Depuis septembre, la Collectivité d’Alsace (CeA) bruisse de causeries sur son « baromètre social », une grande enquête sur le climat interne à la collectivité départementale, menée par le cabinet KPMG. Les syndicats et les conseillers d’Alsace de l’opposition de gauche demandaient depuis début 2023 un audit externe suite à des dénonciations anonymes envoyées à plusieurs médias. Ces messages visaient Myriam Stenger, la directrice de cabinet du président de la CeA Frédéric Bierry (LR), pour des faits assimilables à du harcèlement moral à l’encontre de ses collaborateurs de cabinet.
En mars 2023, Frédéric Bierry a refusé cet audit externe ciblé sur les collaborateurs du cabinet, préférant un baromètre social, une procédure recueillant les retours de l’ensemble des 6 000 agents de la CeA. Une décision contestée par quatre syndicats représentatifs sur cinq, qui ont estimé qu’il fallait se concentrer sur les cadres. Finalement, 4 003 fonctionnaires ont participé à cette enquête interne.
Les conclusions de ce « baromètre social » devraient être présentées au début de l’année 2024 mais certains éléments ont déjà fuité. Ils témoignent d’un mal-être important parmi les cadres dirigeants au sein de la collectivité alsacienne.
Mal-être marqué chez les encadrants
Les DNA reprennent ainsi les commentaires de KMPG, qui souligne que les agents ressentent « une insécurité face aux changements [induits par la fusion des collectivités du Bas-Rhin et du Haut-Rhin au sein de la CeA, NDLR] à toutes les strates hiérarchiques ». Parmi eux, les « encadrants stratégiques » (directeur, adjoint…) sont les plus touchés. Selon le baromètre, 68% d’entre eux ne se verraient pas rester à la Collectivité d’Alsace plus de trois ans.
Selon les informations obtenues par Rue89 Strasbourg issues du rapport de KPMG, 59% de ces cadres stratégiques sont « en train de vivre ou s’attendent à vivre » une détérioration de leurs conditions de travail, une proportion supérieure à toutes les autres catégories interrogées.
Parmi les 4 003 agents ayant répondu, 2 496 livrent leurs commentaires : 14% de ces retours évoquent le besoin d’un « cap et d’orientations claires », davantage de « visibilité » sur les « projets de la collectivité » et une meilleure délimitation entre la sphère de « l’administration » et celle du « cabinet » du président du Département. L’ingérence de la directrice de cabinet du président, Myriam Stenger, est donc bien toujours parmi les préoccupations majeures des agents.
« Pour moi, cette collectivité est malade à cause de sa tête »
« Il faut qu’ils aient le cœur sacrément bien accroché, pour qu’ils continuent d’exercer leurs missions au quotidien », commente un ancien directeur général des services (DGS), ayant travaillé avec Frédéric Bierry, à Rue89 Strasbourg. En apprenant les premiers résultats du baromètre social, il blâme le besoin de contrôle du président de la CeA :
« Je ne suis pas du tout surpris. Frédéric Bierry se comporte comme un populiste, au sens premier du terme : pour lui les cadres dirigeants ne servent à rien. Il n’y aucune forme de reconnaissance de leur travail, ce sont des parasites qui embêtent les agents et, dans une moindre mesure, les politiques. Or, ce sont eux la base de l’organisation, il ne réalise pas à quel point la collectivité fonctionne grâce à leur engagement et à leur dévouement. »
À propos du reproche formulé par plusieurs cadres sur les interférences régulières du politique dans la sphère administrative, l’ancien DGS abonde :
« Ces interférences ne devraient exister qu’à la marge, sur les grandes orientations. Mais quand des agents prennent des décisions mineures sans tenir le président Bierry au courant, ce qui est inévitable dans une collectivité de cette taille, ce dernier se vexe. Il voudrait que tout lui remonte, que la moindre décision passe par lui, qu’il tranche à chaque fois. C’est ça qui est épuisant. Dans un Département, ça ne fonctionne jamais comme ça. Vraiment, en matière de gestion de personnel, cette collectivité est rendue malade à cause de sa tête. »
Quelle réaction de Frédéric Bierry ?
Contacté, l’un des représentant syndicaux du personnel de la CeA, suivant l’avancement du baromètre social, refuse de donner davantage d’éléments mais partage le diagnostic :
« Même si nous aurions préféré un audit interne, le baromètre a le mérite de révéler que les cadres dirigeants ne se sentent pas bien du tout au sein de la collectivité. Maintenant, la question qui se pose c’est la réaction de Frédéric Bierry. Au regard des conclusions qui ciblent directement sa gouvernance, on espère une prise en compte débouchant sur des mesures concrètes. »
Interrogé sur les retours des agents sur le fonctionnement de la Collectivité d’Alsace, le cabinet de Frédéric Bierry a répondu par écrit : « Les conclusions seront remises prochainement et permettront de définir un plan d’actions dans une volonté continue de l’amélioration du bien-être des collaborateurs. »
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