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Alain Jund : « Tourner la page du nucléaire à Fessenheim pour engager la transition. »

Alors que 13 élus haut-rhinois demandent un report de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim de trois à cinq ans, l’élu écologiste strasbourgeois Alain Jund plaide dans une tribune pour y faire un pôle du démantèlement des centrales et d’y développer des énergies renouvelables comme la géothermie.

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Ce sont 45 années de lutte antinucléaire sur les bords du Rhin qui vont, enfin, aboutir et ce malgré quelques derniers soubresauts désespères. La ténacité et la combativité des citoyens et élus alsaciens, badois ou suisses, des associations régionales et nationales permettent aujourd’hui d’envisager la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim.

Il en aura fallu des manifestations, des pétitions, des die-in, des fêtes, des rapports de force tournant parfois à l’affrontement et même des grèves de la faim ; je pense naturellement à la militante infatigable que fut Solange Fernex.

Collectivement fiers de tourner la page

Nous devons, toutes et tous, être fiers de cette issue….qui semble se confirmer. Mais ce n’est qu’une étape dans un combat qui est loin d’être terminé. Certes après beaucoup de dérobades, de reniements et d’atermoiements – comment ne pas penser aux multiples annonces du candidat puis Président François Hollande mais également à la manière dont, lâché par le gouvernement le premier délégué interministériel, Francis Rol Tanguy, chahuté par les syndicats et abandonna la partie – la fermeture est un vrai soulagement. Centrale vieillissante, à la sécurité toute aléatoire sa rentabilité énergétique devenait marginale.

Mais ce qui va être mis en place pour accompagner cette fermeture doit être exemplaire. En effet, de la réussite de la transition qui s’engagera localement dépend certainement la crédibilité d’une sortie du nucléaire en France….et de ses 58 réacteurs. Car si l’Allemagne, au lendemain de la catastrophe de Fessenheim a acté cette perspective en 2011, le lobby nucléaire français (EDF et AREVA en tête) a maintenu le cap malgré des interrogations sur la rentabilité, la question des déchets et plus généralement la sécurité, questionnement confirmé il y a quelques jours par un rapport de la très officielle Autorité pour la Sécurité Nucléaire (ASN).

Ouvrir le chemin de la sortie du nucléaire !

Trois orientations et un préalable sont nécessaires pour réussir cette perspective. Il est tout d’abord impératif de ne pas engager cette transition « à reculons ». Il convient, notamment d’ouvrir un horizon volontaire démontrant que la transition est créatrice d’emplois et d’activités. C’est la condition pour mobiliser les salariés du site, les soustraitants et les acteurs économiques locaux. Construire un projet de territoire pour demain afin d’assumer cette étape, difficile pour d’aucuns, non comme une punition politique de circonstance ; c’est affronter collectivement cette transition plutot que de mettre la tête dans le sable.

La première orientation c’est la construction d’un pôle économique autour du démantèlement en matière nucléaire. Il n’est pas concevable que dans 20 ou 30 ans, le site de Fessenheim soit dans le même état que celui de la centrale bretonne de Brennilis fermée depuis 1985, envahie par les herbes folles, abandonnée et de plus en plus dangereuse.

Pôle du démantèlement des centrales

La fermeture constitue, pour Fessenheim, une réelle opportunité pour créer, a proximité, un véritable pôle économique réunissant la recherche, le développement et les processus industriels sur le démantèlement des sites nucléaires au plan européen. Comme par exemple, la centrale suisse de Beznau et celle de Chooz dans les Ardennes fermée depuis 15 ans. Cette filière, et quelque soit la vitesse de la sortie du nucléaire en France, ouvre des perspectives d’emplois durable pour plus de 50 ans. Plutôt que de persister dans l’exportation d’une filière nucléaire sans avenir, l’heure est à la promotion et au développement de cette technologie d’avenir autour du démantèlement.

C’est ensuite la nécessité d’ouvrir un horizon transfrontalier et européen. Ce n’est pas à la commune et au territoire proche de « supporter » seules ces transformations complexes. C’est bien l’espace transfrontalier de l’Alsace, du Bade-Wurtemberg et de la Suisse qui doivent accompagner cette transition, en s’appuyant notamment sur une situation de l’emploi plutôt favorable outre-Rhin. Dès 2013, Conseil rhénan avait ouvert cette voie. L’Europe doit aussi prendre toute sa place dans ce chantier exemplaire au moment même où le Parlement Européen finalise le « Paquet Climat Energie » et alors que la Banque Européenne d’Investissement et le Plan Juncker sont à la recherche de projets industriels et économiques alliant l’emploi et la transition énergétique.

Symbole des énergies renouvelables

C’est enfin sur le symbole des énergies renouvelables qu’il est pertinent de tourner la page du nucléaire à Fessenheim. Notre pays est en retard dans ce domaine face à nos partenaires européens. Nous pouvons fonder un pôle de référence en matière d’énergies renouvelables tournant résolument le dos aux énergies fossiles néfastes pour le climat.

La Plaine du Rhin est une vraie opportunité pour la géothermie…elle ne demande qu’à prospérer sur les trois régions. Le solaire reste particulièrement absent des toitures alsaciennes et suisses, l’éolien reste confidentiel à l’ouest du Rhin. En changeant de modèle, Fessenheim peut devenir un pôle de promotion, de recherche et de développement de la diversité de ces énergies renouvelables. C’est une concrétisation locale de l’accord de Paris sur le climat.

La fermeture de la vieille centrale nucléaire alsacienne peut donc constituer une réelle chance pour construire, sur place, un projet mobilisateur pour notre avenir commun ; celui des habitants et salariés de Fessenheim, celui des citoyens de la plaine du Rhin. C’est enfin l’occasion d’ouvrir la voie pour engager, concrètement, la sortie du nucléaire.

Il n’est pas trop tard….bien au contraire !


#Alain Jund

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