Même si les 21 pays traversés ont chacun leurs différences, leurs histoires et leurs mémoires, nous avons noté des points communs…
Des politiques victimaires
D’abord, la mémoire du XXe siècle — y compris de ces vingt dernières années — est souvent « victimaire ». Par la voix de ses historiens, de sa classe politique, dans ses musées et à travers ses monuments, chaque pays est une victime. C’est particulièrement vrai dans les Balkans, à propos de la guerre de Yougoslavie : il n’existe pour l’instant aucune version commune de l’histoire entre Bosniens, Croates, Slovènes, Serbes, Kosovars ou Macédoniens. Chacun construit son histoire comme on voit midi à sa porte, et l’entrée de la Croatie ou de la Slovénie dans l’Union européenne n’a pas vraiment changé la donne.
Glorifications nationales
C’est aussi vrai en Hongrie, où le parti nationaliste Jobbik affirme vivre une troisième occupation : après l’invasion nazie et l’occupation communiste, le pays de Viktor Orban serait désormais « occupé » par la « bureaucratie européenne » de Bruxelles.
Et c’est bien sûr vrai en Ukraine, où la situation politique très difficile depuis des mois a rappelé toute l’histoire du pays, faite d’occupation, d’annexion et d’indépendance compliquée.
Et c’est enfin vrai dans les pays baltes : la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie ont multiplié les musées nationaux qui mettent sur un même plan l’occupation nazie et soviétique, se tournant avec force vers l’Union européenne.
On passe rapidement sur les périodes de collaboration pour dessiner une histoire idéale, tout en noir et blanc. Un peu comme notre passé sous l’Occupation, qui a été largement mythifié après-guerre par une partie de la Résistance.
Des minorités nationales
Un autre point commun à beaucoup d’étapes du Bulli Tour, c’est l’existence de minorités nationales. C’est encore particulièrement visible dans les Balkans, où l’on croise aussi bien des « Croates de Bosnie » que des « Serbes ou des Bosniaques de Croatie ».
Pour les Français et généralement pour la plupart des pays dits d’Europe de l’ouest, c’est une notion complexe qu’il faut rapidement maîtriser si vous voulez comprendre quelque chose à l’Est. Mais ça commence dès l’Italie : par exemple à Trieste, nous avons rencontré Boris Pahor, écrivain de langue, de culture et de nationalité slovène, mais de citoyenneté italienne.
Du coup, les minorités nationales interdisent une lecture binaire de l’Histoire, et ce n’est pas plus mal. Ce qui renvoie à notre premier point, chaque minorité a son histoire au sein de la majorité. Souvent une histoire violente, d’ailleurs, mais pas toujours. Chacune (comme les Serbes de Croatie, par exemple, mais on pourrait élargir le propos) a donc aussi tendance à se dire victime des autres, à ne pas être reconnue par la Constitution nationale, etc.
Sans parler des minorités qui ont complètement disparu : les Prussiens de la mer baltique, les Saxons de Roumanie et bien sûr, les milliers de juifs des villages polonais, lituaniens, ukrainiens ; de Budapest, de Lviv, etc.
L’inquiétude face au conflit ukrainien
Et enfin le dernier point commun : l’inquiétude soulevée par le conflit ukrainien. Une grand majorité des pays que nous avons traversé regardaient avec une certaine angoisse la situation actuelle. C’est la peur de voir une guerre s’étendre à l’ouest : à l’ouest de l’Ukraine, mais aussi en Biélorussie, en Moldavie ou encore dans les pays baltes. D’autant que Vladimir Poutine multiplie les provocations en affirmant que la Russie pourrait envahir ces pays en quelques jours ou en quelques semaines.
Aller plus loin
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