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Allo l’Europe ? Les limites de « fin » des frais d’itinérance

Après des négociations acharnées avec les opérateurs, l’Union européenne (UE) a imposé la fin des frais d’itinérance, qui s’ajoutaient à la facture lors de l’utilisation des téléphones portables à l’étranger. La mesure réjouit particulièrement les Alsaciens qui franchissent régulièrement la frontière allemande. Mais le marché commun de la téléphonie garde quelques zones d’ombre.

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Le 15 juin 2017, voilà la date qui été entourée en rouge dans les calendriers des frontaliers, des voyageurs ou des étudiants à l’étranger. Chez tous ceux qui ont opté pour une application comme Whatsapp ou Messenger pour remplacer les bons vieux SMS, tous ceux qui postent des photos de leurs séjours à l’étranger sur Facebook et Instagram, et autres accros au portable qui consultent leurs e-mails à toute heure et en toute circonstance. Car à cette date, la fin des « frais d’itinérance » en Europe avait sonné.

Jusqu’alors, quelqu’un qui voyageait dans un pays de l’Union européenne (UE) autre que le sien payait ses communications – appels vocaux, SMS et utilisation des données – à un tarif bien plus élevé que dans son pays d’origine. Car des accords entre les opérateurs pour assurer une continuité de service ont abouti à la mise en place d’un système de facturation en cascade, les communications des utilisateurs en voyages sont portées par un opérateur local puis facturées à l’opérateur de l’utilisateur avec une confortable marge.

Ce système, appelé « l’itinérance » des communications mobiles, est devenu gratuit depuis le 15 juin pour tous les abonnés européens, pour leurs communications au sein des pays de l’Union européenne.

La Commission européenne à Bruxelles s’est parée d’une bannière annonçant la fin de l’itinérance dans l’UE. (Photo Mauro Bottaro / EC Audiovisual Service / cc)

Les Alsaciens, grands bénéficiaires de la fin de l’itinérance

Les Alsaciens sont de ceux qui se réjouissent tout particulièrement de cette mesure, comme le souligne Elphège Tignel, responsable de communication de la branche française du Centre européen des consommateurs :

« Les Alsaciens habitués à traverser la frontière tous les jours s’étaient équipés d’un forfait comprenant des communications à l’étranger ou ont pris l’habitude de couper la connexion automatique à un réseau étranger avant de passer la frontière. Il ne fait aucun doute que la suppression des frais d’itinérance a un impact plus important en région frontalière. »

Michèle Dutter, qui vit à Stotzheim, en Alsace, à une trentaine de kilomètres de Strasbourg et travaille à Offenburg, en Allemagne, a vu les tarifs de l’itinérance décroître petit à petit et est ravie de l’abolition des surcoûts :

« C’est une excellente nouvelle ! Je n’utilisais jamais internet en Allemagne. Je ne coupais pas mon téléphone complètement mais ne décrochais pas, quand j’étais à Offenburg et que l’on m’appelait. Il y a quelques années, je n’ouvrais même pas les SMS car cela m’était facturé. »

De même, les Alsaciens qui vivent non loin du Rhin et captent sans le vouloir le réseau allemand doivent être soulagés, comme cette consommatrice qui, sur un forum d’aide sur internet, se plaignait :

« J’ai changé de mobile et de forfait, et depuis j’ai des problèmes de réseau pour téléphoner et recevoir des appels, ainsi qu’avec ma messagerie. J’habite tout près de la frontière allemande et j’ai plusieurs fois par jour le réseau allemand qui est surtaxé. A chaque fois, je reçois un message du 914. Je vous prie de faire votre possible sinon je vais changer d’opérateur, je n’avais pas ce problème avec mon ancien mobile. »

Piqûres de rappel

La fin des frais d’itinérance est donc logiquement présentée comme une victoire pour tous les consommateurs par l’Union européenne, souvent accusée de n’être utile qu’aux grands groupes. Elle permet de montrer que la politique communautaire peut influencer – concrètement et positivement – la vie des Européens. L’exemple mérite d’être encadré au panthéon des avantages concrets, comme la fin des barrières douanières par exemple.

Anne Sander, eurodéputée alsacienne membre du Parti populaire européen (le PPE, majoritaire dans l’hémicycle) se réjouit de cette bataille remportée face à l’industrie des télécoms :

« De mon point de vue, l’UE se construit à deux niveaux : celui des grandes politiques – l’emploi, la sécurité, la fiscalité, etc. – et celui du quotidien. La fin des frais d’itinérance s’inscrit dans cette deuxième catégorie : elle simplifie la vie de nombreux Européens, qui n’auront plus besoin de penser à désactiver leur 4G à l’étranger. C’est une mesure très positive, notamment pour les jeunes : ce sont eux qui ont les plus petits budgets et utilisent le plus leur téléphone. Et ce sont eux qu’on a envie de voir les plus mobiles ! »

Anne Sander, eurodéputée alsacienne du groupe du PPE, se réjouit de la fin de l’itinérance, notamment pour les jeunes et les transfrontaliers. (Photo CS / Rue89 Strasbourg / cc)

L’eurodéputée, qui se décrit comme une « élue locale » avant tout, ne cache pas que le sujet de la fin de l’itinérance revient régulièrement dans les conversations, notamment quand elle sillonne sa circonscription. Elle s’en sert d’ailleurs comme argument pro-UE et rappelle toujours, à qui l’écoute, que l’abolition des frais d’itinérance n’est pas un cadeau des opérateurs, mais le fruit de négociations bruxelloises acharnées :

« Dans cinq ans, ne pas payer de frais d’itinérance dans l’UE paraîtra tellement naturel qu’on ne s’imaginera plus revenir en arrière. Cela fera partie des moeurs. Or les petites piqûres de rappel ne font jamais de mal ! C’est agréable de ne plus avoir à se battre pour une cause, mais il faut toujours se souvenir d’où l’on vient. »

Pas la « fin » de l’itinérance

Car quand la Commission européenne avait annoncé, en janvier dernier, être parvenue à un accord avec les Etats membres pour aboutir à la création d’un marché commun de la téléphonie, elle ne semblait pas peu fière d’avoir réussi à faire primer les droits des consommateurs sur les intérêts des groupes télécoms. Pourtant, la bataille n’était pas gagnée d’avance et la Commission avait dû revoir trois fois sa copie avant de recueillir le soutien des Vingt-huit (Royaume-Uni y compris, car aussi longtemps que durent les négociations en vue du Brexit, l’île fait partie de l’UE).

En effet, la Commission avait dans un premier temps proposé de fixer un plafond de 90 jours de déplacement par an afin d’empêcher que les consommateurs ne se fournissent dans les États offrant les tarifs les plus bas. Cette ébauche de limites lui avait valu de vives critiques, si bien qu’elle avait fini par revenir sur cette idée.

Une seconde mouture proposait de remplacer le critère de durée par une attention accrue aux comportements suspects et aux situations pouvant mener à un déséquilibre du marché national. Finalement, les communications et données mobiles en itinérance pourront être facturées par un opérateur si ce dernier constate qu’un forfait est davantage utilisé à l’étranger que dans le pays d’origine, sur une période d’au moins quatre mois consécutifs. Il n’y a donc pas de « fin d’itinérance » totale.

« Roam like at home » ? Not quite

Toutefois, selon la Commission, l’application de ce principe « d’usage raisonnable » évitera une hausse du prix des tarifs domestiques. Reste à savoir comment les groupes de télécommunications dans l’UE chercheront à compenser les pertes liées à la disparition des recettes de l’itinérance. Et Monique Goyens, la directrice générale du Bureau européen de l’union des consommateurs (BEUC), à Bruxelles, de fustiger :

« Les opérateurs mobiles qui déclarent que ces nouvelles règles risquent de leur faire mettre la clef sous la porte et de les forcer à augmenter leurs tarifs domestiques ne sont pas sincères. »

Cette quasi-fin de l’itinérance ne signifie pas non plus que les appels du pays d’origine vers un pays étranger sont concernés par cette réglementation. Ainsi, pour téléphoner de Strasbourg vers Kehl, des frais supplémentaires peuvent toujours être appliqués, selon les conditions commerciales des abonnements, de même pour les appels entrants. L’idée de rendre illégaux ces surcoûts n’est pas sur la table à Bruxelles, mais plusieurs opérateurs ont déjà franchi le pas européen et proposent des forfaits qui bannissent les frais supplémentaires pour appeler certains pays.

Par ailleurs, la nouvelle législation pourrait continuer à s’appliquer au Royaume-Uni après le Brexit, puisqu’elle inclura à l’avenir (la date exacte est encore inconnue) des pays hors de l’UE – comme la Norvège, le Liechtenstein ou l’Islande. « Roam like at home » (« Surfez comme à la maison »), promet pour sa part la Commission européenne, pour qui ce serait bien que dans l’idée des Européens, cette maison, ce soit l’Europe.


#Bruxelles

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