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A Strasbourg, le jeu de pistes pour cyclistes pourrait prendre fin en 2020

560 kilomètres de pistes cyclables, mais un réseau qui ressemble souvent à un jeu de pistes. Strasbourg est réputée être la capitale française du vélo, mais l’augmentation de la part des accidents impliquant un cycliste assombrit ce tableau flatteur. Outre le non-respect du code de la route, c’est l’aménagement lacunaire des voies pour deux-roues qui est mise en cause. D’ici 2020, la collectivité compte s’attaquer à quelques points noirs. Revue de détails.

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560 km de pistes et des tronçons qui perdent les pédales… (photo Mr. Wright – FlickR – CC)

Les statistiques sur les accidents corporels de la circulation sont paradoxales. Bonne nouvelle : le rapport du Service de l’information et de la régulation automatique de la circulation (présentation vidéo du Sirac) relève une baisse des accidents cyclistes. Leur nombre est passé de 182 en 2001 à 123 en 2011. Mauvaise nouvelle : sur cette même période de 10 ans, la part des accidents impliquant un cycliste a augmenté de 6%. Résultat, le cycliste est désormais impliqué dans un accident sur quatre, dans la plupart des cas face à une voiture.

Une rencontre malheureuse qui se solde bien souvent par une même victime, la plus vulnérable… Et si le cycliste est responsable de l’accident dans 55% des cas, c’est presque systématiquement lui qui en sort blessé, parfois mortellement. Le 20 mai 2012, une personne d’une quarantaine d’années est décédée, rue du Faubourg-de-Pierre. Ces faits divers sont néanmoins très rares : seulement quatre en cinq ans. Yves Laugel, président du Sirac, précise :

« Il n’y a plus de points noirs où les accidents sont récurrents. Un endroit n’est pas plus propice aux accidents qu’un autre. On constate tout de même deux types différents d’accidents : dans Strasbourg, les accidents sont plus fréquents avec les piétons. La police reçoit une à deux plaintes tous les dix jours, mais c’est sans compter ceux qui n’osent pas écrire ou se rendre au commissariat…

Quant aux accidents graves ou mortels, ils ont lieu le plus souvent dans la couronne extérieure, à Ostwald, Schiltigheim… où il y a beaucoup de trafic routier. Les accidents surviennent dans des conditions similaires : alors que le cycliste traverse sur un passage piéton, refuse la priorité à droite, grille un feu rouge. La part des cyclistes en état d’ébriété en revanche est très marginale. »

Des aménagements de voiries importants

Ces dernières années, la Ville de Strasbourg a pris plusieurs décisions, parfois contestées, pour réduire le nombre d’accidents. En 2006, Illkirch-Graffenstaden a été une ville pionnière en France dans la réorganisation des voies à sens uniques, aménagées pour en faire des double-sens praticables par les cyclistes. Strasbourg a emboîté le pas et propose désormais 360 rues de ce type. Cette initiative a connu le mécontentement des automobilistes qui avançaient les risques de collision. L’Agence de développement et d’urbanisme de l’agglomération strasbourgeoise (Adeus) affirme le contraire :

« Statistiques à l’appui, il est reconnu que de telles dispositions ne sont pas génératrices de plus d’accidents, plutôt moins, les usagers étant face à face dans des rues souvent peu larges, à trafic et à vitesse modérés. »

Si bien que la ville de Strasbourg a autorisé le double sens cyclable dans l’ensemble des rues en zone 30, sauf dans les rues du Noyer, des Juifs, des Serruriers et les quais de Paris et Desaix.

Autre initiative qui a fait grincer des dents, le « tourne-à-droite vélo ». Cette réglementation est autorisée dans les villes françaises depuis novembre 2010. La Ville de Strasbourg a demandé l’autorisation d’étendre le dispositif à dix-sept carrefours supplémentaires, notamment route du Polygone, rues de Bâle et de Ribeauvillé à Neudorf. Il en est de même le long de la route des Romains à Koenigshoffen.

Fonctionnement du "tourne-à-droite vélo" (image Carfree – CC)

560 kilomètres de pistes mais des plans à revoir

Le réseau actuel affiche plus de 560 kilomètres de pistes. En moyenne, ce sont 28 kilomètres d’infrastructures cyclables qui ont été créées chaque année depuis 1994. Aujourd’hui, 80% de la population de la CUS se situent à moins de 200 mètres d’une piste cyclable. Le schéma directeur de la circulation cycliste pour l’horizon 2020 pointe cependant des « carences en liaisons » et « un morcellement des itinéraires » sur l’ensemble de l’agglomération.

Les entraves à la bonne circulation sont souvent des points de franchissement mal conçus, des « coupures physiques » délicates pour les deux roues. Ces passages peuvent être améliorés grâce des travaux de voiries, même simples, comme la réalisation de passerelles. Le schéma directeur recense treize points suivants parmi lesquels le pont Mathis à Strasbourg, la passerelle sur la Bruche à Eckbolsheim, les ponts sur le canal de la Marne-au-Rhin à Hoenheim, Souffelweyersheim et sur le canal du Rhône-au-Rhin à Illkirch-Graffenstaden, ou encore les ponts SNCF avenue de Périgueux à Bischheim, rue de l’Industrie à Mundolsheim ou rue de Lauterbourg à Schiltigheim.

Carte des points de franchissement à améliorer (document Adeus)

La  majorité des communes périphériques connaissent des aménagements depuis 2010. Cette semaine, une piste cyclable a encore été inaugurée à Oberhausbergen, route de Saverne. Doivent suivre désormais les quartiers strasbourgeois de Koenigshofen, Montagne Verte, Esplanade, Meinau, Neudorf, Neuhof.

Des points noirs dangereux

Anna habite au Neuhof :

« Je fais tous les jours le trajet Neuhof-Palais universitaire en passant par la route du Polygone et Étoile-Bourse. En ce moment, les travaux devant la médiathèque de Neudorf gênent puisqu’il manque un bout de piste cyclable. Sinon, le trajet est plutôt bien aménagé pour les vélos, même si l’absence de démarcation claire entre les pistes cyclables sur route ou les pistes cyclables sur trottoir fait qu’on entre quand même assez souvent en conflit avec les piétons ou les voitures, vu qu’on est théoriquement un peu des deux, mais surtout aucun des deux quand on est à vélo. Cela met parfois les cyclistes dans des situations un peu tendues. »

Nicolas, quant à lui, utilise la voiture pour son activité professionnelle mais prend le vélo pour se rendre au centre-ville le week-end ou en soirées. Il emprunte en partie le même trajet mais soulève principalement l’incivilité des automobilistes et l’entretien des pistes :

« J’habite route du Polygone et je n’ai pas de souci particulier sur les trajets. Mais certains automobilistes ne font pas toujours attention lorsqu’ils ouvrent des portes, mettent la marche arrière. Il peut aussi arriver qu’il y ait du verre sur la route et par conséquent des cas de crevaisons. »

Anne-Laure, arrivée en septembre à Strasbourg pour ses études, habite dans le quartier Saint-Florent à Cronenbourg. Le souci qui la concerne elle aussi est d’abord l’entretien des infrastructures cyclables :

« Le quartier est assez bien desservi. Ce que je reproche plutôt, c’est le fonctionnement très aléatoire de l’éclairage du tunnel Jean-Robic qui passe sous la voie ferrée. La nuit, non seulement c’est flippant, mais c’est en plus dangereux. Autrement, pour aller en cours, je passe pour le moment par l’avenue des Vosges où il n’y a pas de piste cyclable. Je vais essayer de trouver un  autre chemin… »

L’avenue des Vosges, comme les autres grands axes routiers qui circonscrivent le centre (les boulevards à l’ouest, les quais au sud) sont des passages dangereux en raison du trafic continu en journée. Et les aménagements pour les cyclistes ne favorisent pas nécessairement la traversée de ces axes (lire la tribune d’un cycliste accidenté sur l’avenue des Vosges). Un dispositif similaire a été conçu il y a un peu plus d’un mois pour traverser le boulevard de Lyon, entre la rue de la Broque et la rue d’Andlau.

Les écoles et collèges encore mal desservis à vélo

La desserte des ensembles scolaires est l’un des points prioritaires soulevés par le schéma directeur. Alors que les ensembles universitaires et lycéens sont tous desservis, ce n’est pas le cas dans 20% des collèges. Du nord au sud de la CUS, le schéma directeur signale la nécessité d’améliorer la desserte d’une dizaine d’établissements dans 6 des 29 communes de la CUS, dont Strasbourg.

Favoriser les déplacements à vélo passent aussi par une meilleure connexion avec les gares. Certains usagers emportent leur vélo dans le TER pour se déplacer à deux-roues une fois arrivés en ville. D’autres usagers renoncent à cette option à cause d’une mauvaise desserte des gares en pistes cyclables. C’est notamment le cas dans huit gares de la CUS, dont celles de Bischheim, Entzheim ou Vendenheim…

Le réseau REVE pour mettre fin au cauchemar

L’analyse des pistes cyclables fait apparaître un réseau en étoile où « les quartiers proches du centre de Strasbourg sont connectés directement au centre-ville dans des conditions de sécurité et de confort satisfaisantes ». La Ville de Strasbourg travaille actuellement sur un grand projet pour pallier les difficultés de circulation entre la périphérie et le centre-ville. C’est le projet REVE, pour REseau Vélo Express (documents téléchargeables sur le site Strasbourg.eu).

Carte du réseau REVE (document Adeus)

Alain Jund, maire adjoint à l’urbanisme et initiateur du projet, explique l’enjeu de ce réseau :

« L’objectif est de favoriser les déplacements des cyclistes quotidiens dans l’agglomération et au-delà de la CUS, à la manière des réseaux cyclables à Amsterdam et Copenhague. Un système de rocades permettra d’éviter les zones où le risque de conflit entre piétons et cycliste est fort. Ce sera le cas notamment du trajet qui reliera d’ici un an le quartier de Neudorf jusqu’à la gare, en passant par le Bon Pasteur et non plus par le centre-ville.

Un autre projet consiste à aménager 15 kilomètres de piste sans discontinuité entre Vendenheim et le quai Mullenheim pour rattacher la périphérie à l’Espace européen de l’entreprise d’ici 2013-2014. Le réseau évoluera aussi parallèlement avec les nouvelles lignes de tram comme le veut le nouveau cahier des charges. On empiétera donc sur les axes routiers qui seront pas conséquent diminués. Mais ce sera au profit de la sécurité, pour inciter les personnes à prendre le vélo et entrer dans un cercle vertueux. »

Le réseau REVE sera composé en grande partie d’itinéraires existants, notamment la ceinture des boulevards, qu’il s’agira d’améliorer pour permettre aux cyclistes de rouler à des vitesses « élevées », pour « un meilleur confort d’usage ». Trois itinéraires devraient être réalisés en priorité, « la petite rocade » (les boulevards), le canal de la Marne-au-Rhin et l’itinéraire Strasbourg-Kehl à l’horizon 2014-2015.


#cyclistes

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