Séduire peut coûter cher. À Strasbourg comme ailleurs, les romantiques passent à la caisse pour offrir des fleurs. Les timides payent un coach en séduction et les fétichistes se fournissent dans les sexshops. La rencontre, l’amour et le sexe, c’est aussi un business. Rue89 Strasbourg a rencontré les acteurs locaux de cette économie.
Apprendre à séduire, tout un art
Depuis 2007, Alexandre Cormont est « love coach », il offre des services de « conseiller sentimental, » c’est-à-dire qu’il aide des personnes « successful » [de catégorie sociale supérieure, ndlr] à reprendre confiance en elles pour pouvoir séduire ou maintenir la flamme dans leur couple. Après Nice, Paris et Lyon, il a vendu ses services à près de 550 Strasbourgeois entre 2012 et 2015 avant de s’installer à Miami :
« J’ai coaché une femme à Strasbourg. C’était vraiment une belle femme mais elle me disait ne jamais être draguée. Je lui ai dit de faire le premier pas, de faire un compliment à un homme, juste pour briser la glace. Le jour même, en sortant du coaching, elle a dit à quelqu’un “Vous avez une très belle chemise monsieur.” Ils ont discuté, sont allés boire un café et ils sont encore ensemble ! »
On ne devient pas « love coach » grâce à une formation diplômante. Alexandre Cormont a obtenu en master en sciences humaines et a suivi une formation en programmation neurolinguistique. Ce parcours suscite quelques incompréhensions dans son entourage. Il en rit : « Ma grand-mère ne comprend toujours pas ce qu’est mon métier. »
Aujourd’hui, il n’a pas besoin d’études universitaires pour convaincre. Alexandre Cormont met ses propres résultats en avant. Il affirme avec précision :
« 70% des couples que j’ai coachés restent ou se remettent ensemble. En moyenne, les hommes retrouvent l’amour après treize semaines et les femmes, sous six semaines. Pour les femmes c’est très simple de trouver l’amour, surtout à Strasbourg ! Les réseaux Ami(e)z sont bien développés. » [Ami(e)z est une association fondée pour des projets de rencontres, ndlr]
Différentes formules de coaching sont proposées. Le « coaching express premium » constitué d’une heure d’entretien par téléphone et d’un suivi de quatre e-mails s’élève à 397€. Aujourd’hui, le coach a quitté les villes de provinces pour développer son antenne à Miami avec son équipe.
« On confie beaucoup aux fleuristes »
Plus classique et historique, le commerce des fleurs résiste plutôt bien aux crises ou au commerces en ligne. À deux pas de La Laiterie, au croisement du boulevard de Lyon et de la rue de Molsheim, se trouve un des quatre magasins de la chaîne Monceau Fleurs. Marine, fleuriste en apprentissage, y travaille depuis quatre ans. « L’amour fait vivre la boutique », affirme-t-elle.
« Les jeunes couples achètent souvent des fleurs en début de relation », confirment deux autres fleuristes interrogés. Certains clients ne cachent pas leur infidélité quand les bouquets sont destinés à une maîtresse. Marine constate qu’elle vend au moins une rose rouge par jour. Les autres fleurs de couleur rose représentent aussi une grande partie des ventes. Le pic d’activité pour les fleuristes, c’est donc la Saint Valentin :
« On remarque un très nette augmentation des ventes à la mi-février. Des gens viennent aussi à cette période demander des pétales de roses. Ils souhaitent les disposer sur leur lit… »
L’apprentie-fleuriste aime confectionner les bouquets de mariage et les décorations pour les voitures. Ces créations sont plus abouties et nécessitent davantage de temps que d’autres bouquets plus traditionnels. Les prix des bouquets de mariage commencent à 50€ et peuvent aller jusqu’à plus d’une centaine d’euros.
Au rayon des anecdotes, la fleuriste explique aussi que certains clients achètent des fleurs dans son magasin… pour lui offrir :
“Ils viennent ici : on les aide, on les conseille, on leur propose des choses… On passe dix minutes avec ces clients pour qu’au final, après avoir payé, le bouquet soit pour nous ! »
Les Strasbourgeois dans les sexshops
Beaucoup moins conventionnel, le commerce des accessoires de plaisir sexuel connait un récent essor. La vente de sextoys, côté féminin, devrait progresser en moyenne de 11 % par an dans le monde d’ici à 2021, selon un rapport ReportLinker relevé par Le Monde. Les boutiques physiques tentent de tirer leur épingle du jeu, à condition de se moderniser.
Le sexshop Concorde est installé à l’arrêt de tram Faubourg National, depuis le début des années 2000. C’est la seule boutique du groupe en province. Les trois autres sont implantées à Paris.
Selon Rémi, vendeur, la clientèle du sexshop strasbourgeois se rajeunit et se féminise. Quelques conseils du vendeur peuvent suffire à convaincre de jeunes couples :
« Il y a deux semaines, un jeune couple est venu. Ils paraissaient tout timides. Je pensais qu’ils allaient prendre des choses soft. Ils sont repartis avec 300€ de matériel de soumission et ont inscrit dans le livre d’or qu’ils reviendront pour acheter le gode ceinture ! »
Godemichets dans des sachets opaques
Rémi explique ses astuces de vendeur :
« Au début, quand j’ai été embauché, j’avais l’habitude de dire aux clients : “Imaginez que vous êtes dans une boucherie, quelle entrecôte voulez-vous ?” Avec certains clients, il faut avoir extrêmement de tact, les faire rire pour qu’ils dédramatisent la situation. Ce n’est pas comme de la drague mais presque. Je dois parfois passer trois heures avec certains clients pour les conseiller… »
Mais une fois dehors, la gêne est de retour. Les clients demandent un sachet opaque pour cacher les fouets et autres godemichets achetés. Ils sont rassurés en voyant les sacs plastiques de l’enseigne, noirs et sans aucune inscription.
Rémi remarque un engouement pour les produits haut de gamme. L’emballage et la couleur des produits importent beaucoup aux clients. Certains sont prêts à dépenser plusieurs centaines d’euros pour ces objets :
« Un client collectionneur vient chaque mois faire des commandes pour 500 à 600€ de sextoys. Ce n’est pas pour son utilisation mais pour sa collection. Il souhaite avoir d’autres couleurs, d’autres formes particulières. »
Tous les vendredis et samedis en fin d’après-midi, la boutique se fait dévaliser de Poppers, par des clients de 18 à 40 ans. L’unique mode de consommation du Poppers est l’inhalation de ses vapeurs par le nez.
Ces fioles permettent de dilater les vaisseaux sanguins et produisent différents effets immédiats tels que l’augmentation de l’excitation sexuelle et un sentiment d’euphorie passagère. Le Poppers a été légalisé en 2013, permettant en fin de semaine « la ruée vers les Poppers » dans les sexshops.
Dans la Grand Rue, l’enseigne WM est plus discrète. La vitrine très sobre ne laisse pas soupçonner un sexshop gay racheté par l’actuel patron en 2006. Les clients d’Hervé sont des gays mais pas seulement, entre 18 et 70 ans.
Le patron et vendeur du magasin fait aussi face à des demandes impossibles à satisfaire :
« On me demande souvent des choses que les gens voient sur internet comme des crèmes pour faire grossir la taille du pénis par exemple. Moi je ne vends pas ce genre de choses car ça ne fonctionne pas. Je ne fais pas non plus de farces et attrapes. Je ne vend pas de bonbons en forme de pénis comme on m’en demande parfois. »
Les mois de mai, juin et juillet forment la période des enterrements de vie de jeunes filles et de jeunes garçons. Assis derrière son comptoir, le Hervé raconte, un sourire en coin :
« Je vends beaucoup de poupées gonflables, de très gros godes pour faire peur au partenaire… Entre filles, on s’offre beaucoup de sextoys, elles sont plus coquines que les garçons ! »
La Ville de Strasbourg mise aussi sur l’amour
Depuis février 2013, la Ville de Strasbourg essaye de créer un événement commercial autour de la dimension romantique de son patrimoine. La manifestation « Strasbourg mon amour » avait pour but initial d’augmenter la fréquentation touristique autour de la Saint Valentin, une période où les hôtels strasbourgeois sont peu remplis. Après 5 ans, des hôteliers et restaurateurs se plaignent parfois de ne pas attirer autant de touristes qu’espérés à l’origine.
Paul Meyer, (La Coopérative), a repris les rênes de la manifestation en devenant adjoint au maire de Strasbourg en charge du tourisme en 2016 et souhaite son changer son orientation. Il n’a pas la volonté de transformer Strasbourg en « capitale de l’amour ». Son idée : offrir des moments intimes à quelques couples, en proposant des tours en bateaux ou en privatisant le Palais Rohan. Ces parenthèses romantiques s’adressent désormais aux habitants de Strasbourg :
« La volonté est d’envoyer une image de ville romantique tout au long de l’année et non de remplir les hôtels quelques jours en février. On ne veut pas avoir des pics de fréquentations en été, en février et à Noël. On ne veut pas des masses de touristes qui énervent tout le monde comme à Bordeaux, Berlin ou Barcelone, mais on mise sur des moments exclusifs. »
Avec un carte interactive mise en ligne en 2017, il est proposé aux Strasbourgeois de recenser leurs coups de foudre, premiers baisers et occasions ratées des Strasbourgeois.
Des dépenses pour augmenter les nuitées
L’opération « Strasbourg mon amour », organisée par l’Office de tourisme avait un budget de 464 000 euros, dont 60 000 euros de la Ville de Strasbourg, 130 000 euros de l’Eurométropole et 15 000 euros pour la Région Grand Est. Aux côtés de l’autofinancement par l’association, la place du secteur privé est estimée entre 10 et 15% du budget total. La municipalité va pousser les entreprises à s’investir davantage.
Les pertes générées par l’édition 2016 (189 000 euros) avaient été jugées comme pesantes sur les finances de l’Office de tourisme par l’audit commandé par l’Eurométropole. L’événement ne correspondait à l’époque qu’à 9% du budget total de l’association, 11% si l’on ajoute l’opération au Japon, abandonnée dès la première édition.
Dans les délibérations dédiées à la subvention annuelle à l’événement, une « augmentation des nuitées touristiques au sein des hôtels partenaires (qui prévoient des opérations ndlr) de l’ordre de 30%, selon les organisateurs », est tout de même listée.
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