Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Au club de rugby d’Illkirch, comme une famille mais qui vise la cour des grands

Un été au club-house. – Le club de rugby du CRIG au sud de Strasbourg est l’un des plus important du Grand Est, dans les dix premiers français, avec plus de 700 licenciés de 6 à 60 ans. L’équipe masculine prépare son ascension, quand l’équipe féminine s’approche déjà des étoiles. Au club-house, c’est la rentrée, et l’ambiance est à l’effervescence, à l’approche d’une nouvelle saison pleine d’espoirs.

Vidéo

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.


Le 15 août est passé, les grosses chaleurs aussi, on chausse ses crampons : ça sent la reprise après l’été au club-house du Club Rugby d’Illkirch-Graffenstaden, ou CRIG, au sud de Strasbourg. Niché entre des constructions imposantes à venir et la tranquillité verte du canal, à proximité de l’arrêt Lixenbuhl, le CRIG est installé dans des installations flambant neuves, dignes, au dire de tous, « d’un grand club ». Deux terrains principaux, des tribunes, des vestiaires et des bureaux, et l’essentiel pour animer l’esprit du club de rugby : un bar et une cuisine super-équipée.

L’esprit lui-même vient de ses adhérents, qui se retrouvent à grands coups de bises et de claques viriles dans le dos après un été passé chacun de son côté. Les hommes, les femmes, les bénévoles, les salariés, l’équipe dirigeante – tout le monde est de retour et s’engage, avec une joie fébrile, dans une nouvelle saison pleine de promesses.

Le club-house, vide encore, attends le retour des joueuses pour le premier entrainement de la saison (Photo MB / Rue89 Strasbourg)

Coup de pression chez les filles

L’objectif est clair et unanime : il s’agit, pour le CRIG, de profiter de tous les atouts dont il dispose pour « viser toujours plus haut », dixit Frédéric « Fred » Maillot, président du CRIG depuis 3 ans. Après tout, « lorsqu’on va sur le terrain, c’est pour gagner ». On ne minaude donc pas sur les entraînements de reprise : pas de chichis, ce sera très physique pour faire passer les agapes des vacances.

Les « Miss » du CRIG, de retour à l’entrainement (Photo MB / Rue89 Strasbourg)

Pour les deux équipes séniors féminines, Manu, l’entraîneur, et les préparateurs physiques sont sans pitié : course, gainage, course, gainage, course, gainage, pendant pas loin de deux heures. Il faut dire que les « Miss » ont un niveau à maintenir, voire à dépasser : en fédérale 1, elles sont arrivées la saison dernière en demi-finale du championnat de France contre le Stade Français. Les filles du CRIG sont bien décidées à aller encore plus loin et à faire parler d’elles, malgré le peu de présence du rugby féminin dans les médias.

Viser la fédérale pour les gars

Quant aux équipes séniors masculines, qui plafonnent en division d’honneur, elles sont mises entre les mains d’un jeune directeur sportif et entraîneur prometteur de 24 ans, Ugo Taupier, avec un vrai potentiel de montée en fédérale. Lors de leur premier entrainement, tout le monde est là : l’équipe dirigeante, des collègues féminines et d’autres membres du club. Il s’agit de jauger à la fois de la forme des équipes et, sans doute un peu aussi, des manières du petit nouveau… Les filles jubilent un peu en voyant les gars peiner : « c’est pour toutes les fois où ils se moquent de nous ! »

L’équipe senior masculine en match (Document remis)

Le vendredi soir, repas chez Charles et Isabelle

Le vendredi soir, c’est l’entrainement des équipes seniors masculines, mais aussi le repas mitonné par Charles et Isabelle. Les joueurs trempés de sueur quittent le terrain petit à petit pour rejoindre leurs spectateurs (qui ont pris un peu d’avance) pour s’enquiller quelques bières, – ou de l’eau parfois.

L’important, c’est d’être ensemble, de se retrouver en cette fin d’été pour se donner des nouvelles, de la famille, des absents aussi, parfois des blessés… Ceux qui ne sont pas là, puisque les autres, bien évidemment, malades ou blessés, n’auraient raté ça pour rien au monde.

On parle beaucoup de sport aussi, et pas seulement de rugby, d’autant que ce soir c’est le match de handball France-Allemagne. Il est retransmis en grand écran dans le bar, et le point de la victoire française est accueilli avec un rugissement de joie qui fait trembler les murs.

Les seniors masculins à l’entraînement du vendredi soir (Photo MB / Rue89 Strasbourg)

Fêter, surtout si ça a « poudré »

Jérôme Gosset, Responsable presse du CRIG, assure la traduction. Quand on dit que « ça va poudrer », au rugby, ça veut dire :

« Poudrer signifie poser des poires, des marrons, des gnons, des bourre-pifs, bref, se bagarrer. »

Frédéric « Fred » Maillot explique les vibrations du club-house par la nature même du sport :

« On ne vient pas au rugby par hasard, cela correspond à un certain état d’esprit. On se retrouve entre copains, pour boire un coup et échanger après l’effort, après s’être mis un peu en danger car le rugby est un sport de combat. Cela fait partie de ce sport de décompresser, après, avec ses partenaires et ses adversaires, pour franchir ce palier psychologique de l’affrontement physique. Sans oublier bien sûr que le sportif doit primer sur le festif : nous avons des objectifs à remplir ! »

La grande tablée du vendredi soir après l’entraînement… Avec « Chacha », qui s’occupe des équipes seniors masculines. (Photo MB/ Rue89 Strasbourg)

Si l’ambiance est essentiellement jeune et testostéronée, on y trouve aussi des « Miss » du CRIG, ainsi que des enfants de joueurs qui passent la soirée là. « La présence des filles aurait été inimaginable il y a encore 15 ans », confie Matthieu « Tamos » Schreiber, responsable de la politique sportive du CRIG.

Aujourd’hui, malgré les blagues potaches, c’est comme si la mixité coulait de source pour la plupart des présents. L’ambiance est plutôt sage, mais on parle cependant d’une soirée « d’intégration » en septembre qui promets d’être beaucoup plus… On n’en saura pas plus. « Ce qui appartient au rugby reste au rugby », précisera Nicolas « Nico » Morel avec un sourire entendu.

La famille du club-house

Charles, qui s’occupe de la cuisine avec sa femme Isabelle, est bénévole. Il est là presque tous les jours, malgré son travail de boucher de 4h à 13h. Le club, il y est venu d’abord par le biais de son fils, qui y joue depuis 5 ans. Lui était plutôt « footeux », mais il a trouvé au CRIG une ambiance, une sorte de famille.

Il est fier de sa cuisine, où tout est « fait maison », des cordon-bleus aux brochettes. Il aime cette ambiance où « on se montre qu’on s’aime bien en se faisant la bise en arrivant. » Il ne quitte pas des yeux l’entraînement de reprise des équipes seniors masculines. Il trouve, plein d’espoir lui aussi, que « ça joue vite pour un début de saison. »

Charles et Jacky se sont activés au barbecue, sans oublier les légumes préparés par Isabelle, pour commencer la saison en pleine santé (Photo MB / Rue89 Strasbourg)

« Pas de surenchère d’ego »

Marie-Béatrice, l’une des deux salariées du bar, est elle aussi sous le charme de l’esprit du rugby :

Je n’ai jamais joué, mais j’aime bien regarder le rugby car c’est un sport d’équipe. La victoire est collective, il n’y a pas de surenchère d’ego. »

Pour elle, être au club, c’est bien plus que de servir des bières. Il s’agit « d’être présente, de répondre aux demandes des joueurs et des joueuses, d’apprendre à les connaître. »

L’un des crédo de l’équipe dirigeante, c’est que le bar soit ouvert tous les soirs d’entraînement. Le club se doit d’être un lieu, comme le rugby, « où on ne se croise pas : on se rencontre. » Et ça marche, puisque le club a vu arriver ses premiers « bébés CRIG », fruits d’amours rugbystiques entre des joueurs et des joueuses.

Les enfants, filles et garçons, ont beaucoup à apprendre du rugby (document remis)

« Tu seras un homme, mon fils »

Impossible de parler du club-house du CRIG sans parler de l’école de rugby. Labellisée FFR, elle transforme la structure en véritable « fourmilière » les samedis. Dans leurs petits maillots noirs, les filles et les garçons de l’école pullulent sur les terrains. Ils consomment plus de 300 goûters après l’entrainement.

Le CRIG développe aussi des collaborations autour du rugby avec les collèges et lycées environnants. Selon Nicolas « Nico » Morel, vice-président et responsable de l’école de rugby, c’est un outil « d’intégration ». Lui-même joue depuis tout petit,  – il avait un papa rugbyman -, et ses deux enfants, fille et garçon, jouent aussi :

« Le rugby est un sport compliqué, très filial. Il y a beaucoup d’apprentissages liés à la passation entre jeunes et anciens. Plus on commence tôt plus on a de chances d’assimiler le jeu et ses subtilités. C’est particulièrement important en Alsace où on ne baigne pas dans une culture rugbystique. C’est pour ça que nous avons lancé le rugby dès 5 ans. »

Entrainement de l’école de rugby (Document remis)

Une relève à assurer, du côté des garçons mais aussi des filles

Il s’agit aussi de préparer la relève des équipes seniors actuelles, pour l’avenir du club. Celui-ci est passé de 80 licenciés à plus de 700 en quelques années.

Si les équipes sont mixtes jusqu’à 14 ans, les filles sont encore peu nombreuses. Les préjugés restent forts dans la tête de certains parents, selon les membres du CRIG. Eux-mêmes n’arrivent pas toujours à les intégrer lorsqu’ils parlent du fait que l’école de rugby est aussi une façon d’apprendre aux enfants à « devenir des hommes ». Mais ils se rattrapent vite et ajoutent, avec un sourire : « et des femmes, bien sur ! »

La relève du CRIG est en cours de formation (Document remis)

Apprendre le collectif

Lorsque l’on s’engage au club, en tant qu’enfant ou en tant qu’adulte, on y gagne aussi des expériences de vie en dehors du sport. Celles-ci contribuent, aux dires des dirigeants, à renforcer les valeurs du CRIG : courage, respect, intégrité, générosité.

Les moins de 12 ans participent à l’Osterputz [le nettoyage de printemps] d’Illkirch-Graffenstaden en avril, les moins de 18 ans participent à la braderie… Matthieu « Tamos » Schreiber le souligne :

« Il faut mettre en avant l’idée du collectif. Et rendre à la collectivité ce que la collectivité nous offre. Cela participe à la vie du club, et à l’insertion du club dans la collectivité en général. »

Et Frédéric « Fred » Maillot d’ajouter :

« Notre credo, c’est de faire en sorte que les membres soient acteurs du club, pas juste des consommateurs. »

La couleur du CRIG, c’est le noir bien sur (Document remis)

Des moyens qui donnent des ailes

Le nouvel équipement, inauguré par la ville d’Illkirch-Graffenstaden en 2014, a coûté plus de 5 millions d’euros. Il a été obtenu, entre autres, grâce à l’indécrottable volonté de Jacky Brossier, Secrétaire général et ancien président du CRIG. Il a aujourd’hui un « boulevard » à son nom : celui qui mène des vestiaires aux terrains, et aux haies d’honneur.

Le coup de jeune apporté au club est renforcé par l’arrivée d’une nouvelle équipe dirigeante. Une bonne bande de copains qui se sont rencontrés sur le terrain, au CRIG bien sur. Ils ont décidé de « rendre au CRIG ce qui [leur] avait été donné ».

La haie d’honneur du CRIG (Document remis)

On y est, on y reste

Claire est membre de l’équipe senior féminine. Déjà présente à l’entraînement du jeudi, elle revient au club-house le vendredi soir. Pour voir l’entrainement des équipes masculine, pour prendre des nouvelles, pour dire bonjour. Elle consacre sa vie au rugby : presque tous les jours, elle est joueuse ou entraîneuse.

Pourtant, lorsque que cet emploi du temps chargé lui laisse une soirée de libre, ses pas la ramènent vers le club-house. C’est comme ça : « au rugby, quand on s’arrête, il y a toujours les copains qui restent. »


#Illkirch-Graffenstaden

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

Autres mots-clés :

Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile