Le campement du parc de l’Étoile a une nouvelle fois été évacué jeudi 17 août. 115 personnes ont été expulsées de cette place pour être réparties, selon leurs situations, dans des hébergements de l’État. C’est la quatrième fois qu’une telle opération d’évacuation se déroule devant les yeux des Strasbourgeois.
Quatre évacuations en plus d’un an
Le camp de l’Étoile s’est constitué pour la première fois au printemps 2022, après un rassemblement de quelques tentes éparses dans les parties boisées du parc. Pour permettre les tirs du feu d’artifice de la Fête nationale, plus de 70 personnes ont été évacuées en juillet 2022. Dix jours plus tard, la moitié était revenue s’installer au parc de l’Étoile.
En décembre 2022, la chute des températures rend insupportables les conditions de vie sur le camp, d’autant que 43 enfants ont été recensés parmi les occupants des tentes. Après un interminable bras-de-fer entre la maire de Strasbourg et la préfète du Bas-Rhin, une deuxième évacuation a lieu le 6 décembre : entre 30 et 40 personnes sont recensées puis envoyées dans des centres d’hébergement de l’État.
Dès le printemps 2023, les tentes sont de retour parc de l’Étoile. Un reportage de Rue89 Strasbourg en juin 2023 évaluait à 50 le nombre de personnes installées. Le 23 juin, les habitants du camp étaient à nouveau expulsés…
Strasbourg, une métropole de choix
Les conditions qui mènent à la répétition de ce cycle de la honte sont bien connues. D’un côté, Strasbourg attire de nombreuses personnes migrantes, grâce à sa renommée internationale et sa position géographique. De l’autre, le dispositif d’hébergement d’urgence est saturé, incapable de répondre aux besoins des personnes précaires. Le dispositif d’asile est lui aussi sous-dimensionné par rapport aux demandes.
Les familles et personnes sans toit, migrants, demandeurs d’asile, SDF, peuvent appeler le 115 autant qu’elles veulent : le service d’orientation n’a aucune place à proposer. Eux-mêmes sous pression, les agents du Service Intégré d’Accueil et d’Orientation (SIAO) ne peuvent que gérer une pénurie endémique, en tentant d’organiser un roulement des places pour mettre à l’abri les familles les plus vulnérables pendant quelques jours.
La protection des lampadaires
Certaines communautés ont ouvert des squats, comme les Géorgiens dans le quartier Neuhof, mais pour tous les autres, il n’y a que la rue, c’est-à-dire un coin de verdure suffisamment vide pour y planter une tente : rue des Remparts, au bord du canal de la Bruche, parc de la place de Haguenau, près des jardins familiaux ou d’un embranchement routier… Il faut trouver un coin inoccupé, inutilisé mais pas trop isolé car la nuit, la rue strasbourgeoise est rude : conflits, vols et bagarres ne sont pas rares.
Pour tous ces naufragés de l’accueil, dont une bonne part est venue en France au terme d’un périple déjà éprouvant, se positionner place de l’Étoile, sous la protection des lampadaires, de la circulation des bus et de la police municipale est une garantie de sécurité. En outre, en s’installant sous les fenêtres du centre administratif, les occupants du camp espèrent éviter l’oubli et provoquer leur évacuation. Les occupants du camp attendent ces opérations car ils obtiennent à ce moment-là au moins un hébergement temporaire.
Cinq ans à éviter la police
Cependant, pour les migrants, cette protection s’arrête dès que leur demande d’asile est refusée. Rester dans un centre d’aide au retour peut vite aboutir à un transfert en centre de rétention. Il faut alors fuir et… se retrouver à la rue. Une procédure complète de demande d’asile peut permettre de rester deux ans en France légalement. Après le refus définitif, il faut encore tenir trois ans avant de décrocher un titre de séjour grâce à la circulaire Valls, et encore, en prouvant avoir travaillé illégalement.
Voilà la machine à broyer dans laquelle la France envoie les personnes qui l’ont élue comme terre d’accueil. Après la dernière évacuation du camp de l’Étoile, 36 personnes ont « refusé les propositions » de la préfecture qui se garde bien de détailler leurs raisons. Certaines ont trouvé du travail à Strasbourg et n’ont donc pas accepté les logements situés dans d’autres départements proposés par l’État. Il est à craindre qu’elles se retrouveront de nouveau au parc de l’Étoile en attendant un miracle : que quelque part, dans cette ville, dans ce pays, quelqu’un mette fin à leur calvaire.
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