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L’avenir du quartier de la Laiterie se précise

Carte – Avec un déménagement programmé au Port-du-Rhin en 2019 de la célèbre salle de concert, l’ensemble du quartier de la Laiterie va se transformer. Mais bien avant cela, les autres bâtiments du quartier connaissent des remous et convoitises. 

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Déménagement prévu en 2019 pour la salle de concert et restructuration complète du quartier en vue (Photo JFG/Rue89 Strasbourg)

Le futur de la salle de concert de la Laiterie sera au Port-du-Rhin en 2019. L’annonce de mars n’a pas étonné les connaisseurs, même si elle intrigue les usagers de la grande salle et du Club. Mais au delà de la célèbre salle de concert, la Laiterie occupe un ensemble de bâtiments et son installation il y a 20 ans a profondément transformé ce quartier, qui avait mauvaise réputation à l’époque.

Avec la locomotive qui s’en va, une réflexion en profondeur se dessine pour l’ensemble des bâtiments du quartier Laiterie : outre la salle de concert, il y a en face le bar Laiterie, le Hall des Chars, le théâtre Taps Gare et la salle des Colonnes. Le principe est simple : la Ville possède des salles et en confie la gestion contre un loyer symbolique, une manière indirecte de soutenir la culture sans trop s’en mêler. La municipalité souhaite conserver la vocation culturelle du secteur Laiterie, avec une approche « bâtiment par bâtiment », car le calendrier de chaque lieu est différent.

Les différents locaux de la Laiterie

Renaud Fausser, président de l’association des habitants du quartier gare (AHQG), est attentif à ces changements :

« Lors de l’élection de Catherine Trautmann, c’était un quartier emblématique d’une nouvelle politique culturelle. À l’époque, on pensait encore que la culture pouvait régler les problèmes sociaux (Renaud Fausser est par ailleurs attaché parlementaire du député (PS) Philippe Bies, ndlr). Depuis, les approches sécuritaires et répressives ont pris la suite. L’annonce du déménagement de la Laiterie au Port-du-Rhin a été faîte vite, sans que l’on sache ce qu’il y a de prévu ensuite. Je pense que c’est important que les associations du quartier aient accès, au moins en partie, aux futurs locaux disponibles. C’est bien que ces lieux drainent du monde d’autres quartiers, mais les équipements doivent aussi s’adresser aux riverains, que les associations du quartier puissent les partager. Je crains un projet trop institutionnel, très lié à la collectivité, ce qu’était devenu la Laiterie avec les années et ce qui sera le cas à la Coop. »

Si les projets ne sont pas encore arrêtés, le premier adjoint (PS) au maire, en charge de la Culture, Alain Fontanel, explique sa ligne directrice :

« Il y a aujourd’hui un problème d’identité autour de certains lieux. Un site qui n’a pas d’identité ne peut pas trouver son public. Nous voulons redynamiser, revitaliser le quartier de la Laiterie et davantage l’ouvrir aux habitants. »

Vaste programme. Le lieu le plus tendu est le Hall des Chars, dont la Ville a récupéré les clés le 1er janvier, alors que l’association La Friche Laiterie gérait une bonne partie de sa programmation. Le temps pris pour les décisions aiguise les rumeurs et questions mais la mairie promet une réponse avant l’été (voir notre article sur le Hall des Chars). Juste à côté, la Ville a le projet de ré-ouvrir le Bar-Laiterie, à l’abandon depuis 8 ans, et passera par un appel à projet avant (voir notre article détaillé).

De l’argent pour que le Molodoï reste

Dans l’ensemble des changements à venir, le Molodoï, géré par l’association du Centre Autonome Jeune Molodoï, sera la salle la plus stable. Si certains usagers regrettent que le lieu s’éloigne parfois de son côté subversif et anti-capitaliste des débuts, il demeure le lieu le moins institutionnel de l’ensemble de la Laiterie. Ce qui n’a pas empêché l’association de recevoir une dotation de 450 000 euros pour rénover ses équipements, et notamment la toiture. Les travaux sont à répartir sur les étés 2015 et 2016. Laisser la salle à disposition en cas de pluie, lors de la fête du quartier en juin, a été interprété comme un signe d’ouverture positif.

Déménagement en 2019 de la salle de concerts

Si Thierry Danet, directeur d’Artefact PRL, n’a pas donné suite à nos sollicitations, il n’est pas un secret qu’Artefact PRL et Quatre 4.0, les deux associations qui gèrent l’espace de concert, sont partantes pour aller au Port-du-Rhin, sur l’ancien siège de la marque de distribution, avec un projet dont le nom provisoire est « Coop Musique ».

Mais pour l’après Laiterie, le doute plane encore. Le déménagement est prévu en 2019. Même la petite maison où du matériel est entreposé suscite les convoitises, avec l’espoir qu’elle soit débarrassée bien avant 2019. D’ici là, la grande salle connaîtra encore trois ou quatre saisons, s’il n’y a pas de retard au Port-du-Rhin.

Un petit local qui sert de débarras de la Laiterie qui ne manquera pas d’être convoité (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Paul Meyer, adjoint (PS) au maire en charge du quartier gare, indique qu’une concertation sera mise en place :

« Il faut recréer une dynamique humaine dans ce secteur. La Laiterie est un quartier du secteur gare les plus populaires, qui fait partie des quartiers prioritaires de la Ville.  Comme il est peu peuplé, il est passé à côté de plusieurs projets de rénovation comme ceux de l’ANRU. À la rentrée, nous saurons exactement les moyens dont nous disposerons pour les différents projets comme le mur anti-bruit avec l’autoroute, refaire les grands boulevards, éventuellement avec des transports en commun, et plus d’espaces verts. Aux acteurs de voir ce qu’ils veulent faire avec la salle de la Laiterie, mais nous accompagnerons la démarche pour mieux valoriser ce lieu, qui héberge plusieurs pépites. La consultation durera deux à trois ans, pour des décisions sur la fin du mandat. Les habitants intéressés doivent y participer. »

Sur le site de la Coop, une aide à la maîtrise d’ouvrage (AMO), c’est à dire une équipe d’experts indépendants, doit aider à déterminer les aménagements possibles du lieu et acter le déménagement d’Artfefact et de Quatre 4.0. Les conclusions sont attendues pour janvier 2016 comme l’explique Alain Fontanel :

« L’AMO nous dira ce que l’on peut faire à la Coop, notamment pour la salle de concerts. Le but du déménagement est, entre autres, d’augmenter la jauge. Aujourd’hui, des artistes ne passaient pas par la Laiterie par manque de places, ou des concerts pourraient être plus rentables en accueillant plus de spectateurs. Mais je ne pense pas qu’il y ait de l’espace pour deux établissements identiques du type Laiterie-Artefact à Strasbourg. »

Une rue continue de séparer les espaces

Certains observateurs craignent que l’ensemble soit rasé pour y construire des logements mais cette hypothèse semble écartée par l’adjoint de quartier. Yan Gilg, de la compagnie Mémoire Vive et qui a déposé un projet pour la Hall des Chars, a son idée :

« Je verrais bien un lieu pour les petites formations semi-professionnelles, par exemple pour la Fédération Hiero. Ce n’est pas normal que nous n’arrivions pas à avoir davantage de groupes locaux qui explosent. Les talents sont là, mais pas toujours les structures pour les accompagner. »

Le centre socio-culturel du Fossé des XIII lorgne aussi sur le secteur. La CAF lui a indiqué que pour continuer à avoir des fonds, le centre devait être capable d’atteindre plus de personnes. Alors que l’Accorderie, association d’échange de services vient d’ouvrir et de s’installer à côté de la salle de concerts, la venue d’une nouvelle association apporte une intrigue supplémentaire. En attendant, l’activité de la salle de concerts reste séparée de celle des salles d’en face. Seules les éditions mythiques de l’Ososphère étaient parvenues à faire vibrer tous ces lieux aux mêmes rythmes, le temps d’un week-end.

La Semencerie, un cas à part toujours fragile

Plus au nord, la Semencerie est un peu à part. Ce grand hall n’appartient pas à la mairie, mais à l’entreprise Nungesser Semencerie, qui a déménagé ses entrepôts à Erstein en 2008. Chaque année un risque de revente, et donc de déménagement, pèse sur le lieu, mais rien ne s’est encore concrétisé. Les 26 artistes résidents payent entre 20 et 30€ de loyer par mois. Cela permet à l’entreprise de ne pas avoir son lieu abandonné, mais s’il est vendu, son avenir dépendra de la volonté du nouveau propriétaire.

Un quartier où les artistes aiment créer, comme ici à la Semencerie (Photo R. Fausser)

Dans ce cas, la Ville aurait cependant le droit de préempter le hangar, c’est à dire de passer avant l’acheteur, mais cela n’est pas un projet immédiat pour Alain Fontanel :

« Dans l’idéal nous serions intéressés et le lieu pourrait s’insérer dans cet ensemble. Mais les budgets sont serrés et nous devons faire des choix. On nous demande aussi de préempter pour le foyer Saint-Louis à la Robertsau, nous ne pouvons être partout. Il faudra voir au moment où l’occasion se présente si c’est opportun ou non. Mais cela ne fait pas partie de notre projet dans l’immédiat. »

L’adjoint de quartier Paul Meyer, confirme que les artistes veulent surtout continuer à pouvoir évoluer comme ils le font aujourd’hui. Il n’empêche qu’une sorte d’épée de Damoclès pèse sur la plupart des bâtiments dans les années à venir dans ce quartier un peu coincé entre l’autoroute et les grands boulevards.


#Laiterie

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