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Les associations d’Alsace-Moselle discriminées par Facebook

Il est impossible d’accéder à la fonction de dons sur Facebook pour une association établie en Alsace ou en Moselle. Une subtilité liée au droit local qui dépasse le géant américain.

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L’association Assiettes végétales propose et accompagne des solutions d’alimentation végétale dans les cantines des collectivités locales et d’entreprises. Début 2020, la structure fondée deux ans plus tôt cherche à augmenter ses ressources. À Strasbourg, sa chargée de mission « financement », Morgane Paris se tourne vers le bouton de dons du réseau social Facebook. Mais après de longues recherches, les équipes n’arrivent pas à activer ce moyen de paiement.

Simple bug ? La jeune association ne le sait pas encore, mais elle se heurte à un trou noir de Facebook. La compagnie de Mark Zuckerberg ne connait pas le droit local d’Alsace-Moselle.

Des associations inscrites au tribunal

Le siège d’Assiettes végétales est à Metz. La structure intervient partout en France, mais l’un de ses fondateurs habite la capitale de Moselle, où les statuts ont été déposés. L’organisation est donc inscrite au tribunal d’instance (devenu tribunal judiciaire en 2020), comme toutes les associations des trois départements d’Alsace-Moselle.

Les bénévoles étaient loin d’imaginer que la loi de 1908 édictée sous le deuxième Empire allemand (1871-1918) en Alsace et en Moselle allait entraver leurs relations avec un géant numérique du XXIe siècle. « La loi française du 1er juillet 1901 sur les associations n’est pas applicable car elle n’est jamais entrée en vigueur en Alsace Moselle », explique Dominique Dargonne, juriste à l’Institut du droit local (IDL) à Strasbourg.

Près d’un an sans avancée

Une requête est envoyée à Facebook France dès janvier pour résoudre problème. Ce n’est en fait que le début d’un long calvaire technologique qui devrait prendre fin ce mois de décembre. La première réponse met trois semaines à arriver en dépit de relances. « Chaque mail nécessitait une relance, il était rédigé en anglais, uniquement signé d’un prénom différent, sans possibilité d’engager un dialogue », se souvient Morgane Paris, incrédule face à une telle lenteur. Luke, Jerry, Sarah, Linda… Les interlocuteurs se succèdent au début, mais la correspondance patine. Impossible d’établir pourquoi l’association n’a pas accès à la fonctionnalité demandée.

Après deux mois, le 27 mars, « The Facebook Charitable Giving Team » identifie le problème. L’association n’apparaît pas dans sa liste des associations caritatives françaises, sans expliquer pourquoi. L’équipe d’Assiettes végétales, elle, comprend. Elle n’est pas inscrite au registre national des associations publié au Journal officiel, comme l’exige Facebook. Depuis, la société a produit un certificat d’inscription au tribunal d’instance. Mais cela ne suffit pas. Les échanges sont au point mort depuis septembre, Facebook continuant de réclamer le numéro du registre national.

Impossible de voir un tel bouton sur la page Facebook d’une association domiciliée en Alsace-Moselle. (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Pourtant, rien n’indique dans les conditions générales de Facebook que le bouton de don, lancé en 2015 aux États-Unis puis en 2017 en Europe, exclut certaines régions de France comme l’Alsace-Moselle. Cette fonctionnalité a permis de recueillir plus de 2 milliards de dollars entre 2015 et 2019.

« Il n’y a donc aucune raison juridique de refuser l’accès de ce bouton collecte de dons aux associations de droit local qui sont des personnes morales de droit privé au même titre que celles régies par la loi du 1er juillet 1901″, appuie Dominique Dargonne. Les associations de droit local se retrouvent ainsi discriminées.

Le problème n’est pas nouveau. « On demande depuis vingt ans un registre informatisé, mais ça ne bouge pas », se plaint Jean-Marie Woehrling, président de l’institut du droit local auprès de France Bleu Alsace. Il regrette un « désintérêt du ministère de la Justice » pour cette question.

Être domicilié ailleurs

En ce mois de décembre, les dirigeants pensent avoir trouvé un début de solution. Créer une deuxième association similaire, domiciliée à Paris (« Assiettes végétales France »), qui aura pour but de recueillir les dons de la page Facebook. Le bouton de dons n’est pas encore actif, mais devrait l’être sous peu, plus facilement. En attendant, l’association vient de lancer sur son site internet une campagne de dons tout le mois de décembre. Chaque euro est triplé grâce à un mécène.

Contacté, Facebook France n’a pas trouvé de réponse ni d’interlocuteur sur ce sujet.


#droit local alsace-moselle

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