Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Après SaxOpen, Strasbourg rêve toujours d’un festival annuel

Le succès du festival SaxOpen a réactivé la volonté de la majorité municipale de doter Strasbourg d’un festival suffisamment fort pour animer la torpeur estivale. Un volontaire pour l’organiser ?

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Le succès de SaxOpen fait réfléchir la municipalité (Photo SaxOpen)

Le désir de créer un événement estival et récurrent est ardent de longue date au sein de la majorité municipale de Strasbourg. En juillet, le président (PS) de l’Eurométropole, Robert Herrmann, le rappelait encore sur la radio Accent 4 :

« Le succès de SaxOpen met en lumière le fait qu’il manque quelque chose depuis la disparition du Festival de musique de Strasbourg. Il faut se demander comment à partir de SaxOpen, on peut créer quelque chose. »

Plus que de satisfaire le besoin des mélomanes strasbourgeois – déjà comblés par pas moins de onze festivals subventionnés par an -, l’idée est de créer à moindre coût un événement qui, dans l’idéal, deviendrait le pendant estival du marché de Noël, en termes des retombées économiques et d’attractivité touristique.

Comme la cathédrale ne fêtera pas de nouveau millénaire avant longtemps, deux options sont envisagées par les pouvoirs publics pour animer l’été prochain. La première serait de donner plus d’importance à la Symphonie des Deux-Rives. En multipliant les concerts, les animations et en l’étalant sur plusieurs jours comme cela a déjà été fait cette année. Contactée, la direction de l’orchestre, organisatrice de l’évènement, a reconnu « des discussions » en ce sens mais n’a pas souhaité commenter outre mesure.

SaxOpen : 35 000 festivaliers, ça fait rêver

La deuxième option est de demander à Philippe Geiss, organisateur en chef du festival SaxOpen, d’imaginer un événement similaire en 2016. Fort du succès de SaxOpen, qui a su attirer 35 000 spectateurs en six jours, en plus de 2 800 artistes originaires de cinquante pays, le saxophoniste souhaiterait, dans l’idéal, instituer un festival musical, pas nécessairement marqué par un genre précis mais « inter-culturel » et se déroulant dans plusieurs points de la ville.

Mais Philippe Geiss de préciser :

« Pour convaincre les pouvoirs publics, le problème n’est pas vraiment celui de la thématique du festival, mais bien celui de son financement. »

En la matière, Philippe Geiss a des arguments à faire valoir. En effet, chose rare pour un festival français, un cinquième du budget (deux millions d’euros au total) de SaxOpen a été apporté par des sponsors et des mécènes privés que sont allés convaincre Philippe Geiss et son équipe. De quoi se faire apprécier des collectivités à l’heure où les subventions se réduisent comme peau de chagrin.

Néanmoins, sans intervention publique rien n’aurait été possible. En plus de la mise à disposition de la logistique et des lieux de concerts, la municipalité et l’Eurométropole ont respectivement alloué 340 000 euros et 150 000 euros à l’événement. Pour comparaison, la Ville a investi 451 250 euros dans l’édition 2015 du Festival Musica.

Remplir les hôtels et les restaurants

Autre argument de poids avancé par Philippe Geiss pour convaincre les pouvoirs publics de l’intérêt de son projet :

« En se déroulant en ville et sur plusieurs jours, la fréquentation et les retombées économiques sont bien plus importantes. Les hôtels et les restaurants sont remplis. Alors qu’au jardin des Deux-Rives, cet aspect là des choses est bien plus marginal. »

Malgré tout, réitérer le succès de SaxOpen s’annonce compliqué. D’abord parce que le festival était adossé à un congrès itinérant de professionnels. Une source de recettes propres puisque chaque exposant a payé son ticket d’entrée, ce qui a en partie financé la partie publique du festival. De plus, c’est la perspective du congrès – autant de rencontres  et d’opportunités pour les artistes – qui a permis de convaincre les musiciens de se produire sur scène sans être rémunérés. Il est peu probable que ces mêmes artistes acceptent ces conditions dans le cadre d’un festival seul. Enfin, il semble difficile d’organiser en dix mois à peine un événement aussi ambitieux quand on sait que SaxOpen a nécessité trois années de préparation.

Le temps qui file vite n’inquiète pas outre-mesure la Ville pour qui, à dix mois de l’échéance (été 2016), nous sommes encore « très en amont ». Reste que les délais relativement courts pourraient obliger Alain Fontanel, premier adjoint au maire (PS) et en charge de la culture, à choisir une troisième option.

La solution, c’est la fusion ?

À savoir, fusionner les deux premières : un grand concert au jardin, plusieurs petits en ville, organisés conjointement par l’Orchestre philarmonique de Strasbourg et Philippe Geiss. La récente rencontre entre Patrick Minard, ancien directeur de l’orchestre aujourd’hui à la Ville, et Philippe Geiss plaide en ce sens. Le fait que Philippe Geiss ait été partie prenante de l’édition 2015 de la Symphonie des Deux-Rives, également.

Ces consultations et ces hésitations illustrent une fois encore le caractère éminemment politique de la question des festivals à Strasbourg. Aujourd’hui, elle est au centre de la bataille d’influence que se livrent Alain Fontanel et Mathieu Cahn. En effet, ce dernier devrait théoriquement avoir son mot à dire en vertu de son poste d’adjoint au maire, chargé de l’animation et de la politique événementielle.

Hier déjà, feu le Festival de Musique de Strasbourg était dirigé par Harry Lapp, ancien député, conseiller municipal et général. Tandis qu’une des premières décisions du tandem Fabienne Keller-Robert Grosmann en 2001 est d’avoir sucré les subventions du festival Babel, fondé par Roger Siffer.

Des choix qui tardent à être faits

Pourtant, si elle fait l’objet de toutes les attentions et ambitions, la question des grands événements populaires n’est pas vraiment essentielle, tacle Thierry Baechtel, responsable du master Politique et gestion de la culture à l’IEP de Strasbourg  :

« Si c’est pour donner l’image d’une ville plus éveillée, pourquoi pas la création d’un grand événement ? Mais ce n’est pas un festival de plus qui constituera une véritable politique culturelle se préoccupant de tous les publics, luttant contre la désocialisation et pour la démocratisation de l’accès à la culture. »

Signe de ces tergiversations au sein de l’équipe municipale, Ali Salmi, l’organisateur du Farse – le Festival des arts de la rue (Farse) qui dépend de Mathieu Cahn – n’a pas non plus de nouvelles de la municipalité. Tandis que la Ville a dépensé 150 000 euros pour le Farse cette année, le conseiller artistique ne sait toujours pas si cette dépense sera reconduite l’an prochain et si oui à quelle hauteur. Un poil excédé par la « frilosité » des pouvoirs publics, Ali Salmi a fixé un ultimatum au 29 septembre.

S’il n’a pas de réponse avant, il assure qu’il n’organisera pas de nouvelle édition en 2016. Philippe Geiss aussi aimerait que la décision tombe rapidement. Si l’attente devait se prolonger, il sera difficile d’organiser un événement qui soit à la hauteur des ambitions proclamées, assure-t-il.


#Alain Fontanel

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