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Les Bibliothèques idéales prennent le pouvoir dans 12 lieux en ville

Avec une centaine d’événements organisés du 2 au 12 septembre dans une douzaine de lieux, les Bibliothèques Idéales s’imposent comme l’événement culturel de la rentrée à Strasbourg. Au menu, des débats et des rencontres, mais aussi des concerts et d’autres surprises dans l’espace public.

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Pour la première fois, les Bibliothèques idéales s’associent avec pas moins de onze librairies strasbourgeoises pour ce festival dédié à la littérature et aux idées. Ces dernières se sont jointes à la réflexion sur la programmation pour proposer leurs propres événements, soit dans les librairies elles-mêmes soit dans des lieux mieux équipés pour recevoir du public, comme le Lieu d’Europe. Toujours sous la coordination de François Wolfermann et gratuites grâce au financement par la Ville de Strasbourg, les Bibliothèques idéales se déclinent également dans plusieurs médiathèques partenaires.

Parmi les lignes de forces qui ressortent de la programmation intitulée « Les livres ont pris le pouvoir », l’ingrédient habituel des Bibliothèques idéales reste un souci d’éclectisme dans les idées et les positions représentées, ainsi que dans l’envergure des autrices et des auteurs présents. Le festival invite des figures médiatiques de premier plan, telles qu’Alain Finkielkraut et sa mise en garde artistique et civilisationnelle, ou l’eurodéputé Raphaël Glucksmann et son appel à la jeunesse comme moteur de renouveau et d’autres qui ont moins la faveur des projecteurs.

En juin, les Bibliothèques idéales s’étaient établies dans un lieu unique, l’Opéra du Rhin. Photo : de Alban Hefti

Il y a un puissant foyer de révolte dans la littérature. C’est le lieu des possibles, des évidences qui s’incarnent dans le livre. Tout écrit raconte, à un certain degré, quelque chose du monde qui l’a vu naitre. Cela est d’autant plus fort dans les mots d’auteurs comme Jean d’Amérique. Le poète et dramaturge haïtien sera à Strasbourg pour parler de son écriture nue, cruelle et sordide qui dépeint un monde de pauvreté et de misère. Ce que peut la littérature, c’est aussi cette fenêtre vers une réalité éloignée qui devient, dans le livre, implacablement concrète.

Les Bibliothèques idéales se font l’écho de nombreuses voix, et particulièrement de celles qui se battent pour le progrès social. Ainsi, deux conférences se tiennent autour du sujet capital qu’est l’afro-féminisme. Amandine Gay, Elizabeth Colomba, Aurélie Lévy et Jennifer Padjemi tiendront un débat autour de la pluralité des identités, à travers le féminisme intersectionnel. Le dernier jour du festival, Inès Orchani, Sarah Diffalah et Salima Tenfiche parleront des stéréotypes et des fétichisations racistes profondément ancrées dans la culture occidentale et dans l’héritage de l’orientalisme.

En 2020, les Bibliothèques Idéales avaient pu se maintenir de justice à la Cité de la musique et de la danse. Photo : Alban Hefti / doc remis

Les livres au pouvoir et le changement à la manœuvre

Une préoccupation centrale des Bibliothèques idéales est la transmission. Comment faire entendre la littérature autrement que dans la simple lecture, et comment lui trouver de nouvelles résonances ? Cette année, un dispositif de contact avec la rue s’est donc mis en place. Pas de grands événement en plein air, contraintes sanitaires obligent, mais une séries de lectures le 3 et le 11 septembre dans plusieurs stations de tram. Quant à la médiathèque André Malraux, elle accueillera une station d’enregistrement ouverte au public. Il sera possible de venir partager son livre favori, en parlant de sa découverte ou en lisant un extrait. Cette collecte constituera une bibliothèque idéale des Strasbourgeois et des Strasbourgeoises, et sera mise en ligne sur le site du festival.

Le public est toujours au rendez-vous, avec la distanciation sanitaire bien entendu Photo : de Alban Hefti

Si les livres prennent le pouvoir, encore faut-il qu’ils puissent se comprendre en toute clarté. Un temps fort de cette édition porte sur la question de la traduction. Débat infatigable autour du récurrent « traduire c’est trahir », le sujet fascine d’autant plus lorsqu’il s’agit de traduire des textes littéraires, avec tout ce que cela implique de risques. André Markowicz, traducteur bien connu du public des théâtres strasbourgeois, sera là pour remettre le couvert sur ce sujet.

Toujours à propos de transmission, il faut voir les livres comme réceptacles de mémoire, même de la plus douloureuse. Fils d’un des plus hauts dignitaires nazis, le journaliste Niklas Frank parle de son parcours, de ses enquêtes et de son effroi, sur les traces de cette époque sombre. La lourdeur de l’héritage paternel entre en écho avec l’héritage global du monde, et ce que les horreurs de cette période ont laissé à notre présent.

De la musique avant toute chose

Une belle façon de rassembler autour des mots est de passer par la musique et la chanson. Les concerts sont des moments forts des Bibliothèques Idéales. Georges Brassens est une nouvelle fois mis à l’honneur, avec le concert d’ouverture, proposé par Joël Favreau, deuxième guitare du chanteur pendant de longues années. Un concert-hommage pour le 100e anniversaire de sa naissance sera présenté le 4 septembre. D’autres grands noms de la chanson française seront au menu, comme Serge Gainsbourg ou Cora Vaucaire mais aussi de nombreux artistes plus contemporains. Une soirée est dédié au courant électronique de la French Touch, entre exposé historique et DJ Set électrisant.

La musique toujours à l’honneur des Bibliothèques Idéales Photo : de Alban Hefti

Les chansons sont des textes écrits pour et par le rythme musical. Mais, si la poésie est elle-même musique, l’intégrer dans une orchestration devrait être possible, et même logique. C’est le pari de Sonnets à Orphée, un projet de Pauline Drand autour des textes de Rainer Maria Rilke, qui allie musique, chant et danse. Cette création inédite incarne parfaitement l’esprit des Bibliothèques idéales, et ce désir d’innovation culturelle. De même, Gérard Daguerre organise un concert autour des poèmes d’Aragon. Les textes du poète ont déjà été interprétés de son vivant par Léo Ferré et sont propices à une mise en chanson. C’est l’occasion de découvrir une facette très vivante de cette œuvre, dans les instruments et voix des artistes.

Le foisonnement est presque vertigineux. Les expositions et projections de films s’ajoutent aux lectures théâtralisées et aux conférences pour former une programmation extraordinairement riche. La réservation est toujours de mise et l’accès conditionné à la présentation du pass sanitaire. Avec cette nouvelle édition, les Bibliothèques Idéales réaffirment la place prépondérante du livre dans le débat public.


#littérature

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