Strasbourg, 17 août 2003, peu après 22h : l’équipe de France de basket, menée par Tony Parker, rend les armes en prolongations face à la Lituanie, sous les yeux d’un Rhénus Sport presque plein et, fait rare, debout lors des dernières actions. Pendant trois jours, le public alsacien a pu admirer les stars françaises et européennes de la balle orange. À l’époque, ces joutes amicales étaient un premier test pour la nouvelle arène sportive. René Kirsch, président de la Ligue d’Alsace de basket se souvient :
« C’était la toute première compétition au Rhénus Sport. La salle venait d’être inaugurée et la fédération française de basketball (FFBB) nous avait sollicités. L’équipe d’organisation faisait ses premiers pas. On s’est beaucoup inspiré de l’Eurotournoi de handball qui existe depuis 1994 et dont l’organisation réunit les clubs de la région comme le sport amateur. Ce n’était pas tellement dans les habitudes de travailler autant ensemble et il a fallu rester soudé pour que ça fonctionne. »
Malgré quelques problèmes de climatisation, le tournoi est une réussite, l’affluence très bonne. En 2006, les Bleus retrouvent la capitale alsacienne avec la Chine, le Sénégal et la Lituanie (encore elle) pour un nouveau tournoi de préparation. Depuis, la venue de la sélection tricolore est devenu une habitude. Presque tous les ans, la France repasse par le Rhénus Sport pour répéter ses gammes estivales.
Les atouts de Strasbourg : sa salle, ses hôtels
Une salle fonctionnelle, une bonne offre hôtelière, des bénévoles motivés… Pour Nadine Paris, en charge de en charge de l’organisation des événements à la FFBB, Strasbourg réunit les éléments pour accueillir l’équipe de France comme il se doit :
« Pour les matches de préparation, la fédération établi un cahier des charges puis délègue l’organisation. Nos exigences, ce sont une salle d’un club de première division (ProA) et des infrastructures minimales d’accueil de la presse comme des partenaires. À Strasbourg, on retrouve ces bonnes conditions de travail à la fois avec la salle du Rhénus et aussi une bonne offre hôtelière. Les joueurs comme le staff ont leurs marques au Château de l’Ill (privatisé pour l’occasion, ndlr). C’est une organisation qui est bien rôdée. Ici, il n’y a jamais de mauvaise surprise. Les secteurs amateurs et professionnels savent travailler ensemble. C’est aussi le cas à Pau. »
Après deux ans loin de la cathédrale, la France est de retour à Strasbourg depuis 2012. L’organisation, elle, s’est structurée en association, l’Intercontinental Basket Strasbourg (IBS), sous l’impulsion de Martial Bellon, président depuis 2010 de la SIG. L’IBS compte quatre membres de la SIG et quatre issus du monde amateur (ligue d’Alsace et comité du Bas-Rhin). La SIG gère ce qui se passe dans le Rhénus, comme la billetterie, et la ligue d’Alsace es dimensions logistiques avec ses bénévoles. Financièrement, il y a les années « avec » et les années « sans » explique René Kirsch, aussi vice-président d’IBS :
« La fédération française nous donne une enveloppe pour l’hébergement des équipes et nous prenons en charge le reste comme la logisitique ou la sécurité. Sans le soutien des collectivités territoriales, on ne pourrait monter un tel événement. Avec la billetterie, on essaie de rentrer dans nos frais. S’il y a un peu de bénéfice, on partage moitié-moitié, mais ça c’est plutôt les années où Tony Parker est présent : 70% du public vient pour le voir. »
Une organisation qui rassemble le monde pro comme amateur
Au delà des logiques économiques, Martial Bellon, précise le but de l’association :
« Le tournoi de Strasbourg a deux ambitions. D’une part c’est une bonne chose pour la ville et la région d’accueillir des événements internationaux. Strasbourg n’est pas en mesure d’accueillir les footballeurs français, mais nous sommes capables d’avoir les basketteurs, champion d’Europe l’année dernière. D’autre part, ce tournoi participe à la promotion du basket dans la région. La formule de l’association permet une parité totale et plus de transparence pour chacun en termes de coûts et de budget. »
Bien qu’officiellement il n’a pas son mot à dire sur le choix des sites, le sélectionneur de l’équipe de France, Vincent Collet, est aussi un lien incontestable entre la ville et l’équipe nationale puisqu’il est également l’entraîneur de la SIG. À coup sûr, le tournoi de Strasbourg est l’occasion de réunir les deux casquettes, puisqu’il retrouve les dirigeants et sa nouvelle équipe le temps de quelques jours.
Si le site reçoit les louanges de la fédération, on peut s’interroger pourtant sur son incapacité à héberger des matches de compétition officielle. En 2008, la France ne participe pas aux Jeux Olympiques et s’occupe avec un tournoi de qualifications pour l’Euro 2009. La préparation passe par Strasbourg, mais les matches à enjeu se déroulent à Nancy, au Mans et à Limoges. La sélection échoue, mais a le droit de participer à un ultime tournoi de repêchage en août 2009. Rebelote. Les Bleus reprennent leurs quartiers alsaciens en juillet, mais les matches qui comptent se déroulent à Pau.
La France candidate à l’Euro 2015 mais sans Strasbourg
L’année prochaine, l’Eurobasket devait se dérouler en Ukraine. Mais en raison de la guerre civile à l’Est, la Fédération internationale de basketball (FIBA) a décidé de relocaliser l’événement. On se dirige vers une formule inédite où la phase de poules se déroulerait à travers plusieurs pays (un groupe par stade) avant un tour final, à partir des huitièmes de finales, sur un site unique. Huit pays dont la France, sont candidats pour accueillir l’une ou l’autre part de la compétition. Les sites retenus sont Montpellier et Nantes pour le premier tour et/ou le nouveau stade couvert de Lille (27 000 places !) pour la fin de compétition. Le verdict sera connu le 8 septembre.
Rageant pour le public alsacien, car lorsque l’Ukraine s’était vu attribuer l’organisation initiale, la France était déjà candidate et Strasbourg faisait partie des villes concernées. À l’époque, on prévoyait de matches au Zénith avec 8 000 à 9 000 spectateurs maximum. Entre temps, le cahier des charges de la FIBA est devenu plus exigeant : 10 000 sièges minimum pour le premier tour et 20 000 pour celui à élimination directe. Mais à Strasbourg, même en aménageant le Zénith, impossible d’atteindre ce seuil fatidique des 10 000 places.
Améliorer le Zénith pour s’approcher d’une « arena » ?
Inauguré il y a à peine plus de 10 ans, le Rhénus sport semble déjà exigu et le Zénith n’est pas son complément pour les événements sportifs d’envergure. Pour Nadine Paris, le cas strasbourgeois est loin d’être isolé :
« On manque de grandes salles en France. Bercy est en travaux pour deux ans et beaucoup de projets adossés à la première candidature française pour l’Euro 2015 ne sont jamais sortis de terre. Le projet d’arena à Dunkerque a aussi été abandonné par la nouvelle municipalité. Même à Montpellier, il faudra réaménager une tribune pour l’Euro si le site est retenu. »
Face à des exigences toujours plus grandes des fédérations internationales, René Hirsch nuance :
« Il faut remettre en perspective ce genre d’investissement. Les seuls moments où l’on pourrait remplir une salle de 10 000 places, c’est quand la SIG arrive en demi-finale du championnat de France ou plus loin. Tout le reste de l’année, le Rhénus convient parfaitement. Pour les fans que nous sommes, c’est frustrant, mais tout cela a un coût. On est déjà content d’avoir une des plus belles salles de ProA. »
En effet, aucun candidat à la mairie strasbourgeoise ne proposait une nouvelle salle multifonction en mars. Avec ses sièges rétractables, le Rhénus Sport a déjà montré une belle polyvalence. L’enceinte a accueilli du tennis, de l’haltérophilie, de la gymnastique, du handball, de l’escrime, mais aussi des meetings politiques d’envergure (Barack Obama, Nicolas Sarkozy, François Hollande). Alors Martial Bellon a sa petite idée :
« Pour accueillir des matches internationaux de compétition, il faut une plus grande salle. En construire une nouvelle coûte des millions. Cela ne semble pas d’actualité. Si la SIG veut prétendre à une licence A en Euroligue (une qualification de 5 ans sur des critères sportifs, mais aussi économiques, ndlr) les 10 000 places sont l’une des conditions. Ce que je propose, c’est une optimisation du Zénith. Pour le moment des études sont en cours, mais il semblerait que ce soit possible. Les résultats seront connus à l’automne. Quand nous avons joué à Berlin avec la SIG en janvier, les dirigeants m’ont montré leur salle, l’O2 World, qui accueille 90 manifestations sportives et culturelles par an. L’équipe de hockey y côtoie celle de basket, ainsi que des concerts. L’objectif serait de se rapprocher d’un tel complexe. L’exploitation du Zénith serait plus rentable. En Allemagne, ils y arrivent alors pourquoi pas nous ? »
Pour beaucoup d’observateurs, le Racing a raté le coche lorsque la Ville n’a pas voulu financer les rénovations du stade de la Meinau pour accueillir la Coupe du Monde de football de 1998. Pour le basket strasbourgeois, pas question que l’histoire se répète.
Y aller
Tournoi International de Strasbourg : vendredi 22 août (Australie/Finlande 20h30), samedi 23 août (France/Finlande 19h50) et dimanche 24 août (France/Australie 19h) au Hall Rhénus Sport, Boulevard de Dresde à Strasbourg. Billetterie sur sigbasket.fr.
Aller plus loin
Sur L’Équipe.fr : L’impossible ARENA française, une série de 10 articles (accès payant)
Sur 20Minutes.fr : La fin de la vague bleue à Strasbourg
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