À l’occasion de la sortie de leur nouveau film Samba, nous avons rencontré Olivier Nakache et Éric Tolédano à Strasbourg. Ils ont accepté de partager leurs impressions sur cette étape de leur carrière.
Eve : Messieurs Olivier Nakache et Éric Tolédano, après le succès phénoménal d’Intouchables, comment vous a-t-il été possible d’envisager la suite de votre « vocation de réalisateurs fétiches » du cinéma français ?
Olivier Nakache et Éric Toledano : « Avec le film Intouchables, nous avons vécu un raz de marrée, un véritable tsunami qui a déferlé sans s’arrêter, qui nous a d’autant submergés que nous nous y attendions pas du tout. Après une telle expérience, il est évident que plus rien ne sera comme avant…
Ce que nous avons vécu et ressenti est indescriptible. Nous avons reçu des montagnes de lettres et de témoignages, les commentaires et les critiques n’arrêtaient plus. Que ce soit pour encenser ce film ou le descendre, il n’est pas une personne qui soit restée sans donner son avis. Il a concerné tout le monde au sens où nul n’y est resté indifférent. »
E : Plus qu’un succès, un véritable phénomène de société… Comment est-il possible de penser, écrire et réaliser un autre film après une expérience pareille ?
ON & ÉT : « D’un certain point de vue, nous savons pertinemment que nous sommes attendus au tournant, et que cette attente peut nous pénaliser : la pression est énorme ! Mais de toutes façons, il y a toujours une pression immense quand on fait un film… D’un autre coté, Intouchables nous a libérés de plein de choses : après avoir vécu un tel moment de grâce, un tel tourbillon de folie, plus rien ne peut nous arriver. Ce succès, nous l’avons vécu, il nous appartient, tout ce qui adviendra par la suite, avec Samba ou avec d’autres films que nous ferons encore, ne peut entacher cette réussite.
La bande annonce
E : Parlons justement de Samba, vous mettez Omar Sy dans la peau d’un sans-papier avec un accent qui lui colle à la peau comme s’il venait de débarquer d’Afrique (alors qu’il est né en France)… Et cette fois, il n’a pas pour vocation de faire le clown, car sa situation est plutôt tragique.
ON & ÉT : « Il ne s’agissait pas de reprendre la formule d’Intouchables et de faire un remake avec des personnages différents. Samba n’est pas forcément un film comique, même si on y rit beaucoup. C’est un regard, un témoignage, une voix différente de tout ce qui se fait entendre en ce moment qu’il nous tenait à cœur de faire résonner, sur un sujet qui nous touche beaucoup.
Nous n’avons pas pour but de dénoncer, ni de revendiquer quoi que ce soit, mais de donner un point de vue, de montrer des images qui sont les nôtres, de faire entendre un autre son que celui d’un reportage télé sur le problème de l’immigration clandestine et des sans-papiers en France.
La première scène du film en dit long sur la façon dont nous avons voulu aborder cette problématique : un mariage bat son plein, les pâtissiers livrent la pièce montée en se frayant un chemin parmi les convives en pleine fête. La porte des cuisines se referme, on entend des bribes de musique en sourdine, pour Samba et ses acolytes, la fête est de ce coté : à la plonge, penchés que les assiettes qu’il faut se dépêcher de servir ou de vider… Toute machine nécessite des gens à l’arrière -en retrait du visible- employés à la faire fonctionner ; sans eux, rien ne serait possible. C’est sur ceux qui travaillent dans l’ombre, que nous avons voulu braquer nos projecteurs. »
E : Ces changements de nom à répétition, ces nationalités qui se déplacent, ces papiers qui se transforment au gré des besoins, cela semble être un thème récurrent de la problématique des personnes sans-papiers. On entend d’ailleurs dans le film une phrase très touchante : « Un sans-papier c’est quand même quelqu’un qui a beaucoup de papiers… »
ON & ÉT : « C’est effectivement la manière dont nous avons voulu dire le drame du sans-papier qui, à force de se cacher, de changer de nom, de chercher une identité susceptible d’être acceptée, d’attendre de l’administration qu’elle confirme son existence (légale) sur le territoire, ne sait plus qui il est. Si Intouchables était un film sur la réconciliation, Samba est davantage une mise en scène de la fracture sociale. »
E : Avec un prénom pareil, on attendait de Omar Sy qu’il sublime la samba de tout son art de danseur à l’instar de cette scène très disco d’Intouchables sur le rythme endiablé de Boogie wonderland, mais non… Et puis, Tahar Rahim qui semblait abonné aux rôles graves, sérieux, voire tragiques, apparaît tardivement dans le film mais dans une prestation étonnante qui le mène très loin de ses rôles habituels.
ON & ET: « Encore une fois, le but n’était pas de faire un remake d’Intouchables, mais bien au contraire, de surprendre. Omar Sy n’est pas un acteur de formation mais bien un acteur « par réaction ». Nous l’avons plongé dans cet univers des sans-papiers avec des acteurs spontanés, récemment débarqués d’Afrique pour certains d’entre eux. C’est dans ce cadre complètement nouveau pour lui qui est né en France, qu’il crée un personnage, invente son propre rôle, sans que cette composition ne ressemble à ce qui a tellement plu dans Intouchables.
Quand à Tahar Rahim, c’est quelqu’un de très joyeux dans la vie, fêtard et heureux de vivre… »
Tahar Rahim : « J’étais tout à fait partant pour changer de rôle et tenter la comédie, mais l’occasion que j’attendais ne s’était pas présentée. Avec la projet d’Olivier et Éric, je n’ai pas hésité un instant… »
Samba est programmé à partir du 15 octobre à Strasbourg au Star St-Exupéry et à l’UGC Ciné-Cité.
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