Dans la boutique Joy Concept, qui doit ouvrir en décembre dans la bien nommée rue du Jeu-des-Enfants au centre-ville de Strasbourg, parents et enfants pourront s’y procurer des vêtements, des jouets, des livres et des objets de petite décoration unisexe. Unisexe, c’est-à-dire que les objets ne seront pas pensés pour s’adresser au genre des enfants en utilisant des codes et des clichés liés au sexe (couleur des emballages, illustrations, mise en avant d’attributs liés au sexe, etc).
Joy Fleutot, 27 ans, a eu l’idée de créer sa boutique pendant ses études, il y a deux ans :
« En cours de marketing, on nous apprend qu’il faut segmenter son marché pour vendre. Il faut commencer par le sexe. On ne vend pas un produit de la même façon à un homme ou à une femme et pour différencier, on se base sur des stéréotypes de genres, les femmes sont douces, les hommes sont forts, etc. En ce qui concerne le marketing à destination des enfants, c’est encore pire, on a droit à une explosion de clichés : les garçons sont des super héros, les filles peuvent commencer à apprendre à faire le ménage… »
Ce marketing genré est tellement ancré que la jeune femme prévoit d’aménager une partie café dans sa future boutique, afin d’échanger sur cette question avec les parents. Des ateliers de bricolage et d’échange devraient également être organisés pour les enfants.
Des enfants libres de choisir
Ce marketing genré ne concerne pas que la couleur des boites, il influe aussi sur le développement des enfants et sur la place qu’ils sont invités à prendre dans la société. Ainsi les garçons ont accès à l’aventure et sont poussés à prendre des risques dès leur plus jeune âge. Mais ce n’est pas le cas des filles :
« Quand j’étais petite, j’allais chez un copain qui jouait souvent aux circuits de voitures. J’adorais ça. Pourtant, je n’en ai jamais commandé à Noël : je ne regardais que les pages roses des catalogues de jouets, et, dans les pages roses, il n’y a pas de circuits de voitures… Maintenant, je me rends compte que je me suis bridée toute seule. En créant une boutique qui prouve qu’il est possible de mettre fin aux clichés et que ça fait du bien aux enfants, la demande va peut-être évoluer. »
Joy proposera à ses petits clients des jouets en bois de la marque Plan Toys. Dans la boutique, ils seront disposés en fonction de l’âge et du stade de développement de l’enfant. Le mobilier sera également adapté à la taille des enfants. Les étagères et les tringles à vêtements seront à leur hauteur pour qu’ils puissent choisir plus facilement les produits qui les attirent.
Des vêtements à 30 euros
Dans sa boutique, Joy a choisi de vendre les vêtements de marques « éco-responsables » telles que Tootsa, Colchique ou encore Tiny Cottons. Prix moyen : une trentaine d’euros par pièce. Selon la jeune femme, la qualité des vêtements justifie cette somme assez élevée :
« Quand on veut des vêtements en coton bio qui ne sont pas produits à l’autre bout du monde par des enfants payés une misère, ça coûte toujours un peu plus cher… »
Joy envisage de mettre en place un coin dédié aux vêtements d’occasion dans la boutique. Ainsi, elle pourra racheter certains vêtements puis les revendre à d’autres clients. C’est également, selon elle, un bon moyen de lutter contre la surconsommation.
« Construire les enfants autrement »
En ce qui concerne les livres, la boutique proposera des ouvrages que Joy qualifie d’alternatifs et dans lesquels toutes les différences (couleur de peau, religion, sexe, handicap) seront mises en avant :
« Dans les livres pour enfants, lorsqu’on représente une cour d’école, il y a toujours le groupe de filles qui papotent toutes ensemble d’un côté et les garçons qui jouent au foot de l’autre. C’est cliché, mais c’est la réalité de ce qui est proposé aujourd’hui. »
Les enfants pourront également se procurer des histoires qui abordent les thèmes de l’écologie ou du féminisme. Selon Joy, il est important de transmettre ces valeurs aux enfants qui seront les principaux acteurs de la société de demain :
« Petite, je vivais avec mon père. Il faisait la cuisine, il reprisait mes jeans, il bricolait aussi la voiture… Quand je disais aux adultes que c’était mon père qui avait fait mon ourlet, les gens s’exclamaient toujours. Je ne comprenais pas pourquoi. Si on éduque les enfants en leur expliquant qu’être une fille ou un garçon c’est pareil, on peut aider à effacer les inégalités qu’on rencontre à l’âge adulte. Par exemple, pourquoi un patron payerait moins une femme ? Ça n’aurait plus lieu d’être. »
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