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Féminicide de Sylvia Auchter : aux assises, la chronique d’une mort annoncée

La cour d’assises du Bas-Rhin a examiné jeudi la personnalité de Sylvia Auchter et de son mari, Jacky Walter, accusé de l’avoir tuée à leur domicile conjugal en novembre 2019. Le couple s’était enfermé dans une relation toxique que ni l’un, ni l’autre, n’avaient les moyens de faire cesser.

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Jeudi lors de la première journée du procès de Jacky Walter, accusé d’avoir tué sa compagne Sylvia Auchter, la personnalité de cette dernière a longuement été évoquée devant la cour d’assises du Bas-Rhin. Manipulatrice pour les proches de l’accusé, aveuglément amoureuse selon les proches de la famille, tous s’accordent cependant à évoquer qu’elle était une femme joviale, agréable mais déterminée et avec un « fort caractère. »

Est-ce pour cette raison qu’elle a perdu la vie, un soir de novembre 2019 sous les coups de couteau de son mari Jacky Walter ? Car malgré les mots, les menaces, puis les claques et les coups que lui assène Jacky Walter lorsqu’il boit, elle s’accroche. Alors que les deux précédentes femmes de Jacky Walter s’éloignaient ou esquivaient quand il avait trop bu, Sylvia répondait, elle lui tenait tête. « Elle l’avait dans la peau », a déclaré sa fille Stella.

Quelques heures avant le drame, alors que les signaux d’alerte s’étaient multipliés, la meilleure amie de Sylvia la supplie de rester dormir chez elle. Rien à faire, Sylvia retourne dans sa maison mitoyenne d’Oberhoffen-sur-Moder. Elle y est chez elle, elle y restera jusqu’à ce qu’elle soit vendue, répond-t-elle à son amie.

Des relations conjugales très tendues

Sauf que Jacky Walter est aussi un homme déterminé. Grand, fier, il est celui qui a toujours raison, que ce soit en football ou en remplissage de lave-vaisselle. C’est la troisième fois qu’une femme le quitte. Ça commence à faire beaucoup pour quelqu’un qui, à 59 ans, aime tout contrôler. Depuis que Sylvia lui a annoncé qu’elle divorçait en juillet 2019, il se sent piégé. Le quitter, lui, après tous les efforts qu’il a faits pour elle, et d’abord ce mariage dont il ne voulait pas ? À partir de 2018, les relations du couple, houleuses depuis leur rencontre en 2015, sont devenues extrêmement tendues : menaces et dénigrement mutuels, accusations, jalousie, surveillance… Les amis se sont éloignés, la famille reste à distance et même Stella, la fille de Sylvia dont elle est très proche, ne vient plus au domicile du couple.

Me Maxime Bordron, avocat des parties civiles Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Ce dimanche 10 novembre 2019, Jacky Walter a enquillé des bières devant des matchs de football à la télévision. Sylvia a travaillé toute la matinée, elle est agent de service (ASH) à l’hôpital de Bischwiller, où elle s’occupe de l’entretien des salles et du matériel. Dans l’après-midi, quelques personnes sont venues visiter la maison, en vente sur Le Bon Coin. Lorsque Sylvia rentre de chez son amie, vers 22h, elle constate qu’un couteau manque, elle le retrouve sous un coussin du canapé. Elle prend cette alerte au sérieux : l’avant-veille, Jacky Walter l’avait menacée avec un couteau, les gendarmes s’étaient déplacés, et elle l’avait surpris quelques heures plus tard à se dire à lui-même dans les toilettes « si je ne le fais pas aujourd’hui, je le fais demain. » Inquiète, Sylvia appelle sa fille vers 23 heures qui lui conseille de sortir de la maison. Jacky Walter lui demande de parler moins fort, ce à quoi elle lui répond « va te faire foutre. »

Stella entend sa mère hurler de terreur au téléphone

Alors qu’elle est toujours au téléphone avec sa fille, Jacky Walter se saisit du couteau. Stella entend des coups, puis sa mère hurler de terreur. Avec deux amis, elle se rue au domicile du couple. L’un d’eux verra par la baie vitrée Jacky Walter asséner un coup de couteau circulaire à la gorge de Sylvia, qui s’écroule. Ils tentent de briser la porte-fenêtre, qui ne cède pas. Jacky Walter frappe à nouveau Sylvia alors qu’elle est au sol. Le second ami de Stella parvient à forcer la porte d’entrée. Jacky Walter recule, Sylvia se relève, sort en titubant de la maison puis s’écroule dans les bras de sa fille. Elle décèdera d’une hémorragie, consécutive à trois plaies aux cervicales et au thorax.

À ce moment-là, Jacky Walter se rend à la cuisine puis appelle la gendarmerie : « j’ai buté ma femme, » leur dit-il. Il appelle ensuite ses enfants : « Je l’ai tuée, je vais aller en prison, je vous aime. » Arrivés quelques instants plus tard, les gendarmes devront faire usage d’un pistolet à impulsions électriques pour neutraliser Jacky Walter.

Me Sophie Schweitzer, avocate de Jacky Walter Photo : PF / Rue89 Strasbourg

Appelés à témoigner, les proches de Jacky Walter ont dépeint un homme droit, fort, mais agréable et fiable sauf quand il avait bu. Par moments, il s’enivre et devient mauvais, insultant, méchant voire violent. Jocelyne, sa première femme, attendait qu’il s’endorme quand ça lui prenait. Mireille, sa deuxième femme, s’éloignait dans le jardin dans ces moments où il devenait « un sale con ». Toutes les deux ont fini par le quitter mais pas à cause de son alcoolisme, parce qu’elles ont découvert qu’il leur avait été infidèle.

Les deux enfants de Jacky Walter, issus des deux premiers couples, ont également témoigné d’un père aimant et présent. Ils n’ont jamais eu à se plaindre de violences à leurs domiciles, tout juste quelques engueulades. Sur l’alcool, ils ont bien détecté « un problème », sans pour autant avoir les moyens ou l’envie d’intervenir.

Sylvia, elle, avait une autre stratégie : boire avec lui. « Je veux comprendre son problème », a-t-elle confié à ses proches. C’est désormais l’objectif de la cour d’assises, le procès se poursuit vendredi avec l’audition de l’accusé, les réquisitions et les plaidoiries.


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