Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

À Eckbolsheim, nouvel avis défavorable à la géothermie

Le projet de géothermie à Eckbolsheim a reçu un avis défavorable à l’issue de l’enquête publique. Cela fait déjà trois projets sur cinq qui ont reçu un avis négatif dans l’Eurométropole, le dernier rapport étant pour l’hiver. Des manquements de la société Fonroche et les tergiversations de l’Eurométropole y sont pointés du doigt.

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En Alsace du nord, le site de Soultz-sous-Forêt est un pilote mondial en matière de géothermie profonde (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

Après les avis défavorables sur les sites du Port aux Pétroles près de la Robertsau et de Mittelhausbergen, ainsi que celui favorable mais avec 8 réserves à llkirch-Graffenstaden, un nouvel avis négatif fait suite à une enquête publique concernant la géothermie. Il concerne la commune d’Eckbolsheim, à l’ouest de Strasbourg. Comme dans les trois cas précédents, il s’agissait d’une demande d’autorisation d’ouverture de travaux (DAOT) miniers, souvent vue comme l’étape décisive pour la réalisation ou non d’un tel projet.

La géothermie profonde est une technique qui permet de récupérer la chaleur des sous-sols et d’en tirer de l’électricité. Après environ trois ans de travaux (il faut creuser jusqu’à 5 000 mètres), un gisement peut s’exploiter trente ans. La géothermie se pratique déjà à Soultz-sous-Forêt, en Aquitaine ou en région parisienne. Les avis défavorables à une enquête publique sont rares. Le préfet du Bas-Rhin peut ensuite suivre ou non l’avis des commissaires enquêteurs. Comme à la Robertsau, c’est la société Fonroche qui avait sollicité ce permis. À Illkirch-Graffenstaden et Mittelhausbergen (géothermie à basse température contrairement aux autres sites), il s’agissait d’ÉS Gaz de Strasbourg (ESG).

Les tergiversations de l’Eurométropole coûtent chères

Lors de l’enquête à Eckbolsheim qui s’est déroulée au printemps 2015, 26 observations ont été compilées, tandis que 22 lettres et 38 emails ont été envoyés, en plus des permanences. Pour motiver sa décision, la commissaire-enquêtrice Catherine Stroebelé retient une mauvaise organisation du projet, au niveau politique comme technologique.

Concernant l’agglomération, l’alliance gauche-droite du conseil de l’Eurométropole n’a jamais pris clairement position sur la géothermie, tandis qu’à la Ville de Strasbourg, le PS et leurs alliés écologistes – et même écologistes entre eux – semblaient divisés entre volontarisme et principe de précaution. Changer d’avis avant et après les élections départementales en mars, pour finalement s’opposer – mais hors délai ! – au conseil municipal lors de l’enquête sur le site de la Robertsau n’a pas aidé à obtenir une position claire et tous ces éléments ont pesé :

« Les différents avis qui ont été formulés ne permettent pas de dégager une opinion bien établie de la politique de l’Eurométropole sur la question de la ressource géothermique et sur celle du projet présenté par Fonroche Géothermie à Eckbolsheim. La presse a été conséquente pendant le temps des enquêtes, mais ne constitue pas un relais officiel dont j’aurais pu tenir compte. »

Elle ajoute que la commune d’Eckbolsheim, qui a voté à l’unanimité une motion défavorable aux travaux, « a découvert le projet dans la presse ». Le coût ou les économies de cette nouvelle énergie n’ont pas été communiqués à l’enquêtrice par les élus locaux.

Des doutes non-levés, des documents divergents

Sur le fond, elle estime que tous les risques technologiques ne sont pas levés et ce malgré les avis favorables, mais avec des réserves, de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) – qui a réalisé une expertise indépendante – et de l’Autorité environnementale. Problème qui semble avoir fait pencher la balance, la société Fonroche n’a pas soumis ses travaux relatifs à une « étude de cohabitation » avec le projet de géothermie basse température d’ESG à Mittelhausebergen, à quelques kilomètres de là, lorsque l’INERIS a fait sa propre enquête :

« Les conclusions de l’INERIS n’ont vraisemblablement pas été renseignées sur l’existence de l’étude de cohabitation des deux projets Fonroche Géothermie et ESG, sinon nous en trouverions la trace. Ne pas l’y voir figurer est problématique à mon sens. »

Or, en plus de manquements dans la « schématisation de la situation et de l’orientation des failles » relevés par l’INERIS, Fonroche se garde une marge de manœuvre sur son périmètre d’action entre la théorie et la pratique :

« Fonroche a demandé à bénéficier d’un périmètre de protection de 2 000m autour du projet [mais] “se garde le droit de demander une modification du périmètre de protection après les tests du premier doublet (un puits à deux tuyaux ndlr)”. Dans quelle mesure l’organisation du territoire avec la présence d’un autre projet permettra-t-elle au périmètre de protection d’évoluer selon les conclusions de ces tests ? »

« Les trajectoires des puits sont dissemblables l’une par rapport à l’autre dans deux documents »

À cela s’ajoute que dans deux documents, les plans de Fonroche changent :

« Je constate que les trajectoires des puits du projet de Fonroche Géothermie sont dissemblables l’une par rapport à l’autre dans les deux documents. Dans ces conditions, quelles sont les trajectoires à retenir ? Quelles sont les trajectoires les plus actuelles, celles du dossier d’enquête ou celles de l’étude de cohabitation ? Le périmètre de protection du dossier d’enquête est-il toujours d’actualité si les trajectoires ne sont plus les mêmes ? »

Trop de questions en suspens pour l’enquêtrice, auxquelles s’ajoutent d’autres réserves, quoique nuancées, sur la sismicité ou la pollution de la nappe phréatique. Des craintes qui ont été relayées par les habitants qui font estimer à l’enquêtrice que le projet n’est pas acceptable :

« Actuellement, cette part d’inconnu engendre des inquiétudes et motive une opposition dont les contributions du public ont rendu compte. Force est de constater que le critère d’acceptabilité sociale n’est pas rempli en ce qui concerne les élus. »

À plusieurs reprises, Catherine Stroeblé pointe un « déficit » d’information et de pédagogie, ainsi qu’un manque de transparence :

« Entre ce qui relève de la nécessaire discrétion à respecter sur les données sensibles d’un dossier et l’obligation de faciliter son appropriation par le public, il doit y avoir un juste milieu qui doit bénéficier au public qui s’investit dans le déroulement d’une enquête. Des éléments fondamentaux qui figurent dans le mémoire en réponse auraient dû figurer dans le dossier pour permettre à chacun de se fonder une opinion en toute connaissance de cause. »

À Mittelhausbergen, avis défavorable également. L’enquête pour Vendenheim en septembre

L’enquêtrice met en avant qu’avoir deux projets similaires au même moment, mais portés par deux sociétés a ajouté de la confusion et du rejet à Oberhausbergen (qui a également voté une motion d’opposition), où la géothermie a été perçue comme « un projet global », là où deux enquêtes distinctes ont été réalisées :

« La situation de la commune, qui se considère comme « encadrée » par deux projets de même nature portés par deux opérateurs distincts, engendre une réaction hostile d’une partie de sa population (celle qui a contribué à l’enquête publique) ainsi que des élus municipaux. »

Si le préfet suit l’avis des enquêteurs, Oberhausbergen passera de deux chantiers à… zéro, puisque le 1er juillet 2015, l’enquête publique du site de Mittelhausbergen avait également débouché sur un avis défavorable motivé par trois points similaires (voir p.203) :

  • Le manque d’information et de communication concernant la géothermie autour de l’Eurométropole
  • Le projet en lui-même et le principe de précaution
  • La possibilité d’un autre projet dans la zone de Hangenbieten (commune de Mittelhausbergen ndlr) ?

L’enquêtrice Danièle Dietrich relève que c’est seulement grâce à la presse locale que le public a pu se saisir des enjeux de la géothermie.

Il reste un cinquième et dernier site près de Strasbourg dont l’avis de l’enquête publique est attendu, celui sur la commune de Vendenheim, également sollicité par Fonroche. L’enquête publique se déroulera du 11 septembre au 14 octobre, le rapport mettant généralement deux à trois mois pour être publié. Le préfet a un an pour se prononcer, mais sa réponse pour les enquêtes terminées est plutôt attendue pour septembre.


#Eckbolsheim

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