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La mère de Lilian, blessé par un tir de LBD sans tireur, écrit à Emmanuel Macron

À la suite du classement sans suite de sa plainte pour blessures involontaires sur son fils, Flaure Diéssé écrit son désarroi au Président de la République, Emmanuel Macron.

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M. le Président de la République,

Je vais vous raconter l’histoire dramatique d’un adolescent de 16 ans, mon fils. Il a été touché par un tir de LBD le 12 janvier 2019 à Strasbourg lors d’une manifestation de Gilets jaunes.

Il n’est ni manifestant, ni casseur encore moins black bloc. Il allait juste acheter une doudoune en solde.

Il est resté 6 heures au bloc opératoire, mâchoire en bouillie… Il a perdu son année scolaire (il est resté enfermé à la maison 3 mois avec les broches qui consolidaient sa mâchoire). Il a perdu sa sensibilité au niveau des lèvres et a une sérieuse cicatrice sur la joue droite qu’il gardera à vie.

Pour fuir tout cela il s’est réfugié en septembre dans un internat breton à 800 km d ici, près de ses grands-parents. La police s’étant empressée de le désigner comme casseur, l’information a vite circulé sur les réseaux sociaux et les sites numériques de certains médias. Il ne voulait plus affronter cela à Strasbourg.

« Avec toutes les caméras de vidéosurveillance, on n’a pas réussi à trouver qui a tiré ? »

Après 10 mois d’enquête, le procureur adjoint de Strasbourg m’annonce que l’affaire est classée sans suite car on n’a pas pu identifier le responsable du tir. Avec toutes les caméras de vidéosurveillance qu’il y a à Strasbourg et celles utilisées par des policiers, on n’a pas réussi à trouver qui a tiré ?

L’État était sensé protéger cet adolescent. J’ai toujours appris à mes enfants le respect des lois de la République, de l’Autre. Aujourd’hui c’est l’État qui a massacré la vie de cet enfant avec ce tir de LBD, « selon la plus haute probabilité » pour le procureur, alors que le rapport médical l’atteste !

« Pas un mot d’excuse de l’État, quel mépris pour des victimes ! »

Pas un seul regret ! Pas un mot d’excuse de l’État ! Quel mépris pour les victimes que nous sommes, quelle injustice ! Si un de vos enfants avait été touché par un tir de LBD entraînant les mêmes conséquences que celles de mon fils, auriez-vous accepté ce classement sans suite ? Non, assurément. Vous auriez tout mis en œuvre, remué ciel et terre et déployé tous les moyens pour retrouver l’auteur. Moi je dois me contenter d’un classement sans suite, bref circulez, il n’y a rien à voir !

Monsieur Castaner répète les mêmes phrases lors de toutes ses interviews : « s’il y a eu faute, il y aura sanction » ou « la justice fait son travail », cela ressemble à de l’enfumage. Dans le cas de mon fils, il y a eu faute grave, une faute qui aurait pu être mortelle. Le policier a tiré au niveau du visage et à un centimètre près il sectionnait la carotide de mon fils.

« C’est bien l’État qui est responsable de cet accident »

Le classement sans suite est justifié par le fait qu’on n’a pas pu identifier le tireur. Mais je tiens à vous rappeler que le tireur appartient à la police donc à l’État. Identification du tireur ou pas, c’est l’État qui est responsable de cet accident.

Monsieur Nunez, dit sur BFM qu’il « ne connait pas le dossier » de mon fils, alors que l’affaire a été sérieusement médiatisée en janvier dernier. Cela montre à quel point il banalise les victimes. Un secrétaire d’Etat en charge de la sécurité qui n’est pas au courant du dossier d’un adolescent innocent, qui a frôlé la mort suite à un tir de LBD, c’est vraiment déplorable et inquiétant.

Je joins la photo de mon fils sur son lit d’hopital afin que vous réalisiez la gravité de la blessure commise par le LBD et le traumatisme que mon fils a subi…

Lilian sur son lit d’hôpital (doc remis)

Que vous réalisiez la souffrance de cet enfant innocent…

Que vous imaginiez la douleur qui m’a rongée et qui me ronge encore…

Je joins également la seconde photo où il porte sa doudoune achetée quelques minutes avant le drame. Il était si heureux de la porter. Elle est barrée du sang de l’innocence. Vous vous êtes débarrassés du dossier sans même un mot pour notre douleur mais ce sang vous l’aurez sur la conscience.

Si vous étiez vraiment pour la justice, le respect des droits de l’Homme, ce dossier ne serait pas classé sans suite ou en tout cas pas classé sans la moindre excuse ni la moindre compassion envers une famille qui a souffert et souffre toujours de cette indifférence.

Flaure Diéssé,
une maman rongée par la douleur, la tristesse et l’incompréhension


#violences policières

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