Les premières heures du conseil vont débattre d’un « pognon de dingue ». D’abord avec le compte administratif, qui permet de comparer les dépenses réellement effectuées en 2017 (469,5 millions d’euros, soit 371,2 de fonctionnement et 98,2 d’investissement), à celles votées.
Dans ce genre de cas, l’opposition est censée dire que l’argent est utilisée à tort et à travers, et la majorité répond qu’il n’est pas possible de mieux faire. Mais ce jeu de de postures pourrait un peu s’écourter par rapport à l’accoutumée, car il sera encore question de centaines de millions d’euros pour les budgets futurs lors de la délibération numéro 12, avec le « pacte financier ».
Après la méthode Hollande, la méthode Macron
Pour faire simple, la méthode Macron succède à la méthode Hollande. Sous François Hollande, les municipalités recevaient un peu moins chaque année (jusqu’à 7 millions et en moyenne 4,6 millions de moins par an à Strasbourg) et pouvaient se débrouiller comme elles voulaient pour équilibrer leurs comptes.
Strasbourg et l’Eurométropole ont à plusieurs reprises augmenté les impôts, avant de lever le pied à partir de 2017. Plusieurs tarifs (stationnement, piscine, patinoires, jardins familiaux) ont aussi augmenté en parallèle. Mais ces hausses d’impôts se sont aussi accompagnées d’un plan de non-remplacement de 10% des postes, qui arrive à mi-parcours. Et ce, en dépit de la hausse de population ou du développement de nouveaux services. Les dépenses de fonctionnement ne comprennent pas que le train de vie de la collectivité mais aussi et surtout, le personnel au contact de la population, par exemple dans les écoles ou les espaces verts. Les investissements ont aussi été revus à la baisse.
Avec le nouveau gouvernement, la somme donnée est la même d’une année sur l’autre… sauf si la Ville augmente ses dépenses de fonctionnement. À Strasbourg, comme pour la majorité des communes, le seuil d’augmentation à ne pas dépasser a été fixé à 1,2%. Or, en raison des revalorisation de salaire et de l’inflation, les dépenses augmentent « naturellement » de 2% chaque année, si aucune économie n’est décidée.
De l’intérêt à signer…
C’est là que le « pacte financier » intervient. Soit, on signe une allégeance et pour chaque euro dépensé au-delà des 1,2%, l’État ne retire « que » 75 centimes de l’argent qu’il verse. Soit on ne signe pas, mais pour chaque euro de trop, l’Etat retire un euro. Pas besoin d’être un génie en maths pour comprendre que – quoi que l’on pense du pacte – il y a intérêt à voter ce contrat « proposé » aux 322 plus grandes collectivités de France.
Une fois le pacte signé, le compte administratif de 2018 est comparé à celui de 2017, et ainsi de suite pendant trois ans. À ce moment-là d’éventuels dépassements sont traqués et donnent lieu à une éventuelle sanction, après quelques discussions avec la préfecture.
L’adjoint au maire en charge des Finances Olivier Bitz (LREM) explique qu’il n’y a « rien d’automatique », mais aussi « rien de garanti » dans cette « marge de négociation ». La délibération, plutôt positive mais finalement amendée sous insistance de certains groupes, demande à ce que certaines dépenses soient retirées du calcul, notamment quand elles sont imposées par l’Etat (sécurité, normes) ou qu’elles sont menées en commun. Mais cela n’a pas valeur contractuelle.
Avec la méthode Hollande, les dépenses de fonctionnement strasbourgeoises ont justement augmenté de… 1,2% sur le début du mandat fait valoir Olivier Bitz (LREM). Mais pour 2018, elles ont été estimées à hauteur de 392,5 millions d’euros dans le budget contre 371 millions dépensées en 2017 (soit +5,6%), même si des rectifications sont possibles. D’autres élus pensaient que les premières années à faire des efforts donneraient un peu plus de marges de manœuvre pour la fin du mandat.
Qui vote quoi ?
Pour les dix élus « En marche » et le maire Roland Ries (PS, mais non-membre du groupe), le vote « pour » ne devrait pas poser de problèmes. C’est pour les trois autres groupes de la majorité et les 4 d’opposition que la chose devrait se compliquer. Rappelons que la majorité est à 33 voix sur 65. Mais avec le jeu des abstentions, la majorité absolue pourrait baisser.
Les socialistes en pivot du vote
Pour le principal groupe, « Energies positives » qui regroupe les membres du Parti socialiste et leurs proches (23 élus), une réunion pour acter la position s’est tenue samedi matin, preuve du caractère tendu du sujet. Quelle que soit la position, elle devrait inclure la « liberté de vote » de certain, c’est-à-dire des abstentions voire des votes « contre ».
Comme un pacte similaire va aussi être voté à l’Eurométropole en fin de semaine, un souci de cohérence va se poser à plusieurs élus membres des deux exécutifs, notamment le président Robert Herrmann, la vice-présidente aux finances Caroline Barrière… Comme les conseils régionaux, les métropoles voient moins leurs recettes et dépenses augmenter de manière mécanique qu’une ville, car elles gèrent moins de personnels sur le terrain que les municipalités. Le ton de la délibération eurométropolitaine est cependant plus critique. Il y a peu de chances que tous les élus socialistes votent « contre » car l’opposition pourrait profiter de l’occasion pour semer la zizanie.
Leur anciens camarades passés chez « En Marche » devraient leur rappeler qu’ils avaient moins tortillé lorsque le gouvernement Valls-Hollande proposait des coupes sèches, ce qui n’est plus d’actualité avec ce contrat. « Le gouvernement précédant voulait une baisse sèche de 11 milliards, celui Macron 13 milliards, par différents moyens (APL, contrats aidés, pacte financier, etc.) c’est le même ordre de grandeur », note un élu. Les échanges s’annoncent vifs, alors que les plaies ne sont pas refermées.
Si des élus fortement intégrés à l’appareil du Parti socialiste (Pernelle Richardot, Philippe Bies, Mathieu Cahn, Jean-Baptiste Mathieu, Camille Gangloff…), se démarquent d’En Marche à chaque occasion, d’autres adjoints restés au PS sont plus difficilement identifiés à un camp. Leur vote pourraient éclairer le positionnement de certains.
Roland Ries insiste sur l’unité de vote
Dans ce genre de débat à prééminence nationale, La Coopérative/Generation.s (8 élus) a pour principe de renvoyer Emmanuel Macron et François Hollande dos-à-dos. Une position commune devait être débattue ce week-end, mais on imagine mal le groupe trop isoler « En marche », avec qui ils entretiennent de bonnes relations au niveau local.
Les 6 élus écologistes (EELV) ont déjà dit tout le mal qu’ils pensaient de ce qui s’apparente à une « mise sous tutelle » et devraient voter contre. Leur principal problème est que la Ville et la métropole arrivent à augmenter leurs dépenses, mais surtout leurs recettes avec des fonds nationaux et européens (comme sur les déchets ou la qualité de l’air). Ces derniers ne pourraient plus être dépensés si les règles de ce pacte sont appliquées de manière stricte.
Avant le conseil, le maire Roland Ries a estimé que ce pacte « est un élément qui pourrait fragiliser la majorité », mais a rappelé et que « tout ce qui tourne autour du budget constitue la base de la majorité ». « Des réserves ont été introduites », ajoute-t-il dans ce qui ressemble à un appel à un vote large et une mise en garde. Mais si des voix dissonantes se font entendre dans trois groupes sur quatre, il sera difficile pour le maire de procéder à un retrait massif de délégations, au risque de perdre sa majorité, qui plus est sur une question nationale et non locale. Le déroulement du débat et du vote qui en suit peut donc marquer un tournant à l’entame des deux dernières années du mandat.
L’opposition quant à elle risque surtout de se délecter du spectacle. On peut imaginer que la droite plutôt macro-compatible (Agir, autour de Fabienne Keller, 6 élus, et les 2 élus UDI) sera plus encline à voter le texte que le nouveau groupe « Les Républicains ».
Rappelons que pendant ce mandat, le « pire » vote pour la majorité fut l’avis pour la vente du foyer Saint Louis, avec 33 voix « pour » sur 65 élus (17 abstentions, 2 contre et 12 « absents »). Un projet retiré par le promoteur à l’été 2017.
Mais aussi : Meinau, Halles, explosion, Port-du-Rhin et siège du Parlement…
Passés ces heures de passes-d’armes budgétaires, d’autres gros points sont à l’ordre du jour. Le vote sur la rénovation et l’agrandissement du stade de la Meinau comme du Rhénus Sport, la vente des parkings publics aux Halles ou le règlement sur la publicité devraient susciter d’autres débats.
Comme si tout ceci ne suffisait pas, le conseil se terminera par deux interpellations et une motion. Les interpellations portent sur les suites de l’explosion du silo à grains au Port autonome, ainsi que sur la mort récente de personnes à la rue à Strasbourg.
La motion vise à réaffirmer le soutien au siège du Parlement européen, après quelques remises en cause à demi-mots par les chanceliers allemand et autrichien Angela Merkel et Sebastian Kurz, une première. Une initiative des élus du Parti socialiste, qui suspecte « En marche » de ne pas affirmer assez clair l’aspect intangible des Traités, pour peut-être les modifier et négocier d’autres avancées en échange. De quoi relancer des débats tendus entre ex-socialistes et socialistes strasbourgeois, à un an des élections européennes. Mais peut-être qu’une commission magique arrivera à arrondir les angles du texte en parallèle de la séance et obtenir une unanimité. La séance pourrait s’étirer au-delà de 22 heures.
À suivre en direct dans la vidéo en tête de cet article à partir de 15h.
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