Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Le budget du Bas-Rhin va plomber les associations d’aide sociale de Strasbourg

Le président du Bas-Rhin Frédéric Bierry (LR) va recevoir ce lundi 1er février un courrier inquiet du maire et du président de l’Eurométropole de Strasbourg. En cause, les désengagements drastiques et soudains à Strasbourg, prévus en particulier dans l’hébergement d’urgence. Le département du Bas-Rhin, en proie à de grandes difficultés budgétaires, rétorque qu’il se concentre sur ses obligations.

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Au Conseil départemental du Bas-Rhin, les budgets tendus s’enchaînent. (photo Raphaël Da Silva / Rue89 Strasbourg / Flickr)

Le vote du budget de l’année 2016 du département du Bas-Rhin est prévu vendredi 5 février. Mais les associations d’aides sociales, interlocutrices entres autres du conseil départemental, n’ont appris que la dernière semaine de janvier dans quelle mesure elles seraient impactées. Certes, le débat d’orientations budgétaires de décembre présageait déjà d’un arrêt complet des nouveaux investissements pendant trois ans, mais les coupes de fonctionnement étaient encore assez floues.

Face aux retours paniqués d’associations strasbourgeoises, Roland Ries (PS), maire de Strasbourg et Robert Herrmann (PS), président de l’Eurométropole ont décidé vendredi 29 décembre d’écrire au président du Bas-Rhin, Frédéric Biérry (LR), dans l’espoir qu’il modifie ou reporte l’adoption de ce budget primitif 2016.

Fin 2014, déjà

Même lorsque Strasbourg était dirigée par la droite, entre 2001 et 2008, plusieurs frictions avaient émaillé les relations entre la municipalité de Strasbourg et le Département du Bas-Rhin. Si Robert Herrmann et Roland Ries (PS) rappellent souvent leurs bonnes relations avec Philippe Richert, président (LR) de la Région Alsace et désormais de la grande région Alsace Lorraine Champagne Ardenne, cela n’est le cas avec le Département. En 2014, le tandem strasbourgeois avaient fortement critiqué le désengagement massif du Département dans le contrat triennal, qui vise à renforcer les projets européens à Strasbourg. La somme allouée par le Département est passée de 29 millions d’euros à 3 millions d’euros sur 3 ans. Le Département avait déjà répondu que certains domaines (comme les transports ou l’éducation) ne seraient plus de son ressort et qu’une grande partie de ses dépenses sociales étaient déjà concentrées à Strasbourg.

Comme depuis plusieurs années, le Département connait des difficultés à présenter un budget équilibré. Ses dépenses obligatoires, notamment en termes de financement de prestations sociales, augmentent chaque année, il n’est pas maître de ses recettes (à l’exception d’une partie de la taxe foncière) et les moyens qui lui sont transférés baissent.

Un désengagement total de l’hébergement d’urgence

En novembre 2015, le département du Bas-Rhin, la Ville de Strasbourg, l’Eurométropole, la CAF, l’État et l’association régionale des organismes HLM avaient signé, en partenariat avec des associations, le Plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) 2015-2021. Si le montant total était acté, le détail par année n’était pas précisé.

Dans la version 2016, le département ne dépense plus un centime dans l’hébergement d’urgence – une compétence de l’État – contre 640 000 euros en 2015. Une situation que les acteurs concernés semblent découvrir ces derniers jours. La majorité de ces structures dans le Bas-Rhin sont situées à Strasbourg (et à degré moindre Haguenau).

Parmi les associations les plus plus impactées, on note Regain (- 140 000 euros), le Home protestant (- 40 000 euros), l’Association d’accueil et d’hébergement pour les jeunes (AAHJ ; – 150 000 euros) ou dans une moindre moindre mesure l’Étage et des associations notamment engagées aux côtés des femmes.

La crainte des licenciements

Ces structures reçoivent d’autres financements par d’autres collectivités ou par l’État, mais la grande majorité des frais (environ 90%) étant dépensés en salaires et le reste en factures incompressibles (électricité, eau), chaque baisse, même minime, fait craindre des licenciements. Comme les structures d’accueil sont parfois ouvertes 24h/24, des réductions d’effectifs engendreraient une réduction du nombre de places dites de « stabilisation« .

Sur le terrain, les besoins sont, eux, de plus en plus importants. Les services de la Ville de Strasbourg ont recensé 346 personnes sans adresse en 2015, soit trois fois plus qu’en 2011 (115 personnes). Un chiffre sûrement en-deçà de la réalité car certaines personnes sans domicile fixe disposent d’une adresse administrative auprès d’organisme, sont hébergés par des proches ou refusent l’aide proposée.

La subvention de 2015 du CCAS toujours pas payée

La situation est d’autant plus tendue que la subvention habituelle de 102 000 euros (sur un budget total de 4,3 millions d’euros) au Centre communal d’Action sociale (CCAS) n’a toujours pas été payée par le Département. La collectivité assure aujourd’hui avoir pris connaissance de la situation fin janvier seulement et qu’elle réglerait son dû.

Mais des baisses importantes de budget se retrouvent aussi dans le domaine de la jeunesse.

Conséquence : des associations pourraient se rapprocher à la hâte pour éviter des licenciements.

Moins 2 millions pour les jeunes majeurs

Autre baisse sensible qui inquiète les acteurs concernés, celle dans l’accompagnement aux jeunes majeurs, une compétence cette fois-ci obligatoire du Département. L’aide passe 8,7 millions d’euros à 6,7 millions (-23%). La délibération met en avant un nombre de contrats plus faible en 2015 et une offre moins onéreuse.

Pour certains acteurs proche du dossier, cela s’explique par des conditions durcies. L’aide n’est valable que 6 mois et il faut finir sa formation dans l’année (c’est-à-dire à 19 ans dans la majorité des cas) ou être handicapé pour bénéficier d’un renouvellement de 6 mois.

Marie-Dominique Dreyssé, vice-présidente (EELV) de l’Eurométropole en charge des solidarités, s’alarme de ces désengagements, mais aussi des conséquences financières du timing de l’annonce :

« Lorsqu’on apprend fin janvier 2016 aux associations qu’elle n’auront pas leur subvention pour toute l’année 2016, cela représente encore plus que le montant non-versé, car elles vont devoir financer des licenciements, ce qui a un coût. Si cela avait été annoncé en amont des solutions auraient pu être trouvées. »

« L’hébergement d’urgence ? C’est une compétence de l’État »

Frédéric Bierry présentera en détail ses choix budgétaires lors d’un déjeuner de presse jeudi 4 février, mais une collaboratrice prévient déjà :

« Marie-Dominique Dreyssé devrait adresser ses reproches à l’État. L’hébergement d’urgence est de sa responsabilité, tandis que notre aide était volontariste. Nous n’avons plus la clause de compétence générale depuis la réforme territoriale qui permettait d’agir dans tous les domaines. Nous avons 70 millions d’euros en moins cette année sur un budget de 1,1 milliard. Par ailleurs, le Département s’engage à hauteur de 14 millions d’euros sur le logement, pour justement diminuer les situations d’hébergement d’urgence. »

Le département compte aussi sur les Assises de l’engagement, débutées au mois de décembre pour 6 mois, pour que des solutions collectives moins coûteuses émergent, notamment en mutualisant des moyens entre associations.

Suzanne Kempf : « ce budget résulte aussi de choix »

Ces réponses sont trop simples pour Suzanne Kempf, présidente du groupe d’opposition PS au conseil départemental :

« Il est vrai que le département a des difficultés, mais ce budget résulte aussi de choix. Par exemple, on retrouve encore une subvention pour l’OLCA (Office pour la Langue et la Culture d’Alsace, structure présidée par le conseiller régional et maire de Truchtersheim « Les Républicains »  Justin Vogel, ndlr), ce qui n’est pas une compétence obligatoire. L’aide est supprimée à des petites associations, qui par exemple tenaient une épicerie solidaire avec seulement 20 000 euros par an. On nous avait dit qu’on pourrait travailler à l’élaboration de ce budget, ça n’a pas été le cas. Quand on le voit, on comprend mieux pourquoi il n’a pas été présenté avant les élections régionales… »

En 2015, le budget primitif du Bas-Rhin avait été voté en avril, quatre semaines seulement après les élections départementales. Le seul impôt sur lequel le département a encore un pouvoir (une partie de la taxe foncière) avait été augmenté de 11,6% à 13,18%, bien que cela reste le douzième taux le plus faible parmi les 90 départements français.


#Conseil départemental du Bas-Rhin

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