Si l’ambiance d’été est palpable au tout début, la lassitude l’emporte bien vite devant une histoire empêtrée dans des récitations culturelles (« Je crains les Grecs, même quand ils apportent des cadeaux« ) qu’on s’amuse à énumérer. La mère, interprétée par Nicole Garcia, semble se divertir dans le foutoir apparent de relations embrouillées avec ses fils (Œdipe n’étant jamais loin, et s’avère assez appuyé). Le sex-appeal de Gaspard Ulliel ne parvient pas à faire réévaluer l’intrigue centrée sur la relation (et la déchirure progressive) entre la mère et ses fils et n’ayant comme fil rouge qu’une pièce de théâtre à monter, laquelle s’avérera pour le moins saugrenue.
Emmanuelle Riva quant à elle apparaît comme complètement décalée par rapport aux autres et apporte une dérision bienvenue par son détachement. Au milieu des facéties, quelques plaisirs loufoques sont à souligner, comme cette scène où Emmanuelle Riva chantonne l’Internationale en peignant des phallus géants.
Cette comédie de Brigitte Rouän pointe donc en dessous de ses précédents long-métrages. La réalisatrice ne réussit pas à nous embarquer dans cette aventure familiale qui case de la référence et flatte le pays (« Ce n’est pas la Grèce qui a une dette envers nous, c’est nous qui avons une dette envers la Grèce« ), pays dont on ne voit finalement que peu de choses. Le film s’apparente ainsi à une sorte de soutien maladroit aux Grecs dans la panade économique. Et si les acteurs semblent bien s’amuser et prendre un bain de soleil, le résultat reste terne.
M.G. – Vous étiez à trois pour l’écriture de ce nouveau long-métrage, ce n’est pas la première fois dans votre filmographie où vous êtes à plusieurs, y a-t-il une raison à cela ?
Brigitte Roüan (réalisatrice) – Plus on est nombreux plus on rigole… Non mais moi je n’aime pas écrire seule, je ne peux pas travailler sans mes scénaristes même si c’est moi qui apporte le sujet. C’est bien d’être à plusieurs.
M.G. – On remarque également qu’au sein de vos long-métrages les rôles principaux ne sont attribués qu’à des femmes, pourquoi ?
Brigitte Roüan – J’ai fait un polar pour la télé sur France 2 avec un rôle principal masculin, ça a été très difficile pour moi. Je me suis dit peut-être que ça venait du fait que c’était un garçon. Je ne sais pas, j’aime bien la compagnie des femmes, j’aime bien être avec des garçons, mais je ne sais peut-être pas écrire sur un homme, n’en étant pas un. Je n’écris donc que sur des choses que je connais un peu. La prochaine fois, dans mon projet suivant, ce sera sûrement un homme et une femme, un équilibre parfait.
M.G. – Aviez-vous les acteurs déjà en tête lorsque vous écriviez le scénario ?
Brigitte Roüan – Je ne pensais qu’à Nicole Garcia pour le rôle principal, j’avais besoin de cette énergie là, de cette douceur, si ça avait été moi ça aurait été plus raide. Pour les hommes on a fait un casting à toute vitesse, je n’ai pas eu vraiment le temps… Mais cette contrainte fut bonne car au final ils sont tous très différents des uns des autres, c’est plutôt avantageux, comme ça on les identifie tout de suite. Au départ je voulais quatre blonds ou quatre bruns, et le hasard de la vie a fait que je me suis retrouvée avec ces quatre très différents.
M.G. – Et vous, Nicole Garcia, avez-vous accepté le rôle tout de suite ? Qu’est-ce qui vous intéressait dans celui-ci ?
Nicole Garcia (Actrice) – Oui tout de suite. Ce qui m’intéressait le plus était de tourner avec Brigitte. C’était formidable de me composer un rôle dans une comédie, ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé. D’habitude je suis aux prises d’univers plus sombre, avec des sujets graves, des conflits à résoudre. Donc j’étais contente de faire ça, et je trouvais qu’il y avait dans ce personnage une folie, une démesure, plein de choses propices à la comédie : des brusqueries, des rebonds que j’aime beaucoup explorer. Brigitte dit toujours que dans la vie je suis très drôle et que ça ne se voit pas dans ma filmographie, elle a donc voulu me rendre cette justice.
Brigitte Roüan – J’étais sûre qu’elle serait drôle. Nicole ne recule devant rien. J’ai gommé des choses par contre dans son jeu corporel, car Nicole a une démarche très souple, je voulais qu’elle soit plus terrienne, sans lui faire perdre sa grâce pour autant.
Nicole Garcia – J’ai plus approché ce type de personnage et ce jeu-là au théâtre, je ne l’avais pas fait vraiment au cinéma. Le personnage de Jo a un enthousiasme qui fatigue ses fils.
M.G. – Justement, au milieu de tous ces personnages dynamiques, on a Emmanuelle Riva qui contraste pleinement des autres, comment avez-vous construit son rôle ?
Brigitte Roüan – C’est un rôle symbolique en vrai. Emmanuelle aussi était très contente de jouer une comédie, cela dit après en Grèce elle trouvait qu’il faisait chaud. En même temps à 85 ans il y a des choses qu’on ne fait plus en principe… sauf elle. Ce n’est pas moi qui ait eu l’idée de l’actrice, j’ai vu plusieurs femmes -c’est difficile de caster des femmes à cet âge là- et Emmanuelle quand je l’ai vue, j’ai trouvé que Nicole et elle avaient un très beau nez, très droit, ça me plaisait bien. Elle a accepté le rôle tout de suite. Alors oui elle est à part dans le film, comme les vieilles personnes le sont dans la vie. Elle n’est pas comme le personnage de Jo qui est généreux, rattrapant les coups, toujours dans le bien-être des autres, Granny (la grand-mère incarnée par Emmanuelle Riva) elle, en a finit avec ce job là, c’est une peste qui veut manger bien, dormir bien, le reste l’intéresse peu. Le rôle de peste c’est comique aussi, c’est cela qui lui a plu. C’est une grand-mère dont le vernis social a craquelé…
Nicole Garcia – Ce que l’on remarque en tout cas c’est que les filles partent moins loin des mères, les hommes partent et des femmes les éloignent de leur mère. Les filles ont des rapports conflictuels avec leur mère, mais elles tissent des liens plus forts une fois parties.
Brigitte Roüan – Comme tu as formulé ça on aurait dit que tu parlais de la migration des oiseaux (rires). Mais non mais les filles enlèvent les garçons à leurs mères, on dirait qu’il y a un jeu de spirale avant que ça s’en aille…
Nicole Garcia – Ce que raconte en tout cas le film c’est que la mère vit quatre ruptures amoureuses, quatre fois l’abandon de ses fils.
M.G. – On a l’impression que la jovialité grecque était présente lors du tournage…
Nicole Garcia – C’est ce que l’on nous a dit, tant mieux, mais c’était rude. On garde de très bons souvenirs en Grèce, mais ce n’était pas des vacances.
Brigitte Roüan – Pas des vacances, 36 jours de tournage pour 18 personnages. C’est rien.
M.G. – On voit des visions du personnage sur une trirème (trière, navire grec), ou encore sur un char avec des chevaux, cela rappelle la scène où votre personnage dans Post coïtum Animal Triste fait des pas sur un nuage proche du sol, était-ce dans un but d’expérimentation visuelle ?
Brigitte Roüan – Si j’avais beaucoup de moyens j’adorerais les effets spéciaux, j’aime bien Méliès et tout ça. J’ai commencé à expérimenter assez tôt, et je le remets de plus en plus. C’est les moyens du cinéma pour transmettre une sensation, une émotion, ou un sentiment. Quand Nicole Garcia bat le tambour sur la trirème, c’est une vision du fils qui a l’impression d’être au bagne. De même la scène des chevaux est une scène d’extase de la maman lorsque les fils se mettent à danser parce qu’ils sont ensemble. Elle est transportée de plaisir, de joie, elle est heureuse. Il y avait également ce genre de scènes dans mon film Travaux avec les objets et la nappe qui volent…
Y aller
Sortie nationale le 6 février, à retrouver au cinéma Star St-Exupéry et à l’UGC Ciné-Cité Strasbourg.
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