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Une assemblée de zombis campe au Musée vodou

Situé à la sortie ouest du centre de Strasbourg, l’imposante bâtisse du Musée vaudou accueille des centaines d’artefacts issus de cette culture rituelle. Fort de nombreux événements, le musée accueille jusqu’au 1er décembre l’installation Château Zombi.

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Entrer au Musée vodou avec une certaine idée de ce que l’on peut y trouver, c’est s’exposer à quelques désillusions. Pas de poupées maudites en pelote d’épingles, pas de bocaux remplis de serpents au formol, ni même la moindre trace d’une planche Ouija.

Le musée, installé dans un ancien château d’eau, abrite d’authentiques pièces tirées de rituels vodous africains, provenant principalement du Bénin et du Togo. Loin des images hollywoodiennes de sorcelleries occultes exotiques, le vodou doit se comprendre comme une religion et une philosophie de vie, avec de multiples ramifications. Une exposition temporaire, Château zombi, complète jusqu’en décembre la collection avec une œuvre d’art contemporaine.

Le zombi, grand incompris des médias de masse

Les zombies sont extrêmement populaires dans la pop culture. Cadavres en putréfaction revenus à la vie, errant à la recherche de cervelles fraîches à dévorer, ils peuplent tant les films que les jeux vidéos. Pourtant, le zombi traditionnel est un être humain, bien vivant. Présent dans le vodou haïtien, il s’agit d’un humain prenant une drogue simulant la mort. Il est ensuite soumis à la volonté du sorcier qui se sert de lui comme d’un pantin.

Le musée vodou accueille jusqu’au 1er décembre 2019 une œuvre d’art contemporaine : une quarantaine de poupées de chiffon symbolisant des zombis (document remis)

Dans la performance chorégraphique Zombification, Kettly Noël et Michel Meyer se sont emparés de cette figure pour servir un discours social. Ce spectacle chorégraphique présenté à Athènes en 2017 n’est pas joué à Strasbourg : c’est son adaptation en exposition que présente le Musée vodou. Le chorégraphe et réalisateur Michel Meyer étant alsacien, il était naturel que son œuvre passe dans la région.

Une quarantaine de poupées humanoïdes à taille réelle, faites de chiffons et de cordes, sont installées sur des chaises. Ces pantins étaient manipulés par les danseurs de Zombification. Une captation vidéo du spectacle est diffusée au-dessus de l’assemblée immobile, permettant de découvrir Zombification en même temps que les poupées.

Le monde se zombifie

L’œuvre porte une idée simple : le monde se zombifie. Bien que le libre-arbitre semble toujours de mise, nous sommes manipulés insidieusement, par la société de consommation, par la mémoire de nos ancêtres, par les violences perpétrées les siècles passés… Ces pantins impotents malmenés, pendus, entassés peuvent rappeler pêle-mêle les champs d’esclaves, les camps de la mort, les lynchages… Les silhouettes alignées en rangs serrés évoquent la cave d’un bateau négrier.

Les poupées zombi rappellent les figures humanoïdes issus des rituels vodou qu’expose le musée. (document remis)

Les cordes qui les enserrent montrent l’aliénation de ces personnages, et leurs visages couverts de fragments de miroirs sont sujets à interprétations. Ils reflètent les visages de visiteurs, pour les mettre à leur place. Ils évoquent la blessure, mais aussi la possibilité de porter différents regards depuis un même point de vue. Placée au dernier étage du musée, comme le point final de la visite, la foule des pantins crée une résonance entre le patrimoine historique et le monde contemporain, refusant la mise à distance d’une culture qui est encore vivace de nos jours.

Découvrir le vodou au-delà des films d’horreur

Le Musée vodou offre une ressource précieuse : un fond de documentation et d’artefacts permettant de se saisir de la réalité du vodou. L’exposition se renouvelle régulièrement. Elle présente 220 objets mais la réserve en comporte plus de 800. Ces artefacts font partie de la collection privée de Michel Arbogast, ancien P-DG des brasseries Fischer et Adelshoffen, qui décida d’ouvrir ce musée privé en 2013.

Dans le panthéon vodou, plus de 400 divinités se partagent les attributions. Les fétiches peuvent les représenter, ou être plus spécifiquement dédiés à une personne ou un souhait. Pour activer les objets, il est nécessaire de leur faire une offrande : des céréales, de l’alcool, des plantes ou du sang. C’est ce qui explique la croûte organique présente sur la plupart des objets rituels. Ce combustible est censé donner son pouvoir à l’objet, lui-même servant d’intermédiaire vers le monde de l’invisible et les vodous.

Le seul fétiche vodou « activé » du musée se situe au rez-de chaussé et protège la collection. La statue, faite de bois et d’os de chevreaux, est régulièrement entretenu par des offrandes de riz, de gin, d’huile de palme et de sang de poulet. (document remis)

Parmi les différentes pièces du musée, beaucoup sont des masques rituels. En fait de masques, il s’agit de costumes complets à destination de diverses cérémonies. Les geledes, costumes figurant des femmes, servent à des spectacles satiriques durant les moissons. Les egunguns, vastes œuvres de tissus, représentent les ancêtres et permettent aux vivants de s’entretenir avec eux, grâce à un traducteur. On y trouve également des oros, ces plastrons protecteurs couverts de statuettes et de coquillages servant à protéger le reste du cortège des forces maléfiques.

Pour se saisir de l’esprit contemporain de la pratique vodou, le musée propose une expérience unique : assister à une cérémonie vodou grâce à un casque de réalité virtuelle. Projet à l’initiative de la startup strasbourgeoise Virtual Journey, ces court-métrages tournés au Bénin permettent de s’immerger dans les rituels. Le musée propose également aux groupes des visites nocturnes, à la lampe de poche.


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