Mercredi matin de bonne heure, les policiers sont allés frapper à la porte du domicile d’Yves Zehr à Strasbourg : « Bonjour madame, bonjour monsieur, police nationale, il va falloir nous suivre ». Le couple a ensuite été emmené au commissariat où il a subi une garde à vue de 48 heures. Immédiatement après, Yves et Marie-Louise Zehr ont été présentés vendredi matin au juge d’instruction Jean-Baptiste Poli, qui leur a signifié leurs mises en examen, pour abus de biens sociaux, fraude fiscale, faux et usage de faux, et blanchiment pour Yves Zehr, recel d’abus de biens sociaux pour son épouse. A l’issue de la journée, Yves Zehr a été placé en détention provisoire, conformément aux réquisitions du Parquet.
Ancien PDG du réseau d’hyper et de supermarchés Coop Alsace jusqu’au printemps 2011, Yves Zehr est accusé d’avoir prélevé au moins 1,3 million d’euros en bons d’achats entre 2007 et 2012, comme Rue89 Strasbourg le révélait en mai. Les faits pourraient être plus anciens et les prélèvements plus importants, mais les traces avant 2007 sont plus difficiles à retrouver en raison d’une insuffisance du système informatique antérieur. Les retraits d’Yves Zehr ont été affectés à la ligne comptable n° 4886090 appelée « Pub commune », ligne où ne figurent que ces prélèvements.
Cette manne en capitaux dans laquelle puisait Yves Zehr a été découverte par les représentants du personnel de la Coop qui se sont rendus compte en mars 2012 que 800 bons d’achat de 100€ chacun avait été émis au nom de Yves Zehr en dehors de tout contrôle. Les bons ont été récupérés mais les syndicats ont alors demandé à la direction d’enquêter sur la procédure d’émission de ces bons. Découvrant l’ampleur des détournements, la direction de la Coop Alsace a finalement déposé plainte pour escroquerie et abus de biens sociaux le 25 mai.
Un système ancien, selon Yves Zehr
Tout au long de sa garde à vue, puis toute l’après-midi devant le juge d’instruction, Yves Zehr a nié s’être enrichi aux dépens de Coop Alsace. Bernard Alexandre, son avocat, détaille la position de son client :
« Yves Zehr a trouvé lorsqu’il est arrivé à la tête de la Coop ce système de bons d’achats. Il l’a simplement poursuivi car ce système permettait d’activer des « relais d’opinion locaux », la Coop étant un acteur régional important… Il n’y a eu aucun enrichissement personnel, l’enquête a par ailleurs cherché à savoir si des travaux à sa résidence avaient été payés par la Coop et n’a rien trouvé, ni aucune autre fourniture d’aucune sorte.
Mon client a refusé tout au long de ses auditions de révéler les destinataires finaux de ces bons d’achats. L’enquête se poursuit donc et c’est sans doute ce qui a motivé le juge des libertés à garder Yves Zehr en détention. »
Les bons d’achats de la Coop étaient effectivement retrouvés dans de nombreuses manifestations et événements sportifs, parfois comme des lots.
Mais ces bons d’achats n’auraient jamais dû être convertibles en numéraire directement auprès des supermarchés Coop. Du coup, la justice aimerait savoir qui a bénéficié de ces sommes et surtout quels ont été les services en retour…
Le vice-procureur de la République Brice Raymondeaud a réclamé le maintien en détention à l’issue de la garde à vue d’Yves Zehr, et le placement sous contrôle judiciaire pour son épouse. Il a refusé de communiquer sur les montants des détournements reprochés au couple Zehr, indiquant que ce serait à la chambre d’instruction de l’établir.
Yves Zehr, 65 ans, était membre du Conseil économique et social, président du Ciarus et vice-président de la SIG. Il a démissionné de tous ses mandats.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : Coop Alsace : 1,2 million d’euros détournés
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