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« Casse-Noisette » à l’Opéra du Rhin : féérie numérique en Australie

Après sa première à Mulhouse le 1er avril, Ivan Cavallari présente son Casse-Noisette à l’Opéra du Rhin du 11 au 15 avril. Entre relecture résolument moderne et tradition d’un ballet extrêmement populaire, ce Casse-Noisette est surprenant, drôle et virtuose.

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Qui n’a jamais croisé le célèbre conte de Noël de Hoffmann transformé en ballet, à la musique mille fois reprise? De Fantasia à Maurice Béjart, Casse-Noisette, qui a été un triomphe dès sa toute première représentation en 1892 à St Petersbourg, est un ballet mythique et résolument féérique.

La probabilité qu’Ivan Cavallari n’ait jamais, en tant que danseur, interprété l’une des figures du célèbre ballet, était mince, mais cela a pourtant été le cas. Cette absence de contact préalable, ainsi qu’une seule représentation vue dans sa vie de danseur au Ballet du Bolchoï, lui ont donné la possibilité d’aborder cette œuvre avec une certaine liberté :

« Je n’ai jamais eu la chance de danser ce ballet. La musique était donc pour moi une page assez blanche, dans laquelle je pouvais utiliser ma fantaisie. »

Le « Casse-Noisette » d’Ivan Cavallari avec le Ballet du Rhin (Photo Jean-Luc Tanghe)

Ivan Cavallari a créé sa première version du Casse-Noisette de Piotr Ilitch Tchaïkovski lorsqu’il était encore à la tête du West Australian Ballet, en 2012, soit juste avant de venir prendre la direction artistique du Ballet de l’Opéra national du Rhin en 2013. Dès cette version, il a travaillé sur la dramaturgie avec Edoardo Sanchi, alors décorateur de la Scala de Milan, afin de transposer cette histoire rebattue de l’hiver à l’intraitable été australien, et de l’univers des contes à celui du présent – réseaux sociaux inclus – au cœur du tableau d’école.

Si l’on peut dire qu’Ivan Cavallari aborde ce ballet avec une vraie volonté de modernisation du livret, il le fait cependant dans un fort respect de la tradition, particulièrement en ce qui concerne la partition musicale et la technique spectaculaire des danseurs. Il fait ressortir du conte de Casse-Noisette ce qu’il tient pour le cœur de l’histoire : le passage de l’adolescence à l’âge adulte.

Virtuosité et humour

Tchaïkovski aurait longuement hésité avant d’écrire la musique de Casse-Noisette, et aurait été tout à fait stupéfait du succès de l’œuvre. Aujourd’hui cependant la qualité de cette musique tant reprise, par extraits divers, au cinéma, dans les chansons populaires comme à la télévision, est universellement reconnue. Des petits morceaux se succèdent les uns aux autres dans une partition puissante, mais féérique et légère. Si l’on ressent parfois les ténèbres des contes d’Hoffmann, on y retrouve surtout des mélodies aériennes, peuplées d’un imaginaire fantastique.

En proposer une lecture personnelle et chevronnée n’est pas chose aisée. C’est ainsi que la direction musicale de l’Orchestre symphonique de Mulhouse et de la Maîtrise de l’Opéra du Rhin est assurée par Patrick Davin, qui a récemment dirigé pour l’Opéra du Rhin le Pénélope de Gabriel Fauré. Ils proposent ensemble une interprétation de la composition enlevée, énergique et en accord avec le ton du spectacle voulu par Ivan Cavallari : entre virtuosité et humour. Avoir l’occasion d’entendre cette musique et ces airs si familiers en concert est une aubaine à ne pas manquer.

Deux morceaux ont été ajoutés au spectacle par Ivan Cavallari : la Marche miniature et l’Ave Verum de Mozart, retranscrit par Tchaïkovski, d’après la version de Liszt. Ces morceaux contribuent encore à donner au spectacle ce ton de fantaisie légère et voyageuse, accompagnés par cet instrument de sonorité enfantine qu’est le célesta.

Pas de deux des solistes Yann Lainé et Anna Ishii devant la Maîtrise de l’Opéra du Rhin (Photo Jean-Luc Tanghe)

La tradition du ballet, à l’attention des jeunes

La chorégraphie inventée par Ivan Cavallari souhaite s’adresser directement aux plus jeunes, avec énergie mais sans morale, pour évoquer le passage de l’adolescence à l’âge adulte, mais aussi celui de la construction des identités. Il semble que sa volonté soit faite, puisque la salle de la première strasbourgeoise était peuplée de (très) jeunes personnes, qui ont semble-t-il apprécié la chose :

« Je voulais m’adresser aux adolescents, au sujet de ce passage de 16 à 20 ans pendant lequel l’on peut encore se cacher derrière une identité qui n’est pas la notre. Caché derrière internet on peut être quelqu’un d’autre. Ensuite vient la réalité, et avec elle la vérité. »

Le « Casse-Noisette » de Cavallari voyage d’un univers fantastique à l’autre (Photo Jean-Luc Tanghe)

C’est sans doute aussi dans son envie de parler aux plus jeunes mais aussi de proposer une version moderne de Casse-Noisette qu’Ivan Cavallari inclut, dans une partition faisant appel à tous les codes du ballet classique, des gestes étonnants. Il semble par instants que les corps soient un peu malhabiles et patauds, comme ceux des adolescents en pleine croissance : ils se déforment par des mouvements d’épaules et des déhanchements à la fois drôles et déroutants. Portés par la technique impeccable des danseurs du Ballet du Rhin, ces gestes sont tendres et émouvants.

Deux couples de solistes éblouissants

Les rôles de Mme Drosselmeyer  – l’oncle Drosselmeyer du Casse-Noisette originel s’est transformé en professeur terrible et autoritaire -, et du principal du collège sont tenus à la perfection par Stéphanie Madec-Van Hoorde et Alexandre Van Hoorde. Leur interprétation des personnages n’a d’égale que leur incroyable virtuosité, toute en majesté et en puissance technique. Ils tiennent leur rôles d’adultes accomplis avec mesure et élégance. Le public strasbourgeois a apprécié, si l’on en croit les applaudissements nourris après chacune de leurs apparitions.

Yann Lainé et Anna Ishii dans « Casse-Noisette » (Photo Jean-Luc Tanghe)

Les solistes Yann Lainé et Anne Ishii tiennent, quant à eux, les rôles de Peter et Clara, ces adolescents entre deux mondes. Cela se ressent dans la formation de leur duo de danseurs, qui s’affirme et s’affine au fur et à mesure du spectacle. Ils passent, petit à petit et par étapes, de l’attraction terrestre à un ballet aérien.

Casse-Noisette numérique

Servis par un décor et des costumes très narratifs, le corps de ballet explore l’univers du conte de Casse-Noisette avec une haute technicité – malgré quelques petits hics de coordination fugitifs – et des portés spectaculaires. Si l’univers australien est plein de références qui ne résonnent sans doute pas de la même façon à Strasbourg qu’en Australie, la transposition de l’histoire à l’ère du numérique permet des surprises astucieuses et audacieuses, en termes d’humour et de mouvements comme en termes de décor. Il en ressort une énergie ascendante, qui culmine lorsque le passage vers l’âge adulte s’initie entre Peter et Clara, par leur reconnaissance mutuelle.

Un spectacle à voir en famille, pour tous ceux qui aiment la danse. Et pour ceux qui auraient raté les représentations de Mulhouse et de Strasbourg, vous avez une dernière chance de vous rattraper en vous rendant à Colmar les 26 et 27 avril.


#Ballet du Rhin

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