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Big Est, le collectif qui veut enfin fédérer la culture hip hop locale sous un même blaze

Vous les avez peut-être croisés dans les rues de Strasbourg, lors de leurs « street show », des spectacles de rues mélangeant chant a-capella, beatbox et danse hip hop. Fondé en 2018, le collectif strasbourgeois Big Est veut fédérer tous les acteurs de la culture hip hop strasbourgeois et alsaciens, mais aussi faire vivre la mémoire locale à travers un centre d’archives.

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Le moins que l’on puisse dire, c’est que ceux-là ont la bonne humeur communicative. Dans le local de l’association des Sons d’la Rue, au Neudorf, où il se retrouvent un vendredi de fin mars, les membres du collectif de hip hop strasbourgeois Big Est se chambrent et enchaînent les vannes.

Très vite, la table basse autour de laquelle ils sont regroupés disparaît sous les paquets de chips, petits gâteaux, thés, cafés et autres sodas rapportés. « J’étais certaine qu’il y aurait trop de trucs à grignoter ! », se marre Cyrielle Millant.

Assise dans un coin de canapé, ordinateur sur les genoux, cette professeure de danse hip hop et secrétaire de Big Est donne l’ordre du jour de la réunion : structurer le collectif en une association. Car depuis qu’il s’est constitué en mai 2018, Big Est s’est concentré sur son principal objectif : fédérer la scène hip hop alsacienne sous une bannière.

Et c’est un peu piqués au vif que Cyrielle et trois autres danseurs, Nouna, Karim et Alex, ont eu l’idée de se regrouper. Petit retour en arrière : le 28 avril 2018, l’événement « Le hip hop ouvre ses portes », est organisé au centre chorégraphique de Strasbourg par une association parisienne. Expositions, spectacles, jams (entraînements collectifs) et ateliers d’écritures sont, entre autres, organisés.

Le public et les artistes issus de la scène hip hop locale sont conviés mais très vite, le malaise est palpable. Cyrielle se souvient :

« Danseurs, rappeurs, graffeurs : à cet événement, chacun est venu de son côté. Les organisateurs nous ont fait comprendre que eux, n’étant pas Strasbourgeois, ont réussi à rassembler les acteurs de la scène locale. Sous-entendu : “pourquoi vous n’avez jamais rien fait ?” Et la discussion n’a tourné qu’autour de ce qui ne va pas. Du coup, on est sortis de là, et avec quelques autres danseurs on s’est dit qu’on ne pouvait pas laisser les choses comme ça et qu’il fallait qu’on soit forts et représenter la culture hip hop à Strasbourg. »

Un pour tous, tous pour le collectif

Et pour être plus fort, quoi de mieux qu’une initiative commune ? Né dans les ghettos du Bronx aux États-Unis au début des années 70, le mouvement hip hop débarque en France dix ans plus tard. Dès le départ, les notions de « crew » (« équipe » ou « groupe », en anglais, ndlr) et de collectif sont surtout l’ADN de la danse hip hop, discipline qui s’est déclinée en de nombreuses compagnies dans l’Hexagone.

Si Big Est compte une majorité de danseurs dans ses rangs, plus habitués à travailler en groupe, les autres disciplines – rap/chant, beatbox, deejaying et graffiti – sont aussi représentées parmi les 18 personnes du bureau de l’organisation.

Intermittents du spectacle, professionnels ou semi-pro, le collectif concentre plusieurs générations d’acteurs du hip hop : « Ne parlons pas d’âge ! », sourit Cyrielle. « Il y a des petits bébés », précise-t-elle en désignant un membre du collectif visiblement adolescent, « jusqu’à Mouss ! », le taulier des Sons d’la Rue et jeune quadra. Fou rire général.

Sujet de la réunion du soir : structurer le collectif en une association. (Photo : Big Est / Instagram)

Dans le hip hop, on représente un quartier, un territoire. Le collectif a choisi le blaze de « Big Est », « Grand Est », en anglais. L’idée : devenir une référence « à la droite de Paris » sur une carte. Et pourquoi ne pas se calquer sur le modèle administratif de la région Grand Est et regrouper aussi la Lorraine et la Champagne-Ardennes ?

« Même l’Allemagne ! Une nana est déjà venue peindre lors d’une rencontre. L’idée c’est d’ouvrir au plus grand nombre : plus on est fous, plus on rit », complète Meelady. Cette chanteuse strasbourgeoise, ancienne choriste de la rappeuse Diam’s sur deux tournées mais également membre des Pin’up d’Alsace, explique qu’au sein du collectif, chacun s’implique comme il l’entend :

« On a tous un job, on est tous artistes, on a tous des concerts qui terminent tard le soir ou d’autres trucs. L’idée c’est que tu puisses t’impliquer à hauteur de ce que tu veux, de ce que tu peux donner. »

Les Rencontres : créer des open space entre acteurs de la culture hip hop

En septembre 2018 puis en janvier, le collectif a organisé deux « Rencontres », au Centre chorégraphique de Strasbourg et au centre socio-culturel du Fossé-des-Treize, exclusivement réservées aux artistes de la culture hip hop. Une manière pour Big Est de renouer avec les racines du mouvement hip hop en mixant toutes les disciplines en un seul lieu. Meelady détaille :

« Pas de public ni d’enjeux financiers : l’idée c’était vraiment de créer une forme d’open space entre artistes, pour tchatcher entre nous de façon posée. Une centaine de personnes est venue dans ces espaces et la première réunion était aussi l’occasion de mélanger les différentes disciplines du hip hop. On s’est rendus compte qu’il y avait des petits cercles mais qu’on ne se mélangeait pas trop : on reste entre chanteurs, entre rappeurs, entre danseurs, entre graffeurs… »

« Et pourtant on se connaît tous ! », constate Cyrielle. Ces réunions ont servi au collectif à lister les acteurs du monde du hip hop afin d’établir un annuaire qui recense, pour le moment, 355 personnes dans toute l’Alsace.

« Venez les gars ! Y’a des saltimbanques ici ! »

Les Strasbourgeois ont eu l’occasion de croiser Big Est lors des « street shows », des spectacles de rues, qu’ils ont donné en août et en septembre, place Kléber et place du Château, et en décembre, rue des Grandes-Arcades.

Une fois l’autorisation obtenue via l’association musique et art centre de Strasbourg (AMAC) de se produire dans la rue, les danseurs, chanteuses, et beatboxeurs se sont lancés sur le bitume. Meelady raconte un moment marquant à la fin de l’été dernier : 

« C’était un soir où il y avait eu un problème technique lors des illuminations à la cathédrale. Les gens n’ont pas pu voir le spectacle alors on les a alpagués “venez les gars, y’a des saltimbanques ici !” et ça a trop bien marché ! Comme toutes les lumières étaient éteintes, on a demandé à tout le monde d’allumer les téléphones. C’était beau, c’était un super moment. »

Patrimoine et office du tourisme du hip hop

Autre ambition de Big Est, préserver la mémoire du hip hop à Strasbourg et en Alsace. Pour Mouss, investi depuis 1996 aux Sons d’la Rue dans le développement de projets artistiques issus des quartiers populaires, il s’agit d’un « devoir de transmission » dont les acteurs du mouvement hip hop doivent s’emparer avant qu’il ne soit récupéré par les institutions :

« Qui est capable de faire ce genre de travail à part les personnes qui ont vécu cette culture et qui ont traversé les époques jusqu’à maintenant ? »

Deux membres du collectif, Lockino et Hilda, sont chargés de collecter les 30 ans d’archives du hip hop à Strasbourg et en Alsace et de les écouter, les disques durs sont déjà bien remplis et Big Est a d’ailleurs créé une adresse e-mail (archives.bigest@gmail.com) pour réunir et compiler les photos et vidéos prises lors d’événements. Cyrielle estime ce devoir de mémoire nécessaire : 

« Il faut qu’on préserve ce patrimoine, pour que les jeunes générations arrivent à se rendre compte que tout ce qui existe vient de quelque part. Et si on ne préserve pas tout ça, on balance tout ce qu’on a fait. »

Et la suite ? Dans ses rêves les plus fous, Big Est imagine un centre culturel pluridisciplinaire dédié au hip hop à Strasbourg, sur le modèle de La Place, qui a ouvert aux Halles à Paris, en 2015. « On parle d’office de tourisme du hip hop », sourit Cyrielle qui se projette déjà : « Non mais t’imagines ? Ça serait magnifique. Parce-qu’on l’aura, c’est sûr ». Avant ces grands projets, une rencontre sur le Hip hop strasbourgeois vu par les « anciens » se tient à la Course Art Gallery, rue de la course dans le quartier Gare ce jeudi 11 avril à 19h.


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