Il est presque 20h, ce même samedi. Si l’endroit reste inchangé, le décor semble avoir été métamorphosé. Les travées du Rhénus sont généreusement garnies. Les cheerleaders ont fait leur apparition et le speaker enjoint le public à faire davantage de bruit, quand les haut-parleurs crachent ce qu’ils peuvent de déflagrations tonifiantes.
Arnaud, de son côté, est toujours sur scène. Troquant le numéro 10 pour le 19, il prend place en bout de banc, au côté de Xavier-Robert François, autre espoir à la SIG. Les 40 minutes qui suivront seront faites d’encouragements et de temps-morts, à l’écoute des consignes du coach. Du basket plein les yeux, mais rien dans les mains…
De l’utilité de l’observation participante
Si leurs qualités de basketteurs ne souffrent guère la comparaison en championnat espoir, le monde professionnel, bien qu’à portée de main, semble encore loin. Au-delà des quelques sponsors venant distinguer les tenues professionnelles de celles de leurs jeunes homologues, la différence est protéiforme : physique, mentale, technique. Tout va plus vite, chaque erreur se paie plus chère.
Alors finalement, à quoi bon s’infliger un quotidien de sportif professionnel quand les chances de percer sont infimes ? Les clubs de basket amateur de haut-niveau pullulent en Alsace, et offrent une expérience directe du niveau senior. Mais s’y engager revient à s’éloigner de la si désirée sphère professionnalisante, comme l’explique Lauriane Dolt, coach des espoirs alsaciens :
« La catégorie espoir garantit une certaine structuration de jeu, et pour certains, permet de s’entraîner avec les professionnels, de profiter des explications stratégiques. C’est un gros plus, tout comme le rythme des séances (deux par jour). Ce n’est faisable qu’en disposant de structures adaptées et de conventions avec les universités. »
« Sortir un pro tous les deux ans »
Le but principal est dorénavant affiché. Le centre de formation devrait, à termes, sortir un pro tous les deux ans. C’était du moins le souhait du président Martial Bellon à l’heure de faire le bilan de la saison 2012/2013 :
« C’était un de mes sujets de discussion à l’arrivée de Vincent Collet : lancer tous les deux ans un nouveau pro issu du centre de formation. Et cette saison, Axel Toupane, au club depuis cinq ans, a éclos. Sur un plan politique, c’est une grande satisfaction. »
L’apport de Vincent Collet abonde dans ce sens, le technicien étant réputé proche de ses jeunes joueurs. Outre son costume de sélectionneur national, sa présence à la SIG a pesé dans la balance à l’heure de remplumer l’équipe à l’intersaison 2013. En témoignent les louanges d’Antoine Diot, Jérémy Leloup et Paul Lacombe, tous trois judicieusement inspirés par Vincent Collet au moment de leur transition espoirs/professionnels, et tous trois débarqués à Strasbourg cet été.
Pour Xavier-Robert François, natif d’Arlon en Belgique et régulièrement sélectionné en équipe nationale, la présence de l’entraîneur international a été un critère déterminant au moment de s’engager :
« Le plus a été la présence de Vincent Collet, le coach de l’équipe de France, qui travaille beaucoup avec les jeunes. Il prend le temps, après l’entraînement de nous expliquer certains détails tactiques. »
Cela ne suffit toutefois pas à installer le club bas-rhinois en haut de l’affiche. Son palmarès en championnat espoir demeure vierge de tout succès national, en dépit d’une poignée de joueurs formés à la SIG, ayant réussi à intégrer l’univers professionnel.
Concilier sport de très haut-niveau et études ? A voir…
Parallèlement à cet ambitieux objectif sportif, le centre de formation se doit de permettre à ses pensionnaires de ne pas interrompre leur cursus scolaire. Ici réside l’intérêt d’une telle structure. Mais à vrai dire, tout dépend du niveau d’investissement sportif et du cursus choisi. Pour Arnaud Imhoff, concilier un emploi du temps pré-professionnel avec la poursuite de ses études s’est avéré compliqué :
« On passe entre cinq et six heures par jour à la salle. Il serait impossible de suivre un parcours universitaire sérieusement, et de s’investir aussi dans le basket. J’ai donc suspendu mes études l’an dernier, au moment d’intégrer le groupe professionnel. »
Si le jeune homme originaire de Dessenheim a validé deux années universitaires en éco-gestion, il reprendra ses études lorsque son activité sportive le lui permettra. Bien heureusement, les conventions passées avec certaines facultés permettent parfois de concilier les deux, comme le prouve Xavier-Robert François, étudiant en L1 de STAPS :
« Ma priorité était de continuer mes études en parallèle, pour assurer une certaine sécurité. En STAPS, j’ai un aménagement particulier qui me dispense d’assiduité aux cours, et me permet de passer les examens en décalé. »
Pas de miracle en vue donc. Pour espérer percer, les concessions restent nécessaires. Et l’idéal de l’aspirant-pro-toujours-étudiant, bien difficile à atteindre. Car aux heures d’entraînement s’ajoutent les déplacements nationaux, voire internationaux.
Rendre service à l’équipe en s’aidant soi-même
Voilà une chose pouvant paraître surprenante : bien que n’ayant disputé que six minutes en ProA depuis le début de la saison, le jeune Alsacien prend part à tous les déplacements de la cohorte strasbourgeoise, qu’elle se rende à Nancy, ou à Istanbul. Adoptant un point de vue des plus pragmatiques, la pratique peut paraître incongrue. Mais le sport professionnel n’a pas de prix :
« On est là pour rendre service à l’équipe, pour que le niveau ne chute pas à l’entraînement, et qu’en cas de blessure d’un joueur, le groupe puisse s’entraîner malgré tout. C’est pareil en déplacement, où des séances sont programmées sur place. Il faut donc qu’on soit dix. Sans compter les ajustements tactiques auxquels on peut assister. C’est toujours très instructif. »
Aussi, le leitmotiv demeure inchangé chez les deux apprentis : se donner le maximum de chances de réussir au plus haut-niveau, sans se fixer d’objectif arrêté. Et tant mieux, s’ils parviennent à grappiller quelques minutes de temps de jeu comme Xavier-Robert face à Pau-Orthez, le 24 octobre dernier :
« J’étais content… c’est quand même une petite récompense qui te motive à travailler plus. »
Arnaud, de son côté, reste philosophe quant aux regrets qu’il pourrait avoir en cas de non-accès au monde professionnel :
« Toutes ces concessions, ce n’est jamais perdu, même si tu n’en fais pas un métier. Tout ce que tu fais te permet d’apprendre en tant qu’être humain, et pas uniquement en tant que basketteur. »
Preuve que pour les deux compères, le très concurrentiel univers fardé du basket professionnel ne leur a pas encore fait tourner la tête.
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