Écologiste et féministe. C’est ainsi que Blanca de Riquer Gatell se définit avant tout. Mais impossible de réduire cette Barcelonaise de 32 ans qui croque la vie à pleines dents à ces deux facettes seulement. Elle en a tellement.
Amatrice de football (elle y joue plusieurs fois par semaine, au poste d’attaquante), cette Bruxelloise d’adoption (elle a rejoint la Belgique après une année en Erasmus à Amsterdam et l’obtention d’un master de communication politique à Londres) a intégré le Parlement européen dès septembre 2014 – d’abord en tant que stagiaire, puis comme assistante parlementaire.
Depuis un an, elle travaille pour le groupe des Verts / Alliance libre européenne (ALE), qu’elle conseille sur toutes les questions relatives aux droits des femmes. Son crédo ? Le « gender mainstreaming », c’est-à-dire l’approche qui consiste à intégrer la dimension du genre dans toutes les politiques (économiques, sociales, commerciales, etc).
Blanca de Riquer Gatell se dit très fière de travailler pour une institution qui détient de plus en plus de pouvoir, et qui, parfois, est capable de faire évoluer les politiques. Mais en près de cinq ans entre Bruxelles et Strasbourg, elle a aussi pu se rendre compte des travers qui existent au Parlement européen, et notamment du mauvais traitement trop souvent réservé aux femmes qui y travaillent.
Pour l’Espagnole, la campagne qui précède les élections européennes est donc plus que jamais l’occasion de tenter d’améliorer la condition des femmes au Parlement et de voir enfin renforcées les politiques internes visant à éliminer le sexisme, le harcèlement et les violences fondées sur le genre.
Plus de 360 signatures
Alors, aux côtés d’autres employés (pas que des femmes) du Parlement européen – tous membres du collectif « MeTooEP » – Blanca de Riquer Gatell a élaboré une liste d’engagements (dix au total) que les candidats aux élections européennes peuvent signer afin de montrer leur volonté d’aller de l’avant.
Ce manifeste de campagne, qui appelle notamment à « activement lutter contre le sexisme », enjoint également les futurs députés européens à s’inscrire à une formation spéciale au Parlement européen « relative au respect et à la dignité au travail », ainsi qu’à « encourager la création d’une structure accessible, efficace et indépendante pour traiter les cas de harcèlement au Parlement européen » – deux mesures qui viendraient modifier l’organisation actuelle de cette grande maison.
Pour l’heure, plus de 360 signatures ont été collectées – beaucoup sont celles d’eurodéputés sortants qui aimeraient être réélus, mais il y a aussi un certain nombre de candidats qui n’ont pas encore d’expérience au Parlement européen. Et Blanca de Riquer Gatell de se réjouir :
« C’est un bon début, étant donné la sensibilité du sujet ! Car il faut bien comprendre qu’on ne peut pas prendre ce manifeste par-dessus la jambe. Le signer, c’est aussi s’engager par la suite. Je serai là, pendant la prochaine législature, et demanderai le soutien de ceux qui ont signé pour faire avancer notre combat. »
Pour Lea Haas, 32 ans, assistante de l’eurodéputée Terry Reintke au Parlement européen et qui, depuis cinq ans, collabore régulièrement avec Blanca de Riquer Gatell sur des dossiers communs, la persévérance de sa collègue ne fait aucun doute :
« Blanca fait partie du noyau dur du collectif. Nous avons de la chance de pouvoir compter sur elle, elle est l’un des piliers du mouvement, l’une de celles qui a fait en sorte qu’il grandisse et soit entendu. On n’avait encore jamais vu ça avant, dans aucun autre parlement. Blanca est une féministe brillante et intelligente, vraiment capable de construire des ponts. Et dans un collectif comme celui-ci, qui regroupe des féministes de nationalité et de couleur politique variés, c’est plus que nécessaire. »
36% d’élues au Parlement
Mais l’engagement de Blanca de Riquer Gatell contre le harcèlement dans cette institution majeure de l’Union européenne a commencé bien avant la campagne électorale.
Fin 2017, la vague #MeToo vient éclabousser la « bulle européenne », et le Parlement tout particulièrement, où bon nombre de langues se délient. Les récits de victimes harcelées par leurs collègues ou par leur chef se multiplient. Le site d’informations spécialisées Politico Europe recueille quelque 140 témoignages alarmants – parmi lesquels deux font état de viols – via un formulaire en ligne permettant de se confier, anonymement ou non.
Dans la foulée, le Parlement européen vote (à une écrasante majorité de 580 voix pour, 10 contre et 27 abstentions) une résolution « sur la lutte contre le harcèlement et les abus sexuels dans l’UE ». Blanca de Riquer Gatell, qui travaillait alors pour l’eurodéputé Ernest Urtasun, a largement participé à sa rédaction. Ce texte non contraignant demande notamment la fusion des deux comités de lutte contre le harcèlement qui existent au Parlement (l’un étant réservé au personnel administratif et l’autre aux députés et aux assistants), ainsi que l’instauration de formations obligatoires contre le harcèlement (les mêmes dont il est question dans le manifeste de campagne, qui existent actuellement au Parlement, mais sont toujours facultatives).
Mais la résolution n’est pas suivie d’action : le « Bureau » du Parlement européen, qui regroupe le président de l’institution ainsi que 14 vice-présidents, se saisit mollement du dossier, sans y apporter de réponses concrètes.
Le 8 mars 2018, le mouvement « MeTooEP » naît en réaction. Depuis, aux côtés d’une dizaine d’autres membres qui en constituent le noyau dur, Blanca de Riquer Gatell fait vivre ce réseau, en espérant bientôt ne plus être la cible, au quotidien, du sexisme ordinaire qui fait rage dans l’institution. Et depuis octobre 2018, sur le blog « MeTooEP », des employés des institutions continuent de poster les récits de leurs mésaventures. Pour Blanca de Riquer Gatell, c’est clair :
« Même après les élections, on va continuer à se battre. MeTooEP continuera de se faire entendre tant que nous n’avons eu ce que nous voulons. À court terme, il s’agit des formations obligatoires et de la fusion des comités de lutte contre le harcèlement. Mais c’est aussi l’éradication totale de toute forme de sexisme au Parlement. »
Elle y tient : l’institution doit devenir un modèle en matière de lutte contre le harcèlement et d’égalité entre les hommes et les femmes. Et sur ce dernier tableau, l’institution ne s’en sort pas si mal : en 1979, dans l’hémicycle du Parlement européen, les femmes occupaient 17 % des sièges. En 2018, cette part a atteint 36 %, soit 271 élues (contre 480 hommes).
Si la parité est loin d’être strictement respectée, les femmes restent mieux représentées à Strasbourg et à Bruxelles que dans la plupart des parlements nationaux, où elles occupent en moyenne 24 % des places. Et
Blanca de Riquer Gatell , écologiste et féministe donc, mais aussi éternelle optimiste, de conclure :
« En réalité, la bataille sera vraiment gagnée quand les femmes, au Parlement et en-dehors, ne seront plus regardées comme des bouts de viande et qu’on ne leur dira plus que les commentaires graveleux qu’elles peuvent entendre ici et là ne sont que des blagues… »
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