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L’avocat André Kornmann condamné pour sa haine viscérale des notaires

André Kornmann, avocat un temps candidat du Front national à Strasbourg, était devant le tribunal correctionnel mardi. Son délit : avoir insulté et harcelé des notaires, sur la base de vieilles rancoeurs contre la profession.

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« On m’accuse de violences psychologiques, c’est comme recevoir un coup de massue ». Mardi avant l’audience, et malgré une nervosité visible faite de tics au bras et de soupirs, André Kornmann, avocat strasbourgeois de 53 ans, un temps candidat du Front National aux élections municipales, feint de ne pas comprendre les accusations du tribunal correctionnel de Strasbourg qui pèsent contre lui.

Pourtant, à l’énumération des faits qui lui sont reprochés, il y a de quoi être surpris. Mises en demeures à répétition exigeant réparation de préjudices fantasques, lettres injurieuses et appels téléphoniques malveillants de 2013 à 2016. Ses cibles : des notaires, actifs ou retraités. Les principales victimes sont âgées de 70 à 93 ans et décrites par le président du tribunal comme fragiles.

29 ans de rancune

Dans le cas de Me Pierre Krantz, 93 ans, par exemple, la rancoeur de Me Kornmann remonte à… 1987 ! À cette époque, André Kornmann, « brillant étudiant », comme le décrit son avocat Me Begeot, souhaite effectuer un stage au sein de l’étude de Me Krantz. Ce dernier déclinera sa demande. Rien d’autre, sans aucun contact entre les deux hommes depuis vingt ans.

« Pourquoi  agir comme cela ? », interroge le président du tribunal. Ne pas faire ce stage aurait « changé complètement la suite de mon existence », répond André Kornmann. Une raison qu’il estime suffisante pour, 29 ans après, inonder sa victime nonagénaire de courriers au langage fleuri, remplis de « gros plein de graisse » et d’autres jurons, allant même jusqu’à parler de « justice » en évoquant son fils, actuellement dans le coma après un accident de moto.

Même mode opératoire pour Me Marie Osolla (70 ans), ou Me Gaspard Hauth (89 ans) à qui il reproche des malfaçons dans un contrat ou trop d’argent perçu lors d’un acte notarial. Et même incompréhension, de la part des victimes comme du tribunal.

Me André Kornmann dans son étude au printemps 2014, alors qu’il était candidat à la mairie de Strasbourg pour le FN (Photo PF / Rue89 Strasbourg)

« La haine et le mal »

En invoquant son histoire personnelle complexe, nourrie de nombreux détails, André Kornmann a tenté de se justifier à la barre. Mais le président du tribunal, excédé, y a coupé court, mentionnant « un ressentiment depuis un quart de siècle contre la profession des notaires », depuis qu’il « a échoué au concours de droit local en 1991 ». Et de poursuivre avec une lecture du rapport d’expertise psychiatrique, dont les conclusions étaient déjà pressenties depuis le début de l’audience : « parle de manière logorrhéique, est très fier d’avoir une centaine de notaires à son tableau de chasse. Risque élevé de récidive. »

« Je ne me reconnais pas du tout », remarque André Kornmann. Un déni dans lequel il s’enfonce davantage à l’écoute du réquisitoire. Avant de prendre la parole, le procureur de la République Gueorgi Varbanov marque un moment de silence. Puis, il soupire :

« C’est du délire complet. Malgré vos diplômes, vous avez résumé l’intégralité de votre vie en une dizaine de pages. Votre dossier transpire la haine et le mal. Vous utilisez votre profession comme une arme que vous pointez vers des personnes de 70, 80, 90 ans en les harcelant, les persécutant, les menaçant. »

Les réquisitions sont à la hauteur de l’agacement qui règne dans la salle d’audience : 6 mois de prison avec sursis mais surtout une interdiction définitive d’exercer la profession d’avocat.

Hochement négatif de la tête chez le prévenu, qui semble jouer un rôle de victime, concédant à peine avoir manqué de retenue dans ses lettres. Une stratégie de minimisation développée par son avocat, qui pointe « l’absence de violences physiques » et remet en cause la vulnérabilité des victimes. Il invoque le décès du père de Me Kornmann il y a quelques années et dénonce « la mise à mort sociale » de son client, « prisonnier de sa frustration », dont l’existence « ne peut pas se résumer à ces courriers malheureux. »

André Kornmann se verra finalement condamné à trois mois de prison avec sursis, six mois d’interdiction d’exercice et 3 000 euros d’amende. Il a dix jours pour faire appel de ce jugement.


#Justice

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