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« On est devenu le défouloir des gens » : le Café Bretelles ferme une journée après une agression

Ny Aina Bernardson, gérant du Café Bretelles, dénonce une forte dégradation des conditions de travail de ses employées, liée à de nombreux clients agressifs. Dimanche 2 avril, deux salariées ont subi des violences physiques. En signe de protestation, l’établissement est resté fermé mardi 4 avril.

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« Depuis notre réouverture après les confinements, on subit des remontrances de clients presque quotidiennement », souffle Ny Aina Bernardson, cofondateur et propriétaire du Café Bretelles. Mardi 4 avril, un écriteau accroché sur la porte de son établissement situé à la Petite France annonce dans un message laconique : « Équipe en pause suite à une agression. »

La porte du Café Bretelles dégradée, avec un écriteau annonçant la fermeture de l’établissement pour la journée du mardi 4 avril. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Lundi 3 avril, il a publié un post sur Facebook annonçant la fermeture : « Depuis un certain temps, mon équipe doit gérer l’impatience, le mépris, la misogynie et parfois le racisme d’une infime minorité de clients. »

À Rue89 Strasbourg, Ny Aina Bernardson détaille les raisons de cette porte close :

« J’étais en train de porter plainte dimanche matin, car les employées ont découvert que notre porte avait été cassée pendant la nuit. À peine sorti du commissariat, j’ai appris qu’il y a eu une agression ».

De retour à l’Hôtel de police dimanche et lundi pour porter plainte avec deux de ses employées, il relate :

« Comme la porte a été dégradée, le café a ouvert avec 20 minutes de retard. Un client a dû attendre devant, c’était sa première source de mécontentement. Puis il a sorti son ordinateur, ce que nous n’acceptons pas le week-end. En semaine, beaucoup de clients viennent travailler sur place avec leur ordinateur, ils consomment peu, mais ce n’est pas un souci on aime bien accueillir comme ça. Par contre, pour être viables, le samedi et le dimanche, on doit faire plus de chiffre, d’où cette règle. Il s’est levé et a essayé d’étrangler l’une de mes employées. Il a réussi à l’atteindre mais elle s’est dégagée. Puis il s’est rassis, a remballé ses affaires et il est parti. Une autre salariée l’a suivi dehors pour prendre une photo de lui afin de pouvoir l’identifier. Il lui a pris son téléphone avant de la faire chuter. Des témoins se sont interposés. Il est ensuite parti. C’était un homme d’une trentaine d’années avec un style de hipster. Les policiers l’ont reconnu, il était dans leurs fichiers. »

Ny Aina Bernardson constate que ses employées subissent davantage de remontrances depuis le covid. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

« Ils ne nous considèrent pas comme des humains »

Ny Aina Bernardson a ouvert deux établissements Café Bretelles « il y a un peu moins de dix ans », le premier est à la Krutenau. Il affirme que « la majorité de la clientèle est super, les personnes problématiques ne représentent qu’entre 5 et 10% des gens ». Selon lui, pendant le Marché de Noël, une employée d’origine mexicaine a subi plusieurs remarques comme « c’est pas comme ça qu’on parle en France ».

Ny Aina Bernardson ne comprend pas bien l’origine de cette méchanceté :

« On vend du café, c’est censé être un business tranquille. Mais on est devenu le défouloir des gens, on dirait qu’ils ne nous considèrent pas comme des humains. On ne leur demande pas d’être gentils, mais juste respectueux. Quand le shop est plein, il peut il y avoir une attente de 10 ou 15 minutes. C’est ça qui crée une frustration chez certains en général. Ils nous disent “vous êtes un café de bobos”, “c’est surcoté”, “votre café c’est de la merde”, “vous êtes la pire serveuse que j’ai jamais vu”… C’est dur d’entendre ça, surtout les jours où on n’est pas au top… On a remarqué que les gens se permettent ces remarques bien plus souvent avec des employées qui sont des femmes. »

Ny Aina Bernardson détaille :

« Notre manière de faire du café est technique, c’est pour ça que les clients viennent. Nous avons une recette particulière, avec 17 à 18 grammes qu’on doit peser systématiquement pour un café double. C’est le dosage nécessaire pour produire la saveur qu’on recherche. Et on lave systématiquement les portes filtres pour qu’il n’y ait pas de résidus d’un autre café. Cela prend du temps, mais on est à fond, on fait ce qu’on peut avec les moyens qu’on a : mes salariées sont au Smic avec des primes quand c’est possible, moi je me sors 1 750 euros nets pour 45 à 50 heures par semaine. »

Lorsque des clients deviennent agressifs, l’équipe du Café Bretelles place ce tableau avec un message rappelant que « les membres du staff sont des humains ». Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Le gérant hésite désormais à installer des caméras de surveillance et un bouton qui permet d’appeler directement la police. « Je réfléchis à deux fois quand je mets une employée seule pour un service où il y a peu de monde. Mais si je mets systématiquement deux personnes, ce n’est pas viable… C’est triste de devoir se poser ces questions », souffle Ny Aina.


#Café bretelles

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