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En Alsace comme ailleurs, le flop du contrat génération

Le contrat génération était l’une des promesses emblématiques de François Hollande durant sa campagne présidentielle pour réduire le chômage des jeunes et celui des seniors. Si l’Alsace n’est pas à la traîne par rapport aux autres régions, les objectifs initiaux sont loin d’être atteints. 

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Signature du millième contrat génération en Alsace à l’entreprise Velum International. De gauche à droite : Frédéric Plisson, nouveau commercial ; Anne Vetter, directrice de Velum ; Stéphane Bouillon, préfet d’Alsace et Brice Romano, dessinateur au bureau éclairage. (Photo JFG/ Rue89 Strasbourg)

C’était son engagement numéro 33. Le candidat François Hollande a imaginé en 2012 un « contrat génération » en se basant sur un constat simple : les jeunes souffrent du taux de chômage le plus élevé en France (24,2% lors de son élection en 2012) et les seniors sont souvent mis dehors quelques années avant l’âge légal de départ en retraite. Pour les travailleurs de plus de 55 ans, il est alors délicat de retrouver un emploi pour de nombreuses raisons : difficulté de prendre du temps pour se former, type d’emploi en disparition, niveau de salaire, compétences qui ne sont plus à jour, faible nombre d’années avant un départ en retraite…

Pour pallier ces difficultés, le candidat du parti socialiste avait alors proposé une prime de 4 000€ par an, pendant trois ans, accordée à chaque entreprise pour l’embauche d’un jeune (moins de 26 ans), qui s’accompagne du maintien en poste d’un employé expérimenté (57 ans) jusqu’à sa retraite. L’idée du « contrat génération » est que le travailleur expérimenté doit pouvoir transmettre ses compétences au jeune employé. Ces aides ne sont valables que pour les embauches en CDI.

Un an et demi après l’entrée après, le dispositif a peu convaincu

Dès sa mise en place, des doutes sur l’efficacité de la méthode avaient été émis. Entré en vigueur en mars 2013, avec un objectif annoncé de 75 000 contrats la première année et 500 000 sur le quinquennat, les premiers bilans sont très décevants. En juillet 2014, seuls 29 000 accords avaient été paraphés. On atteint désormais les 33 000. Le gouvernement se console en se disant que c’est déjà mieux que les prévisions d’Éric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) qui estimait que seuls 21 000 emplois sur l’ensemble du quinquennat seraient créés grâce à cette mesure.

Face à ces premiers retours et un chômage toujours en hausse, le Président Hollande annonce à la grande conférence sociale de juillet 2014 que l’aide est désormais doublée (8 000€ par an pendant 3 ans soit 24 000€ au total) si l’embauche d’un jeune s’accompagne non plus d’un maintien d’un senior, mais d’une embauche d’un travailleur de 55 ans ou plus. Le 15 septembre, la mesure est entrée en vigueur. Le ministre du Travail, François Rebsamen espère désormais que 40 000 contrats soient noués en 2015.

L’Alsace dans la moyenne française

En Alsace, le millième contrat génération a été signé le 13 octobre 2014 à l’entreprise d’éclairage et de pompes à chaleur Velum International à Bischoffsheim. Avec 3% des contrats générations, l’Alsace est juste au-dessus de la moyenne nationale puisque la région représente environ 2,5% des contrats en France et 2,8% du PIB. Elle est même exactement à hauteur de sa population active, qui représentent 2,99% de la population active française (chiffres de l’INSEE de 2011).

Malgré ces chiffres, le préfet de région, Stéphane Bouillon, défend la mesure :

« Le taux d’emploi des seniors a tendance à augmenter, parce que le départ à la retraite se fait plus tard et l’espérance de vie augmente. Signer un contrat de génération c’est une preuve de confiance dans l’avenir. Ce dispositif d’aide aux entreprises doit les aider à se préparer à la sortie de crise, pour être opérationnelles quand les nouveaux marchés vont s’ouvrir. C’est un pari heureux pour notre pays. »

« Un atout de plus »

Embauché grâce à cette formule en tant que salarié expérimenté, Frédéric Plisson, 56 ans, était inscrit à Pôle Emploi Bordeaux depuis un an et demi. Il rejoint l’équipe commerciale de Velum et se réjouit de la formule :

« Lorsque j’ai activé mon réseau, beaucoup de personnes me faisaient comprendre que ma carrière était derrière moi. Avec les nouvelles dispositions du contrat génération, j’ai fait valoir ce nouvel “atout”, puisque j’y étais éligible. L’entreprise avait avant tout besoin de mes compétences, plus que d’une aide, mais c’est une incitation de plus pour elle. C’est assez motivant de parrainer un jeune. Je vais avoir l’occasion de lui transmettre des compétences et lui aussi pourra m’apprendre de nouvelles choses, notamment en informatique. Il y a un lien affectif qu’il n’y aurait pas sur une embauche classique. »

Une dépense mal engagée selon le député Laurent Furst

À l’échelle micro-économique, tout le monde semble heureux. Présent à cette signature symbolique, le député du Bas-Rhin Laurent Furst (UMP) est néanmoins réservé sur la disposition d’un point de vue national :

« Le chômage n’a jamais été aussi traité socialement, avec les emplois d’avenir et ces contrats génération et pourtant il y a plus de 500 000 chômeurs de plus en deux ans. J’ai voté contre cette mesure à l’Assemblée nationale, car je pense que si l’on veut une baisse de chômage forte, il faut une reprise économique, c’est-à-dire que la somme des valeurs ajoutées des entreprises augmente. Cela n’est possible que par une politique de l’offre ambitieuse, qui permet de gagner en compétitivité.

En revanche, si au niveau local l’application du dispositif est bien faite, que cela peut débloquer quelques situations, personne ne peut être contre. Dans ma mairie, j’ai aussi signé des contrats d’avenir. Avec les députés d’Alsace, nous ne voulons pas faire un blocage stérile à toute mesure. Mais au niveau national, on en paie le prix. »

Gwenaël Valet, responsable du service Entreprises à la direction régionale de Pôle Emploi, estime que le dispositif gagnerait à être plus connu :

« Notre rôle est de faire la promotion de la mesure auprès des travailleurs éligibles comme des entreprises. Demandeur d’emplois comme employeurs ne connaissent pas toujours le contrat de génération Pour les jeunes, et depuis peu les seniors, c’est un atout à faire valoir lorsqu’ils candidatent s’ils rentrent dans les conditions d’éligibilité. Si les objectifs ne sont pas remplis, c’est peut-être qu’il y a une difficulté pour les entreprises d’avoir besoin au même moment, d’une embauche en CDI d’un jeune tout en ayant un salarié de plus de 57 ans à garder pour rentrer dans ce cadre précis. »

Des objectifs de départ trop ambitieux et se basant sur une croissance trop élévée, un manque de lisibilité entre tous les dispositifs existant ou encore un programme qui ne cible pas assez les seniors sont autant d’hypothèses qui expliquent en partie le décalage actuel entre le nombre de contrats signés et les chiffres annoncés au départ.

« Le contrat génération permet des emplois de meilleure qualité »

De son côté, Velum Inernational est désormais rôdée aux contrats de génération : en juin, deux jeunes étaient déjà embauchés contre le maintien de deux emplois dans l’entreprise où les seniors sont nombreux (20 à 25% du personnel). Une quatrième embauche couplée est prévue dans les prochaines semaines. Anne Vetter, dirigeante de Velum, explique ce qui l’a motivée à signer ce type contrats :

« On embauche quelqu’un car il y a un besoin, par parce que cela déclenche une aide. Quand un commercial coûte plus de 30 000€ par an, ce n’est pas une aide 4 000€ sur trois ans, qui va déterminer son embauche ou non. On s’est renseigné, il a fallu faire des démarches, un plan d’entreprise, mais le dispositif permet de mieux accompagner ces salariés. Cette prime incite à prendre quelqu’un en CDI plutôt qu’en CDD, ou de débloquer des crédits pour de la formation ou d’un peu plus de salaire. Le contrat génération permet surtout des emplois de meilleure qualité pour l’entreprise comme le salarié. »

Elle conseille de se faire aider par un organisme, même si cela a un coût. Les entreprises peuvent se faire accompagner dans leurs démarches auprès des services de la Direccte ou de Pôle Emploi. Si la formule semble appréciée, le mécanisme doit encore faire ses preuves pour enrayer la hausse du chômage constante, notamment chez les seniors (+70% en quatre ans).

Plutôt favorables à la mesure sur le principe, les syndicats reconnaissent manquer de recul sur le jeune dispositif. S’ils se réjouissent des « bonnes intentions » affichées dans les plans d’entreprises, nécessaires pour bénéficier des aides, ils indiquent avoir peu de retours. Ils resteront vigilants d’ici 3 ans, quand les subventions disparaîtront. La « transmission » des savoirs vantée par tous pose quelques questions. l’embauche symbolique à Velum lie, par exemple, un commercial à un dessinateur. Quant au coût et à l’efficacité de la mesure, il faudra attendre un audit de la Cour des comptes puisque ni la Direccte ni Pôle Emploi ne contrôlent comment les aides sont utilisées par les entreprises.


#chômage

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