à une communauté hippie est en fait une communauté plus que chrétienne, dont le patriarche est le pasteur. Mais leur paix est troublée au début des années 90 par une compagnie pétrolière qui installe des puits de forage pour extraire du gaz en profondeur. Le bétail commence à mourir, les femmes de la communauté font des fausses couches…
Wiebo leur déclare une guerre sans merci, à laquelle se mêlent la population des alentours et des mystérieux poseurs de bombe. Elle se soldera par la mort par balle d’une jeune femme. Un documentaire qui dérange avec brio, sème le doute sans asséner des vérités. Mais qui a aussi les armes scénaristiques d’un film d’action : un lieu, une situation initiale, un personnage principal, son évolution morale, un adversaire, du suspense, une histoire.
Inversement, certaines productions dénoncent et assènent avec parfois un manque de nuance qui nuit à la crédibilité. C’est par exemple l’histoire des gentils Kurdes contre les méchants Turcs. Dans Mon voisin le Kurde, le réalisateur accompagne son ami kurde réfugié à Strasbourg lors de son premier retour au pays pour participer à la fête de Norouz. Le parti pris du film pourrait en rester là : j’accompagne mon ami dans un voyage émouvant pour lui et il me fait traverser son pays, rencontrer son peuple qui raconte sa douleur. Sauf que le documentaire tend à généraliser et moraliser, sans même évoquer le côté sombre du PKK. Un commentaire ou une image d’archive auraient suffi. Si on ajoute une esthétique qui trahit manque de moyens et un montage un peu maladroit, le film laisse un sentiment d’amateurisme.
Pourtant, cette sensation n’est pas rédhibitoire. Au contraire, elle est particulièrement touchante dans Iran About, par Emilio Casalini. Le film donne l’impression d’être filmé un peu à l’arrache. Mais sur 26 minutes, des ombres de visages racontent comment ils s’accommodent au quotidien avec l’oppression en Iran. S’il est des cris de libertés, c’est ici un chuchotement secret et troublant. A voir aussi: le passage obscur du communisme au capitalisme de la Roumanie, avec des témoignages de grandes – et rapides – fortunes (Kapitalisme, notre recette secrète, de Alexandru Solomon), ou encore l’horrifiante traque des homosexuels en Ouganda (Ouganda, au nom de Dieu, par Dominique Mesmin). Ou demandez le programme.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : Gagnez des places pour le Festival international du film des Droits de l’Homme
Le programme du Festival international du film des droits de l’Homme (PDF)
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