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American nightmare 3 : Elections, film lucide ou visionnaire ?

Sous couvert de la série B la plus « bourrine » et régressive de l’été, James DeMonaco propose une dystopie maladroite mais qui a, au moins, le mérite de s’interroger sur son époque.

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D’abord remarqué pour sa rentabilité commerciale, la saga American Nightmare (The Purge en VO, on remerciera le distributeur pour ses efforts de traduction) a, dans le cinéma de genre contemporain, un statut très particulier.

Au départ, le premier opus s’apparentait à un film concept. Dans un futur incertain, les États-Unis, submergés par la criminalité et les actes violents, autorisent le meurtre, à titre de régulation et sans jugement, à raison d’une nuit par an. Et cette nuit de purge donne donc son titre au film.

Affiche alternative (Copyright Universal Pictures International France)

L’œuvre résulte ainsi d’une collaboration entre le mastodonte du cinéma d’action Michael Bay et le nouveau producteur-star de l’horreur, Jason Blum. Ce dernier s’attache à  une recette simple : il produit des récits horrifiques à moindre coût, sans acteur-phare et à destination d’un public post-adolescent (Insidious, Conjuring). Pour American Nightmare, les producteurs associés s’adjugent les services d’un auteur, petit espoir du cinéma indépendant, en la personne du cinéaste James DeMonaco.

Série B sans détours

Le point de départ, riche en perspectives, donne lieu à plusieurs variations. Le premier film répond au thème du home invasion. Le second s’apparente à un survival. DeMonaco évolue ainsi dans les sous-genres du cinéma d’horreur. Le concept semble pouvoir être décliné à l’infini. Et si le troisième volet, en salle actuellement, devrait marquer le terme de la saga, il parait évident que cette idée de purge pouvait supporter autant d’intrigues qu’elle compte de héros et de victimes.

À l’heure des hyper-productions, des blockbusters écrasants au budget promotionnel équivalent au PIB d’un pays du tiers-monde, American Nightmare a pour première vertu d’être un film de genre, un film d’action et un film d’horreur qui ne verserait pas dans le gigantisme.

L’œuvre de James DeMonaco est une série B qui assume sa violence, qui met à l’affiche des gueules et des abonnés aux seconds rôles. Aucun des trois films du triptyque ne peut se targuer d’être bien écrit. Tout au plus pourra-t-on leur accorder d’être efficaces. Ils viennent creuser un sillon aujourd’hui disparu, remisé aux rayonnages des DVDthèques ; celui d’un cinéma d’exploitation primaire et direct.

Il n’y a pas, dans Americain Nightmare, une péripétie, une ligne de dialogue ou un revirement de l’intrigue que vous n’ayez vu ailleurs. Et pourtant, l’envie de soutenir et de valoriser ces productions de la société BlumHouse se fait ressentir.

la nuit de toutes les menaces (Copyright Universal Pictures International France)

Film de genre politisé

Lorsqu’une niche du cinéma est en péril, il est fréquent de célébrer l’intention, au-delà du résultat. American Nightmare (1, 2 ou 3, au choix) n’a pas la prétention de bousculer le 7ème art. Mais DeMonaco construit toutefois une œuvre intéressante en ceci qu’elle interroge son audience sur les dérives de la société. Avec un postulat résolument droitier, The Purge (titre original) confronte la société américaine à son culte de la violence, à sa fascination des armes et à sa fracture sociale et raciale.

La bande annonce


Dans le dernier volet en date, un petit épicier, noir, voit la cotisation d’assurance de son commerce se multiplier à la veille d’un événement destructeur dont il n’aura pas les moyens de se protéger. L’Amérique des puissants s’engraisserait donc sur le dos de son prolétariat impuissant. L’argument est simple, mais il a le mérite d’être soulevé là, dans une œuvre destinée au plus grand nombre.

Si les incursions du cinéma de genre dans le débat politique sont légions (il suffit de jeter un œil à la filmographie de John Carpenter), les exemples concrets se sont indéniablement raréfiés ces dernières années. Au point de conférer à la trilogie de James DeMonaco un caractère quasi unique.

Le cinéma américain fonctionne en un sens de manière cyclique. Les années 50 ont été vouées aux mythes, de John Wayne à James Dean, du cow-boy vieillissant au rebel without a cause. Les années 70 sont venues placer le débat politique au centre de l’écran.

Et si les mythes (en lycra, en collant, en armure) ont aujourd’hui le vent en poupe, American Nightmare, avec sa maladresse, ses belles intentions et son côté faussement réac, fait office de séduisant vestige 70’s.

Le film est projeté à Strasbourg au cinéma VOX.


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