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Animaux de cirques : les militants grognent, les élus s’en cognent

Les contre-affichettes « spectacle annulé pour cause de maltraitance des animaux » collées sur les affiches annonçant la présence de cirques à Strasbourg ne sont pas restées visibles très longtemps. Il n’empêche, cette mini-campagne menée par une association fin février met en lumière un engagement de 2008 non-tenu par le maire Roland Ries : celui d’interdire de représentation les cirques présentant des animaux sauvages.

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Contre-affichette collée par l'association Animalsace (Photo Lionel Lebaut)

Arlette Gruss, Medrano, Grand cirque de Saint-Pétersbourg, Muller, Achille Zavatta… Moins d’une dizaine de cirques se produisent régulièrement à Strasbourg et tous présentent des animaux sauvages vivant en captivité et dressés. Ces dernières semaines, l’association Animalsace a collé de petites contre-affichettes noir et blanc annonçant l’annulation des spectacles « pour cause de maltraitance des animaux ». Objectif : attirer l’attention du public, et notamment des familles, sur les conditions de vie des animaux dans les cirques. Pour cette petite équipe de militants de la cause animale, le contre-affichage est « l’unique manière » de faire entendre ses revendications.

« Les gens du cirque ne rigolent pas »

Luc Walter, secrétaire de l’association s’explique :

« Avec les circassiens, le dialogue est impossible. Ils ne se contentent pas de réfuter les traitements inadéquats que subissent les animaux de cirque, ils peuvent également se montrer très violents. »

Parce que « les gens du cirque ne rigolent pas », le militantisme à base de tracts est un métier à risque. C’est pourquoi l’association mène sa campagne d’information par le biais d’un lien au bas desdites affiches, vers un dossier où l’on retrouve leurs arguments contre la présence d’animaux dans les cirques. Compilé par Franck Schrafstetter, président de l’association Code Animal, le dossier réunit des rapports scientifiques et des cas d’accidents divers, avec comme objectif d’alimenter la réflexion sur la légitimité de la présence d’animaux sauvages dans les cirques. Les problématiques mises en cause ne sont pas nouvelles : les méthodes de dressage et les conditions de détention des animaux dans les cirques seraient responsables de souffrances et de désordres psychiques, et ceci dans toutes les ménageries.

Dialogue de sourds

Interrogés sur la question, les cirques s’irritent de cette mauvaise publicité et considèrent qu’il ne faut pas généraliser. A des militants qu’il qualifie d’ »extrémistes », Willy’s, attaché de presse du cirque Arlette Gruss, renvoie la balle du dialogue impossible :

« Les militants saccagent nos affiches d’accusations malhonnêtes, mais refusent tout net de venir constater que nos animaux ont tout ce qu’il leur faut. Quand les militants viennent tracter devant chez nous, on les laisse faire ce qu’ils ont à faire. Les clients sont nos juges et ce sont eux qui rouspètent avant nous contre les manifestants. »

Il réfute l’argument de la maltraitance et met en avant la satisfaction de son audience comme preuve du bon traitement des animaux :

« Ça ne tient pas la route de dire que les animaux des cirques sont malheureux parce qu’ils ne peuvent pas vivre dans la nature. On ne peut pas comparer un tigre né en captivité à un animal sauvage, ils n’ont pas les mêmes besoins. »

Il ne nie cependant pas que toutes les troupes ne sont pas à mettre dans le même panier, en terme de bien-être des animaux, pointant certaines, « qui devraient être interdites de se produire ». Quant à savoir si les animaux de Gruss manifestent des stéréotypies – troubles du comportement que les associations affirment invariablement constatés dans toutes les ménageries – Willy’s répond par la négative, mais veut tout de même relativiser :

« Il y a des chiens qui restent enfermés toute la journée dans des studios, qui sont bien plus malheureux que nos animaux. »

En France, une législation encore très souple

De nombreux pays ont déjà pris des mesures limitant l’emploi d’animaux sauvages dans les cirques, allant de la restriction des espèces autorisées (l’Autriche, le Danemark, l’Inde…) à l’interdiction totale (en Suède depuis 1988, en Finlande depuis 1996, en Israël depuis 1998, au Brésil depuis 2001 et en Bolivie depuis 2009). En France, il n’existe aucune interdiction, seulement des conditions minimales de détention visant à satisfaire les besoins biologiques des animaux et des règles qui sanctionnent mauvais traitements et utilisations abusives.

Toutefois, les autorisations pour les cirques de se produire relèvent de l’autorité des mairies et de nombreuses villes ont déjà franchi le pas et renoncé à accueillir des cirques utilisant des animaux sauvages. Ainsi, dans les villes de Montreuil, Bagnolet et Creil, entre autres, les autorisations d’installation ne sont plus délivrées qu’aux cirques ne possédant pas d’animaux.

Engagement de campagne non tenu

A Strasbourg, pas de position claire sur le sujet. Avant l’élection municipale de 2008, Roland Ries avait répondu à un questionnaire de Copra (Collectif pour le respect de l’animal) dans lequel l’actuel maire indiquait qu’en cas de victoire, il « serait prêt à interdire la présence de cirques afin de répondre aux besoins physiologiques des animaux ».

La réponse de Roland Ries au questionnaire de Copra (Cliquer pour accéder à la page)

Mais à ce jour, aucune mesure d’interdiction n’a été prise et les cirques continuent de se produire tout au long de l’année à Strasbourg. Si la présence de certains d’entre eux, parce qu’ils se produisent sur des terrains privés ne relèvent pas de l’autorité de la ville, deux d’entre eux, Medrano et Arlette Gruss, continuent de recevoir l’aval d’Eric Elkouby, adjoint au maire PS en charge des foires et marchés. Pourtant, selon Franck Schrafstetter, ce dernier, lors de divers entretiens avec l’association Code Animal, avait réitéré les engagements du maire. Confirmant ces entrevues, Eric Elkouby affirme :

« J’ai rencontré M. Schrafstetter sur la question des autorisations pour les cirques, mais il a une vision dévoyée de la question. Le cirque est avant tout un art et nous veillons simplement à accueillir sur les terrains municipaux les cirques disposant d’un cahier de soins conforme aux besoins biologiques des animaux. Pour les cirques sur les espaces privés, on ne peut pas intervenir. »

Manne financière ou paresse politique ?

Selon Anne-Marie Ode, directrice des tournées pour le cirque Pinder, les droits d’installation sur les terrains municipaux peuvent aller de 300 à 4 000€ par jour en fonction de la taille des cirques. Une manne dont il serait malvenu de se passer ? Si Eric Elkouby refuse de répondre à cette question, pour Luc Walter, l’argument budgétaire pourrait expliquer en partie les reculades des autorités :

« La présence d’un mastodonte financier tel que Gruss pèse un poids non négligeable pour la commune. Affirmer pour autant que ce cirque traite mieux ses animaux que les autres, c’est de la pure hypocrisie. Quelle que soit la manière dont sont entretenus les animaux, on ne peut raisonnablement espérer satisfaire les besoins d’un animal enfermé dans une cage exiguë, entraîné à des positions contre-nature et forcé à l’isolation ou a une trop grande promiscuité avec ses congénères. »

Possible d’interdire à Illkirch, mais pas à la CUS…

Dans cette optique, la commune d’Illkirch-Graffenstaden, dont le maire PS, Jacques Bigot, est également président de la communauté urbaine de Strasbourg depuis 2008, a adopté à l’unanimité, le 5 octobre 2006, une motion sur le refus d’accueillir des cirques avec animaux. Baptiste Heintz-Macias, conseiller municipal PS d’Illkirch, explique la politique de la ville :

« Il est clair que les conditions de vie dans les cirques ne sont pas idéales pour les animaux. En cessant de favoriser les cirques qui utilisent des animaux, on donne une place au cirque dans son ensemble. On crée des niches pour des secteurs artistiques innovants. Dans le même temps, on continue d’offrir à la ville des spectacles de qualité, avec le Cirque Plume notamment, et sans priver les enfants du contact avec les animaux, qui peuvent les rencontrer au Parc Friedel. »

Pour autant, Jacques Bigot n’a pas tenté d’étendre cette politique à l’ensemble de la CUS. C’est de toutes façons une prérogative des communes.

L’exemple de Pisteurs d’étoiles

Par ailleurs, ce cirque sans animaux prôné par Animalsace et d’autres, c’est ce que met en avant depuis près de 20 ans le festival Pisteurs d’étoiles d’Obernai et son « nouveau cirque » ou cirque contemporain. A l’occasion de la prochaine édition de ce festival, du 30 avril au 11 mai 2013, les élus écologistes, membres de la majorité à Strasbourg, pourraient être tentés, à moins d’un an des prochaines élections municipales, de rappeler à leur allié socialiste cet engagement circassien.

Avec Marie Marty

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