Ça Dada, le chaos artistique s’installe au théâtre de Hautepierre
Remise en cause de l’ordre, jeu avec les convenances, chaos créatif, exubérance artistique : le spectacle Ça Dada se pose comme l’enfant terrible de la saison théâtrale strasbourgeoise. Mobilisant de nombreuses techniques et sans fil narratif, le spectacle va jusqu’à faire s’effondrer tout le décor, pourvu qu’il soit irrévérencieux.
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Tristan Kopp
Publié le ·
Imprimé le 21 novembre 2024 à 14h47 ·
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Le mouvement dada est né juste avant la première Guerre Mondiale, dans un contexte de tensions et d’instabilités politiques. Un siècle plus tard, c’est le même esprit que les artistes de la compagnie s’appelle reviens ont mobilisé pour créer Ça dada. Le spectacle est présenté au théâtre de Hautepierre. Le Maillon, qui propose le spectacle avec le TJP – Centre Dramatique National Strasbourg-Grand Est, revient dans son lieu d’origine le temps de quelques représentations. L’ancien hall du Wacken est en démolition et le nouveau théâtre est en construction.
Chaos en scène
Les acteurs sont déjà présents lorsque le public s’installe. La scène, peu profonde, présente un haut mur gris. Affairée sur un bureau, une femme en tailleur noir se lève et projette quelques balles dans les gradins à l’aide d’un lance-pierre. Deux musiciens tapent sur des grosses caisses. Une autre femme arpente le plateau, un arc en bandoulière. Un homme arrive, donne un coup de sifflet et lance le spectacle. Très rapidement, tout se disloque. Pris de folie, les acteurs et actrices arrachent leurs costumes sobres et défoncent le mur gris à coups de poings et de meubles. Ils se peinturlurent le visage, les cheveux, et font tomber le décor en morceau. Des sacs de gravats chutent du plafond, et même les lampes se décrochent et s’éteignent. Dans les décombres, un nouveau décor émerge, fait de bâches en plastique.
Clins d’oeil au « dada »
Le spectacle s’affranchit de toute règle. Les décor se succèdent, détruits les uns après les autres. Malgré le chaos, certains univers se retrouvent, notamment celui du clown. Les personnages sérieux laissent place à des êtres maquillées grossièrement de couleurs vives. Ils adoptent les comportements quasi muets et outranciers des clowns de cirque. À plusieurs reprises, des figures chevalines traversent la scène : costume de cheval, queues de cheval, acteurs se chevauchant… tous ces éléments font des clins d’œil au « dada ». Dans un moment parodiant la tribune politique, les trois acteurs mélangent leurs voix pour prononcer un manifeste dadaïste : l’une parle dans un langage incompréhensible, l’autre traduit, et le troisième commente, notamment à l’aide de nombreuses onomatopées. Des mannequins affublés de haut-parleurs énoncent des leçons dada. L’un d’entre eux donne la méthode pour écrire un poème dada : découper en confettis les mots d’un article de journal et les assembler dans le désordre. Les acteurs projettent à l’aide d’une soufflerie une pluie de fragments de journaux qui se collent sur le mur du fond.
Ça Dada le secoue
Bien que le public soit très classiquement assis dans la salle face au spectacle, il n’est pas laissé passif. Ça Dada le secoue et le sollicite. Un spectateur notamment est tiré au hasard, au sens propre. C’est un projectile tiré au lance-pierre qui le désigne. Il est alors invité à appuyer quand il le désirera sur le « bouton du hasard », gros bouton rouge sur un boité jaune en avant-scène. À plusieurs reprises, un acteur encourage le public à frapper dans ses mains, et entraîne une cacophonie de la salle qui rejoint celle de la scène. Le spectacle invite les spectateurs à une désinhibition assez peu courante au théâtre, et se pose comme un objet atypique dans le paysage contemporain.
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