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Billets sans contact : un an … et quelques dents contre la CTS

Le billet rechargeable sans contact de la CTS va fêter son premier anniversaire. Mais entre les billets illisibles et ceux qui s’accumulent dans le portefeuille, les Strasbourgeois peinent à l’adopter.

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Des économies d’encre et de papier. C’était l’argument massue de la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) pour passer au nouveau billet sans contact, un investissement à 10 millions d’euros. Des vertus qui ne ruissellent pas sur les voyageurs, puisque le prix des tickets a augmenté. Mis en place le 19 mars 2018, ce petit bout de carton rouge et blanc a complètement remplacé le bon vieux ticket à bande magnétique le 1er juillet 2018… Reste à savoir si la puce qu’il contient est, elle aussi, écologique.

Est-ce bien la peine d’économiser du papier si c’est pour le remplacer par une puce pleine de métaux rares ? (photo Pierre Pauma)

Des billets rarement rechargés

La CTS ne donne pour l’instant aucun chiffre sur cette première année du billet sans contact. Mais pour espérer voir un usager recharger consciencieusement son billet aux bornes d’achat, il faut s’armer de patience. Parmi les adeptes du billet sans contact, beaucoup de touristes ou de visiteurs qui ne restent que quelques jours. Comme cette dame qui vient parfois pour rendre visite à sa fille :

« On a tellement de tickets à garder vous savez… Je viens tellement peu souvent que d’ici là, je pense que je l’aurai perdu. J’en rachète un à chaque fois. »

Au bout d’une heure de pied de grue devant les automates de l’Homme de fer, quelques nouveaux tickets ont été achetés, mais aucun n’a été rechargé. Monique et Sophie nous abandonnent avec pour seul avis sur ces nouveaux billets un laconique « c’est de la grosse m… ! » Quand soudain, notre champion arrive. Usager modèle, Benjamin s’avance d’un pas sûr vers le distributeur, glisse son billet dans le réceptacle pour le recharger… Et c’est une « lecture impossible ». Raté, il lui faut racheter un ticket neuf, plus cher de 10 centimes (1,80€ contre 1,70€ la recharge). Le jeune homme assure pour autant s’efforcer de jouer le jeu :

« J’utilise moins de tickets qu’avant, mais il arrive que la borne ne me le valide pas alors qu’il reste des trajets dessus. Si ça ne marche pas, tant pis. Je fraude. »

Benjamin, passager pressé qui valide son billet sans contact. (photo Pierre Pauma)

Obsolescence rapide

Pour permettre d’éviter l’abattage de 77 arbres par an (sur 110 jusque là), il suffirait que les utilisateurs rechargent leur billet « en moyenne » trois fois, annonçait la CTS au lancement du ticket sans contact. Il faudrait donc que les Strasbourgeois le fassent un peu plus, afin de compenser les tickets des touristes, qui en font un usage unique ou presque. Mais encore faudrait-il qu’ils en aient l’opportunité. Benjamin n’est pas le seul à se retrouver avec des billets hors-service. Un de nos lecteurs est venu nous trouver avec en prime une explication qui lui a été fournie par la CTS :

« J’ai acheté une carte en novembre, je l’ai utilisée une fois en décembre. Depuis, j’avais le droit à une « erreur carte » à chaque fois que je voulais valider. Je l’ai finalement porté à la CTS, qui m’en a refait une avec le nombre de voyages restants. On m’a dit que c’était lié au contact avec mon smartphone qui pouvait endommager la puce. »

Des tickets qui ne se démagnétisent pas faisaient pourtant partie de l’argumentaire initial…

Un ticket abandonné sur la place de l’Homme de Fer. (photo PP / Rue89 Strasbourg / cc)

Une encombrante collection

À Rue89 Strasbourg, nous pensions viser juste en organisant un apéro des possibles consacré à la gratuité des transports… Quelle ne fut pas notre surprise de voir les participants s’écarter du sujet pour nous parler (entre autres choses) d’un autre tracas : les billets de tram à réutiliser qui s’accumulent dans les portefeuilles, les sacs à main, et autres poches de jeans qui passent parfois à la machine à laver.

Une mère de famille nous tendait alors un éventail de tickets qu’elle avait sur elle :

« Entre les tickets de mes enfants, les tickets de secours, les tickets de mon mari, ceux pour la nounou, ceux pour les visiteurs… Je dois bien en avoir une douzaine chez moi. Je travaille dans un établissement public, où ça nous pose des problèmes également : comme on ne peut pas recharger nos tickets pour des questions de comptabilité, on est obligés d’en racheter à chaque fois. »

Autre difficulté, impossible de charger des tickets à l’avance, tant que ce qu’il y a sur la carte n’est pas épuisé, sous peine de perdre ses achats. « S’il reste un ticket sur sa carte et qu’on doit aller en bout de ligne de bus, notamment en dehors de Strasbourg, on ne peut ni charger son billet à l’avance avant de partir, ni le recharger une fois arrivé dans les endroits il n’y a pas de distributeur adapté », remarque à ce sujet François Giordani, de l’Association des usagers des transports urbains de Strasbourg (Astus).

Souvent, les billets s’accumulent dans les portefeuilles des usagers. (photo Pierre Pauma)

D’autres regrettent que ces tickets ne soient utilisables que par une seule personne à la fois. Une limite posée à la demande des usagers, se défend la CTS qui avait pris le parti d’imposer un laps de temps de 15 minutes entre deux validations. Une précaution qui a le mérite d’éviter de perdre un voyage en validant deux fois par mégarde.

Un paiement via l’appli CTS toujours quasi-impossible

Dans son œuvre de modernisation, la CTS avait annoncé une grande nouveauté via son application : le paiement et la validation des titres de transport sur son téléphone portable, grâce à un QR code et la fonction « Mes titres ». Une prouesse technologique déjà possible avec les billets de train de la SNCF ou avec de nombreuses compagnies aériennes, mais qui a du mal à se généraliser pour les usagers de la société strasbourgeoise.

Dans les faits, rares sont ceux à pouvoir dire adieu aux billets sans contact ou à la carte Badgeo grâce à leur smartphone. Les détenteurs d’iPhones ou les clients d’un autre opérateur qu’Orange peuvent déjà passer leur chemin. Pour ceux qui répondent à ces deux critères, la CTS renvoie à sa vaste Foire aux questions (FAQ) où figure… en outre une liste d’une vingtaine de portables incompatibles. Mieux vaut donc faire ses tests à l’avance, au risque de voir passer le bus ou le tram sous nez.

À défaut d’une technologie fonctionnelle, la CTS fait en revanche valoir la fonction « départ immédiat » qui, théoriquement, permet d’acheter un titre de transport instantané (et donc plus cher qu’un lot de 10 ou 30 billets) via un QR code sur tous les appareils. Lors de notre apéro des possibles du 26 février, nous avons demandé à l’assemblée de tester l’application CTS. Sur une douzaine de smartphones, pas un seul n’avait accès à l’achat de billets, ni à la fonction « départ immédiat ». De quoi presque faire regretter les tickets papiers.


#CTS

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