« Pas de projet en Alsace » en novembre, rime-t-il avec un nouvel entrepôt en décembre ? Environ 80 personnes étaient réunies à Colmar ce jeudi 3 décembre, convaincues qu’Amazon se cache derrière la société prête-nom Eurovia 16 à Ensisheim. C’est la troisième fois que les opposants à l’entrepôt de 189 000 m² pour le commerce en ligne se retrouvent devant la préfecture du Haut-Rhin. Malgré les dires d’Amazon, l’arrivée du géant américain ou d’un autre acteur majeur du commerce en ligne se précise.
Fin septembre, le dossier n’était pas à l’ordre du jour. Puis, début novembre, la séance avait été annulée l’avant-veille, en pleine semaine de polémique sur la fermeture des commerces « non-essentiels ». Cette fois-ci, le Conseil départemental des risques sanitaires et technologiques (Coderst) a vraiment étudié le projet Eurovia 16, dont l’occupant final est tenu secret. À une majorité de 15 contre 4 votes défavorables et 2 abstentions, le Coderst a validé l’opération immobilière, la construction de l’entrepôt et de ses dépendances.
« Campagnes exploratoires »
Comment interpréter cette contradiction entre les mots du directeur d’Amazon France, Frédéric Duval, et l’avancée administrative du jour ? Pour l’élu mulhousien Loïc Minery (EELV, opposition à la ville, majorité à l’agglomération), une hypothèse est que « l’opérateur lance ses travaux, purge les recours et ne le loue à Amazon qu’à ce moment-là. Ce sont des bâtiment assez vite construits ».
Le directeur d’Amazon avait malicieusement souligné que sa compagnie avait toujours des « campagnes exploratoires » et Ensisheim, comme la double plateforme près de Belfort pourraient en faire partie. À la foule, Loïc Minery annonce qu’une nouvelle étude internationale sur le rapport entre emplois créés et emplois détruits paraîtra le lendemain, vendredi 4 décembre, jour du « Black friday » décalé en France.
« Un complexe d’infériorité »
Au micro à son tour, Joseph Baumann, représentant d’Alsace nature et du Réseau urgence climatique sud Alsace (Rucsa) parle d’un « film d’horreur » concernant les terres agricoles où se pratiquait « du maraîchage et des cultures de fraisiers en libre cueillette ». « L’agriculteur est décédé sans successeur en décembre 2018, la vente s’est faite en mars et en juin 2019, la demande d’aménagement était lancée », détaille-t-il ensuite.
Le militant écologiste livre son analyse :
« Cette partie du Haut-Rhin a un complexe d’infériorité, car il n’y a pas de grande ville comme Colmar ou Mulhouse. Après la fermeture des mines de potasses et maintenant de la centrale de Fessenheim, elle veut des compensations et se démarquer. Lors du dernier conseil municipal d’Ensisheim, le maire Michel Habig a lancé un programme immobilier de 500 logements qu’il justifie pour loger les futurs employés de la plateforme logistique et dynamiser la commune. Mais avec la qualité d’emplois proposés, ces personnes ne pourront pas occuper ces appartements. »
Les prises de paroles se succèdent pendant plus d’une heure. Les participants, beaucoup de retraités en ce jeudi après-midi, sautillent pour se réchauffer par 5 degrés. « Il faudrait du vin chaud », lance une manifestante.
Une autorisation susceptible de recours
Agnès Helle brandit une pancarte avec le portrait de Jeff Bezos, le patron de la multinationale. L’inscription rappelle que sa fortune a atteint 200 milliards de dollars en 2020. « Déjà là en novembre », elle représente l’ONG internationale CCFD Terre Solidaire, dont l’antenne haut-rhinoise a rejoint cette mobilisation. Ses motivations contre Amazon en Alsace ? « L’évasion fiscale et la pauvreté engendrée » :
« Les inégalités se creusent. Avec le dérèglement climatique que l’on génère, les plus pauvres vont le payer, encore plus que nous. La problématique de la consommation des terres est la même ici ou au bout du monde. »
Grâce à ce vote, le préfet pourra signer une autorisation environnementale. Plusieurs organisations ont l’intention de l’attaquer devant le tribunal administratif.
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