Bamoussa Toure a 25 ans, il est Guinéen. À Strasbourg depuis 8 mois, il se rendra au rassemblement samedi 30 mai, place de la Gare. La manifestation est organisée à l’appel des collectifs et associations D’ailleurs nous sommes d’ici 67, le Wagon Souk, Mama Road la maraude du Wagon Souk, La roue tourne Strasbourg, et le SOS Infos migrants 67, dont Bamoussa Traoré fait partie.
Rue89 Strasbourg : Le rassemblement revendique la régularisation définitive des Sans-papiers. Quelle est votre situation personnelle ?
Bamoussa Toure : La préfecture a accepté d’étudier ma demande d’asile il y a à peine deux semaines, j’y suis convoqué prochainement. Pendant trois mois, j’étais en “procédure Dublin”. Cela veut dire qu’autrefois j’étais au Portugal et la France voulait m’y renvoyer. J’ai contesté cette décision. Je ne voulais pas être au Portugal. Je parle Français, mais j’ai seulement quelques notions de Portugais.
D’ailleurs la Portugal a décidé de régulariser les Sans-papiers pendant la crise pour éviter que la pandémie se propage. L’Italie a commencé aussi. Pourquoi pas la France, alors qu’elle connait la souffrance dans laquelle nous vivons ?
Régularisation, accès aux logements, fermeture des Centres de rétention administrative… Quels messages souhaitez-vous faire passer ce samedi au rassemblement ?
On veut que la préfecture et le gouvernement régularisent notre situation sur le territoire français, massivement. Nous, on veut travailler et vivre une vie normale, comme les autres personnes régularisées.
Vivre sans papier impacte nos vies : on a difficilement accès aux soins et aux logements. Beaucoup de Sans-papiers sont dans la rue. C’est grâce à la pandémie que nous logeons dans des hôtels. Mais il reste du monde dans les squats qui vivent dans des conditions déplorables, sans chauffage ni eau, ni électricité. Sans papiers, on ne peut pas ouvrir de compte bancaire, et on ne peut pas travailler légalement. On milite pour avoir les mêmes droits que tout le monde, nous sommes des êtres humains.
Quand je suis arrivé, je logeais dans une tente derrière la gare. Il y a un an, un jeune Afghan s’est suicidé là-bas. On lui rend hommage aussi par ce rassemblement.
Puis on subit le racisme. J’ai déjà entendu des « rentre chez toi, tu n’es pas chez toi ici ». Dans le tram personne ne s’assoit à côté de toi quand tu es Noir, alors qu’il y a trois places libres à côté et devant moi. À Ostwald, une dame a changé de trottoir en me voyant. Elle est revenue sur le même trottoir après m’avoir dépassé. Cette situation m’est arrivée plusieurs fois. C’est choquant.
Comment êtes vous arrivé à Strasbourg et qu’y faites-vous ?
Quand j’ai mis les pieds sur le territoire français, j’ai dormi dehors à Bercy, à Paris. J’ai rencontré des personnes Sans-papiers, et on fondait une famille, on était solidaire. Puis, je suis allée à la gare de l’Est. Le premier train que j’ai vu sur se rendait à Strasbourg, j’y suis monté. Arrivé à la gare, comme dans toutes les villes, j’ai trouvé des Sans-papiers. Ils m’ont demandé ma nationalité et m’ont indiqué un groupe de Guinéens pas loin. Ils m’ont aidé, on a appelé le « 115 », le numéro d’hébergement d’urgence. Des fois on te donne deux jours, des fois une semaine… après tu retournes dans ta tente, si la police ne l’a pas détruite. Mais les associations sont là pour nous en procurer d’autres.
Désormais, je suis une formation de paysagiste au lycée à Illkirch-Graffenstaden. Je devais commencer un stage le 11 mai, la pandémie a tout bloqué. Je reprends les cours le 8 juin. Pendant la semaine, j’étais logé à l’internat, le week-end je rentrais au squat Bugatti, où je vivais quand le confinement a débuté. Puis j’ai été dépisté par Médecins du monde. Je n’avais pas de symptômes apparents, pourtant j’étais positif au Covid-19. Alors pendant 14 jours j’ai été soigné à l’Épide dont les locaux sont mobilisés pendant la pandémie pour isoler les personnes malades. Je loge maintenant à l’hôtel les Colonnes à Schiltigheim. En fait, je suis mieux traité pendant tout le temps que j’ai passé en France, c’est la bonne nouvelle de cette pandémie. J’en suis reconnaissant.
Où logerez-vous ensuite ?
Il y a un procès en juin contre le squat au Bugatti, les gens sont menacés d’expulsion car c’est un bâtiment privé de locaux qui appartiennent à la société Lidl. Alors on se demande si on va être à la rue ou pas. On ne nous dit rien et je n’ai pas accès à une assistante sociale. On reçoit des colis alimentaires, mais ce n’est pas notre but. On ne veut pas tant recevoir des dons, mais travailler.
Alors demain, on veut que le gouvernement nous entende.
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